Pathologies auto-immunes : aspects épidémiologiques, diagnostiques et principes de traitement
Le système immunitaire a une fonction de reconnaissance de l'environnement exogène et endogène. Les lymphocytes B et T sont programmés pour reconnaître spécifiquement des antigènes par des récepteurs spécifiques (BCR pour les lymphocytes B, TCR pour les lymphocytes T). Compte tenu de l'extrême diversité du répertoire de ces récepteurs d'antigènes, l'apparition de lymphocytes reconnaissant des antigènes du soi est statistiquement inéluctable.
Ces cellules autoréactives sont contrôlées par les mécanismes de tolérance, cette dernière étant définie par la capacité du système immunitaire à ne pas s'activer vis-à-vis des antigènes du soi (autoantigènes). Différents mécanismes de tolérance permettent au système immunitaire de se protéger contre les clones lymphocytaires autoréactifs, de les éliminer ou de les inactiver (tableau 13.1).
Tableau 13.1 : Principaux mécanismes à l'origine de la tolérance immunologique.Site d'instauration Mécanismes impliqués Tolérance centrale Pour les lymphocytes T (dans le thymus) : Pour les lymphocytes B (dans la moelle osseuse) : Tolérance périphérique Dans la circulation générale et les organes lymphoïdes secondaires : les clones autoréactifs vont être détruits (apoptose par délétion clonale), inactivés (anergie liée à l'absence de signaux de costimulation) ou contrôlés par des lymphocytes régulateurs
L'auto-immunité physiologique est un phénomène naturel important qui régule l'homéostasie du système immunitaire. Elle est le fait de lymphocytes B autoréactifs qui produisent des anticorps dits « naturels » (c'est-à-dire présents chez tous les individus) de faible affinité et des lymphocytes T portant des TCR autoréactifs de faible affinité.
L'auto-immunité pathologique est le résultat d'une rupture de la tolérance immunologique. Celle-ci survient lors de modifications qualitatives ou quantitatives de l'activité et/ou de la régulation des lymphocytes B ou T autoréactifs et/ou des autoantigènes. Cette rupture de tolérance peut être acquise ou résulter d'anomalies génétiques de la maturation du système immunitaire.
Les cellules autoréactives peuvent exercer leurs effets pathogènes par différents mécanismes :
La présence d'une biologie auto-immune isolée (par exemple, la positivité isolée d'une recherche d'anticorps antinucléaires) sans manifestation clinique ou autre manifestation biologique n'est pas suffisante pour définir une maladie auto-immune à proprement parler. Cependant, dans de nombreux cas, l'auto-immunité pathologique apparaît avant l'apparition des signes cliniques.
On définit historiquement une maladie auto-immune en fonction de différents critères (encadré 13.1).
Encadré 13.1 Principaux éléments permettant de définir une maladie auto-immune⁎
Tableau 13.2 : Classification des maladies auto-immunes.
Maladies auto-immunes spécifiques d'organes | Maladies auto-immunes non spécifiques d'organes (systémiques) |
---|---|
|
|
Le terme de « syndrome de chevauchement » correspond aux patients qui répondent aux critères de classification de plusieurs maladies auto-immunes à la fois, probablement en raison de l'existence d'un terrain immunogénétique commun à ces différentes maladies.
Il convient de distinguer ce concept de celui de connectivite mixte (également appelé syndrome de Sharp par certains auteurs), qui est une maladie auto-immune bien individualisée (habituellement caractérisée par la présence d'un syndrome de Raynaud, d'une polyarthrite et d'anticorps anti-RNP à titre très élevé), et de celui de connectivite inclassée ou indifférenciée, lorsque les patients présentent une maladie auto-immune qui ne remplit les critères de classification d'aucune maladie bien définie.
De plus certaines maladies auto-immunes peuvent s'associer, par exemple polyarthrite rhumatoïde et syndrome de Sjögren (secondaire), ou sclérodermie systémique et cirrhose biliaire primitive (syndrome de Reynolds), parfois dans le cadre des « polyendocrinopathies auto-immunes ».
