Lésions péri-articulaires et ligamentaires du genou, de la cheville et de l'épaule
Les tendinopathies sont une cause fréquente de douleurs des membres. Hormis pour les tendinopathies calcifiantes, elles sont d'origine mécanique et favorisées par des facteurs dits intrinsèques ou extrinsèques :
La conjonction de ces deux types de facteurs va conduire au développement de lésions tendineuses d'origine traumatique ou microtraumatique. Il peut ensuite apparaître une phase chronique au cours de laquelle des processus de réparation vont se mettre en place.
Le diagnostic d'une tendinopathie est clinique (+++). L'interrogatoire recherche des facteurs favorisants : gestes répétitifs sportifs ou professionnels ou gestes traumatiques. La douleur est mécanique avec parfois une quelques atypies surtout à la phase initiale (douleur incomplètement soulagée au repos ou douleurs nocturnes lors des mouvements, très fréquent pour l'épaule).
L'examen physique repose sur une triade :
À l'inverse, la mobilisation douce de l'articulation est indolore.
La radiographie standard de l'articulation douloureuse permet de rechercher un facteur favorisant, une calcification tendineuse ou un diagnostic différentiel (cause osseuse ou articulaire).Les autres examens d'imagerie ne sont habituellement pas nécessaires en première intention et ne sont à réaliser qu'en cas de doute diagnostique ou de résistance au traitement médical.
Les bourses séreuses permettent de faciliter le glissement des structures les unes sur les autres. Dans l'appareil locomoteur, les bourses permettent une interface entre l'os et un tendon, un muscle ou même la peau. Elles peuvent être le siège d'une pathologie mécanique, inflammatoire (microcristalline, rhumatisme inflammatoire) ou infectieuse. Toutes ces pathologies sont regroupées sous le terme de bursopathies ; les bursopathies superficielles (coude, genou) sont aussi dénommées « hygroma ».Une bursopathie va se manifester par une douleur en regard de la bourse séreuse et un gonflement plus ou moins visible selon la localisation et son importance.
L'examen clinique s'efforcera d'éliminer des signes en faveur d'une cause infectieuse , qui fait la gravité de ces pathologies :
Des examens d'imagerie sont parfois nécessaires pour évaluer l'importance de la bursite et confirmer le diagnostic.
En cas de fièvre, une ponction de la bursite avec analyse cytobactériologique du liquide de ponction est indispensable pour rechercher un germe ; on y recherchera également des microcristaux en lumière polarisée.
La ponction d'une bursite superficielle (hygroma) devrait être évitée, sauf en cas de suspicion d'une cause septique, car il existe un risque théorique d'infecter la bourse en cas de ponction.Le traitement des bursopathies est étiologique et dépend de leur cause mécanique, inflammatoire ou infectieuse.
Certains repères anatomiques sont importants pour bien comprendre la pathologie (fig. 30.1) :
Fig. 30-1 :Schéma synthétique de l'épaule montrant l'espace sous-acromial et les tendons de la coiffe des rotateurs. La bourse sous-acromio-deltoïdienne située entre les tendons et la voûte sous-acromiale permet le glissement des structures.
Fig. 30-2 :Biomécanique de l'épaule : évaluation de la mobilité de l'épaule dans les trois plans de l'espace.
L'approche diagnostique d'une épaule douloureuse doit passer par un interrogatoire et un examen clinique rigoureux et structuré qui permettra dans la majorité des cas d'aboutir à une suspicion diagnostique forte et d'orienter vers une prise en charge adaptée ou la prescription d'examens complémentaires.
L'examen clinique sera structuré en quatre phases :
Les manœuvres sont résumées dans le tableau 30.1. On distingue les manœuvres recherchant un conflit sous-acromial et le testing des tendons de la coiffe des rotateurs. Attention, ces manœuvres ne sont pas du tout spécifiques prises de manière individuelle, c'est l'ensemble du tableau clinique qui permet de les interpréter (cf. fig. 30.5).
Tableau 30.1 : Manœuvres cliniques de l'épaule.