Les maladies auto-immunes peuvent conduire à la défaillance des organes ou tissus « nobles » (tableau 13.3), ce qui constitue un critère de gravité. Ces atteintes peuvent parfois engager le pronostic vital et justifient alors d'un traitement plus intensif.
Tableau 13.3 : Principales atteintes caractérisant une maladie auto-immune « sévère ».Type d'atteinte Rein Insuffisance rénale Poumon Pneumopathie interstitielle hypoxémiante, hémorragie alvéolaire par capillarite pulmonaire, etc. Système nerveux Atteinte du SNC par des mécanismes inflammatoires ou parfois ischémiques (notamment dans le cas du SAPL) ou du SNP en particulier par vascularite (mononévrites multiples) Cœur Myocardite Tube digestif Ischémie digestive, perforations Système hématopoïétique Syndrome d'activation macrophagique
Il est classiquement admis que les maladies auto-immunes prédominent chez la femme jeune. Cependant, le sex-ratio (tableau 13.4) et l'âge de début sont variables d'une maladie à l'autre : il existe ainsi des formes à début pédiatriques et des formes dites « à début tardif ».
Tableau 13.4 : Prévalence des principales maladies auto-immunes en France (nombre de cas pour 100 000 habitants) (à titre indicatif).
⁎ Diminue avec l'âge (en particulier après 70 ans).Pathologies Prévalence (/100 000) Sex-ratio (F/H) Thyroïdite de Hashimoto 1 000–1 500 10:1 Maladie de Basedow 500–1 500 7:1 Maladie cœliaque 500–1 000 2–3:1 Polyarthrite rhumatoïde 300–800 4:1⁎ Diabète de type 1 200–300 1:1 Sclérose en plaques 50–120 3:1 Lupus systémique 40–50 9:1 Sclérodermie systémique 15–25 4:1 Artérite à cellules géantes 10–50 2–3:1 Syndrome de Sjögren 10–15 9:1 Cirrhose biliaire primitive 10–15 9:1 Maladie d'Addison 10–15 2:1 Maladie de Behçet 5–10 0,75:1 Myopathies inflammatoires 6–7 1–2:1 Myasthénie 5 3:1⁎⁎ Granulomatose avec polyangéite 2–3 0,75:1 Polyangéite microscopique 2–3 2:1 Granulomatose éosinophilique avec polyangéite 1 0,6:1 Syndrome de Goodpasture < 1 1:2 Polychondrite atrophiante < 1 1:1
⁎⁎ Avant 40 ans.
La prévalence des maladies auto-immunes est très variable d'une pathologie à l'autre (tableau 13.4) : les dysthyroïdies auto-immunes sont très fréquentes dans la population générale, tandis que les vascularites primitives à ANCA sont très rares. Selon la définition européenne, une pathologie est dite « rare » lorsque sa prévalence est inférieure à 50 pour 100 000 (0,05 %), c'est-à-dire lorsqu'elle touche moins de 1 personne sur 2 000.
Les maladies auto-immunes sont des pathologies multifactorielles, qui résultent de l'interaction complexe entre un terrain génétique à risque et des facteurs environnementaux favorisants.
L'existence d'une prédisposition génétique aux maladies auto-immunes est attestée par l'existence de formes familiales et par le taux de concordance chez les jumeaux monozygotes comparativement aux jumeaux dizygotes et à la population générale.
Dans la majorité des cas, les maladies auto-immunes sont dites « polygéniques », car le terrain génétique favorisant ces maladies est déterminé par les polymorphismes de nombreux gènes ne conférant chacun qu'un surrisque faible à modéré de développer la maladie. Citons par exemple le rôle des gènes du HLA, du complément, des récepteurs des immunoglobulines, des gènes d'activation lymphocytaire et des voies de l'apoptose.
Beaucoup plus rarement, les maladies auto-immunes sont dites « monogéniques », lorsque la survenue d'une mutation d'un seul gène suffit à conférer une augmentation très marquée du risque de développer la maladie.
Le poids de la génétique est plus important dans les formes à révélation pédiatrique.
La prévalence de ces maladies est plus importante chez les femmes (sauf quelques exceptions). Par ailleurs, durant la grossesse, il existe un risque important de poussées de lupus, alors qu'il est moindre pour la polyarthrite rhumatoïde.