Nom de la manœuvre | Position de départ | Description de la manœuvre | Commentaires |
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Yocum | Le malade place sa main à plat sur l'épaule opposée saine, coude fléchi à 90° | Le malade décolle son coude du thorax contre résistance | Manœuvre très peu spécifique |
Neer | L'examinateur bloque la scapula par un appui sur le moignon de l'épaule | Élévation passive du membre supérieur en rotation médiale et antépulsion dans l'axe de la scapula | Manœuvre peu spécifique. |
Hawkins | Rotation médiale avec l'épaule à 90° de flexion, avant-bras fléchi à 90° | Rotation médiale passive | Manœuvre peu spécifique |
Jobe Supra-épineux (vidéo 30.4) | Bras à 90° d'élévation antérieure dans le plan scapulaire, rotation médiale (pouce tourné vers le sol) | Abduction contre résistance | |
Infra-épineux (vidéo 30.5) | Bras coude au corps, avant-bras fléchi à 90° | Rotation latérale contre résistance | La position RE2 ou manœuvre de Patte (abduction de l'épaule à 90°) teste la force du teres minor |
Gerber Subscapulaire (vidéo 30.6) | Rotation médiale main dans le dos, coude fléchi à 90° | Décoller la main du dos | Ce test est peu spécifique car mettre la main dans le dos est douloureux quelle que soit la pathologie |
Belly press test Subscapulaire (vidéo 30.7) | Rotation médiale main sur le ventre, coude fléchi à 90° | Plaquer la main sur le ventre contre résistance | Manœuvre à préférer pour le subscapulaire |
Palm up test Biceps Brachial | Bras à 90° d'antépulsion en rotation latérale | Flexion avant-bras sur le bras, épaule contre résistance | Permet de palper le corps musculaire du biceps qui va bomber en cas de rupture du chef long (signe de Popeye) |
La radiographie standard reste l'examen de référence et doit être faite de manière systématique avant la réalisation de tout autre examen complémentaire (échographie, IRM, arthroscanner).
Elle comporte de manière systématique une incidence de face et un faux profil de Lamy (ou profil de coiffe).
Elle peut être complétée en fonction de la pathologie par des clichés de face en rotation neutre, latérale et médiale (pathologie de la coiffe des rotateurs, recherche d'une calcification tendineuse) ou un cliché acromioclaviculaire.
La stratégie d'utilisation des examens complémentaires et leurs résultats en fonction des pathologies sont résumés dans le tableau 30.2.
Tableau 30.2 : Indications des examens complémentaires en fonction des pathologies et résultats.
Capsulite | Résorption de calcification | Arthrite aiguë | Rupture de la coiffe des rotateurs | Tendinopathie de la coiffe des rotateurs | |
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Radiographie standard | Première intention | Première intention | Première intention | Première intention | Première intention |
Résultats attendus | Normale | Présence d'une calcification floue | Signes indirects d'épanchements, chondrocalcinose | Signes indirects : ascension de la tête humérale | Normale |
Échographie | Pas d'intérêt | Deuxième intention | Première intention | Première intention | Deuxième intention |
Résultats attendus | Bursite, calcification hétérogène au sein du tendon | Visualisation d'un épanchement dans l'articulation | Confirmation de la rupture de la coiffe : interruption des fibres tendineuses Épanchement bursal associé | Épaississement des tendons, aspect hypoéchogène et désorganisé Épanchement bursal associé | |
IRM | Rarement utile, uniquement en cas de doute diagnostique | Pas d'intérêt | Deuxième intention | Deuxième intention, si projet chirurgical | Troisième intention, sauf dans le cas de maladie professionnelle |
Résultats attendus | Visualisation d'un épanchement dans l'articulation Œdème osseux sous-chondral, synovite |
Les principales causes sont classées en fonction du tableau clinique.
Ce tableau correspond à l'apparition brutale d'une douleur d'épaule avec impossibilité de mobilisation active ou passive.
Dans ce cas, l'examen clinique est limité ; on recherche à l'inspection une tuméfaction évocatrice d'une bursite ou d'une arthrite, des signes inflammatoires locaux. La palpation douce recherchera un point douloureux en n'oubliant pas la palpation des articulations acromioclaviculaire et sternoclaviculaire.
Les deux étiologies à évoquer en priorité sont une résorption aiguë de calcification de la coiffe des rotateurs ou une arthrite aiguë (infectieuse ou microcristalline principalement).
Résorption de calcification
Fig. 30-3 : Aspect de résorption aiguë de calcification d'épaule : aspect flou et fragmenté de la calcification avec passage de calcium dans la bourse sous-acromio-deltoïdienne.
Arthrite aiguë
Fig. 30-4 : Dépôts de cristaux à la surface du cartilage de la tête humérale caractéristique de chondrocalcinose.
La démarche diagnostique face à une épaule douloureuse chronique est résumée infra dans la figure 30.6. Le premier temps sera l'évaluation des mobilités actives et passives de l'épaule à la recherche d'une capsulite rétractile. Ensuite, l'examen recherchera des arguments pour une tendinopathie ou une rupture de la coiffe des rotateurs.
Limitation des amplitudes actives et passives : capsulite rétractile
La présence d'une limitation active et passive des amplitudes articulaires dans un contexte de douleurs chroniques va faire évoquer une atteinte capsulaire ou en diagnostic différentiel une arthropathie glénohumérale.Capsulite rétractile
Omarthrose
L'omarthrose est le diagnostic différentiel de la capsulite. La plupart du temps elle est secondaire à une rupture de la coiffe des rotateurs avec ascension de la tête humérale (omarthrose dite excentrée dans le plan frontal).Fig. 30-5 :Aspect d'omarthrose excentrée associant pincement articulaire localisé, condensation, ostéophytose de la partie inférieure de la tête humérale, disparition de l'espace sous-acromial.
Tendinopathie et rupture de la coiffe des rotateurs
Tendinopathie
Rupture de la coiffe des rotateurs
Douleur d'origine acromioclaviculaire ou sternoclaviculaire
Les articulations acromioclaviculaire et sternoclaviculaire ne doivent pas être oubliées dans l'examen clinique d'une épaule douloureuse chroniqueL'arbre diagnostique en figure 30.6 synthétise la conduite à tenir face à une épaule douloureuse.
Fig. 30-6 :Synthèse de la conduite à tenir devant une épaule douloureuse chronique.
Le genou est une articulation diarthrodiale comportant en fait trois compartiments ayant la même cavité articulaire : articulations fémorotibiales médiale et latérale et fémoropatellaire. De nombreux éléments concourent à sa stabilité : capsule, ligaments et structures tendineuses. Sur le plan biomécanique, le genou est mobile dans le plan sagittal dans des mouvements de flexion et extension. Des mouvements de rotations sont également possibles mais évaluables uniquement genoux fléchis à 90°.
Cette section s'intéresse uniquement aux causes péri-articulaires de douleur du genou ; les causes articulaires sont traitées dans le chapitre 8 (arthrose) et les lésions traumatiques ligamentaires et méniscales aiguës sont traitées dans le référentiel d'orthopédie.
img width=15 height=15 style="margin: 0 5px 0px 5px;" src="http://www.lecofer.org/photos/cours/imageB.jpg">L'examen clinique du genou et les différentes manœuvres citées sont visualisables sur le site du COFER en suivant les QRcodes.
L'examen clinique appréciera de manière systématique :
Une tendinopathie du genou sera à rechercher par des manœuvres spécifiques pour chaque tendon selon la triade classique : douleurs à l'insertion du tendon, à la contraction contre résistance et à l'étirement du tendon (tableau 30.3).
Tableau 30.3 : Douleurs et examen clinique des principales tendinopathies du genou.
Tendinopathie quadricipitale | Tendinopathie patellaire | Tendinopathie de la patte d'oie | Syndrome de la bandelette iliotibiale | |
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Localisation de la douleur (spontanée et à la palpation) | Pôle supérieur de la patella | Pôle inférieur de la patella | Face antéro- médiale du genou, sous l'interligne articulaire | Face latérale au niveau du condyle latéral du genou |
Examen clinique | Douleur à l'extension de jambe contre résistance et en flexion passive de jambe | Douleur à l'extension de jambe contre résistance et en flexion passive de jambe | Douleur à la flexion et rotation médiale contrariée de la jambe et à l'extension et rotation latérale passive | Test de Noble : douleur à la mise en tension du tractus iliotibial à 30° de flexion Test de Renne : mouvements de flexion et extension du genou en appui monopodal |
Il existe trois grandes causes de tendinopathie du genou :
Les signes cliniques associés à chaque tendinopathie sont résumés dans le tableau 30.3.
Le diagnostic de tendinopathie reste clinique. Les examens complémentaires seront à demander en seconde intention en cas de résistance au traitement ou d'atypie. Une radiographie standard du genou face en charge et profil sera réalisée en première intention, complétée par une échographie. L'IRM ne sera demandée qu'en troisième intention.
Hors contexte traumatique aigu (cf. référentiel d'orthopédie), les ménisques peuvent être la cause de douleurs chroniques du genou. Ceux-ci sont parfois le siège de lésions dégénératives (fissurations). Les arguments d'interrogatoire et d'examen clinique en faveur de l'origine méniscale d'une douleur chronique de genou sont :
Le diagnostic formel de l'origine méniscale de la douleur est souvent difficile, surtout lorsqu'il existe déjà des lésions d'arthrose fémorotibiale associée.
img width=15 height=15 style="margin: 0 5px 0px 5px;" src="http://www.lecofer.org/photos/cours/imageB.jpg">Une radiographie du genou de face en charge (précision indispensable dans la prescription), face en schuss, profil, permettra de recherche une arthrose fémorotibiale sur le compartiment douloureux. Une incidence en vue axiale du défilé fémoropatellaire permet de rechercher une arthrose associée de ce compartiment. Les clichés en schuss permettent de détecter plus précocement le pincement articulaire (cf. chapitre 8). Une IRM sera l'examen à réaliser en cas de doute diagnostique ou de résistance à la prise en charge conventionnelle. Attention, une IRM est inutile en cas d'arthrose radiographique car cela ne modifiera pas la prise en charge du patient. En effet, les chirurgies de ménisques sont inefficaces chez les patients porteurs de gonarthrose associée.
Le genou comprend des bourses de glissement, notamment entre les structures osseuses et la peau, permettant d'éviter les frictions mécaniques. La figure 30.7 montre les différentes bourses superficielles du genou. Une bursite superficielle (parfois appelée hygroma) correspond à une inflammation de cette bourse.
Fig. 30-7 :img width=15 height=15 style="margin: 0 5px 0px 5px;" src="http://www.lecofer.org/photos/cours/imageB.jpg">Bourses de la face antérieure du genou.
Les causes de bursites peuvent être inflammatoires (infectieuse, microcristalline, rhumatismes inflammatoires) ou mécanique (frottements répétés). Il est rappelé que la ponction d'une bursite superficielle (hygroma) devrait être évitée sauf en cas de suspicion d'une cause septique, car il existe un risque théorique d'infecter la bourse voire l'articulation en cas de ponction.
Les entorses et autres traumatismes de la cheville sont traités dans le référentiel d'orthopédie.
La pathologie péri-articulaire de cheville est dominée par les douleurs postérieures, pouvant orienter vers une tendinopathie ou une enthésopathie achilléenne, une bursite ou une aponévrosite plantaire.
Le système suro-achilléo-plantaire (fig. 30.8) est un système puissant permettant la propulsion du pied lors de la marche et de la course à pied. Il est composé du muscle triceps sural, du tendon calcanéen (ou d'Achille), de la tubérosité postérieure du calcanéus et de l'aponévrose plantaire. Ce système, très sollicité, est sujet à de nombreuses pathologies essentiellement mécaniques.
Fig. 30-8 :Système suro-achilléo-plantaire.
Système puissant permettant la propulsion du pied lors de la marche et de la course à pied. Il comprend le muscle triceps sural, le tendon calcanéen (ou d'Achille), la tubérosité postérieure du calcanéus et l'aponévrose plantaire.
Fig. 30-9 :Tendinopathie achilléenne gauche se traduisant par un épaississement focal du tendon calcanéen.
L'atteinte de l'insertion distale du tendon calcanéen au niveau de son attachement dans l'os (enthèse) est appelée enthésopathie. Elle est caractérisée cliniquement par une douleur distale à l'insertion du tendon sur l'os et non au niveau du corps tendineux. Elle doit faire évoquer une cause inflammatoire (spondyloarthrite, fig. 30.10) surtout quand il existe des érosions associées. Elle peut également être de cause mécanique.
Fig. 30-10 :Échographie du tendon calcanéen (d'Achille) : enthésite dans le cadre d'une spondyloarthrite.
La bourse rétrocalcanéenne ou pré-achilléenne (entre le calcanéus et l'insertion du tendon calcanéen) peut être le siège d'une pathologie mécanique en cas de conflit avec le coin postéro-supérieur du calcanéus (maladie de Haglund, fig. 30.11), mais doit aussi faire rechercher une pathologie inflammatoire, notamment une spondyloarthrite.
Fig. 30-11 :Exemple d'hypertrophie de la partie postérieure du calcanéus caractéristique d'une maladie de Haglund.
Il s'agit d'une atteinte de l'insertion de l'aponévrose plantaire sur la face inférieure du calcanéus. Les signes cliniques évocateurs sont :
La clinique est suffisante pour affirmer le diagnostic qui comporte une correction des facteurs favorisants : surpoids, sport, troubles statiques, le port de semelles et la rééducation (massages transverses profonds, étirement de l'aponévrose plantaire et de l'ensemble de la chaîne suro-achilléo-plantaire). Une radiographie et une échographie pourront être réalisées en deuxième intention. Une infiltration de dérivés cortisonés à la surface de l'insertion de l'aponévrose, des techniques de physiothérapie peuvent être proposées en deuxième intention.
Légende :
Dans le respect de la Réforme du deuxième cycle des études médicales (R2C), les connaissances rassemblées sur ce site sont hiérarchisées en rang A, rang B et rang C à l'aide de balises et d'un code couleur :
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Connaissances essentielles à la pratique mais relevant d'un savoir plus spécialisé que tout interne d'une spécialité doit connaître au premier jour de son DES.
Connaissances spécifiques à un DES donné (troisième cycle).