De très nombreux facteurs environnementaux pourraient jouer un rôle dans la survenue des maladies auto-immunes (tableau 13.5).
Tableau 13.5 : Principaux facteurs environnementaux incriminés dans la survenue des maladies auto-immunes.Facteurs environnementaux Exemple d'association Agents physiques UV Association avec le lupus systémique Agents chimiques Tabagisme Association rapportée avec la PR, le lupus systémique Particules inhalées : silice (travailleurs du bâtiment, mineurs, prothésistes dentaires), poussières de l'industrie textile Associations rapportées avec la sclérodermie systémique, le lupus systémique et la polyarthrite rhumatoïde Silicone (prothèses mammaires) Possiblement à l'origine de connectivites en particulier la sclérodermie Médicaments : À l'origine de lupus-induit Agents biologiques Virus : EBV, parvovirus B19, etc. Rôle suspecté dans le lupus, le syndrome de Sjögren Bactéries : Porphyromonas gingivalis, Chlamydiae, Campylobacter, etc. Rôle suspecté dans la polyarthrite rhumatoïde, les spondyloarthrites
Le plus souvent, ces facteurs environnementaux sont identifiés par des études cas-témoins. Rappelons que celles-ci ne peuvent permettre d'affirmer qu'il existe un lien de causalité entre l'exposition au facteur environnemental et la survenue de la maladie. Parfois, l'étude de modèles animaux et des expériences in vitro permettent de conforter le rôle d'un facteur environnemental (par exemple, le rôle délétère des UV au cours du lupus systémique, validé dans les modèles murins de lupus).
Pour certaines maladies auto-immunes, il existe un gradient géographique (par exemple, gradient Nord-Sud au cours de l'artérite à cellules géantes avec une prévalence plus élevée en Scandinavie), qui ne peut se résumer à la seule contribution de facteurs génétiques et suggère l'implication de facteurs environnementaux.
Des arguments indirects suggèrent que des infections (en particulier à EBV, parvovirus B19, etc.) pourraient jouer un rôle dans le déclenchement de certaines maladies auto-immunes telles que le lupus systémique ou le syndrome de Sjögren, notamment par des mécanismes de mimétisme moléculaire (similarité entre certaines molécules de ces agents infectieux et des protéines humaines) ou par effet bystander (activation aspécifique des cellules situées au voisinage immédiat d'une réaction immunologique spécifique).
Certains médicaments peuvent induire l'apparition d'autoanticorps (par exemple, des anticorps antinucléaires) et être responsables d'authentiques maladies auto-immunes (lupus « induit »).
L'exposition professionnelle à des substances toxiques mérite aussi d'être soulignée car certaines ont été incriminées dans la survenue des maladies auto-immunes, comme par exemple l'exposition aux particules de silice, qui est associée à un risque accru de développer une sclérodermie systémique, un lupus systémique ou une polyarthrite rhumatoïde (PR).
Les dernières années ont vu émerger le rôle potentiel du microbiote (ensemble des micro-organismes, bactéries, levures, champignons, virus, vivant chez un hôte), en particulier intestinal ou de la plaque dentaire, dans la survenue des maladies auto-immunes.
En pratique, le diagnostic de maladie auto-immune repose sur l'association de manifestations cliniques et/ou biologiques évocatrices et la mise en évidence d'une auto-immunité (ou des stigmates biologiques de celle-ci).
Certains éléments biologiques aspécifiques peuvent se rencontrer chez les patients atteints de maladies auto-immunes (tableau 13.6).
Tableau 13.6 : Principaux éléments biologiques au cours des maladies auto-immunes.
⁎ ASAT, ALAT, γ-GT, PAL, bilirubine totale et libre.Anomalie biologique Mécanismes possibles NFS-plaquettes Électrophorèse des protéines
– globale dans les maladies auto-immunes systémiques
– prédomine sur les IgG dans les hépatites auto-immunes
– prédomine sur les IgM dans la cirrhose biliaire primitive Bilan d'hémostase (TP/TCA) VS/CRP(Si VS réalisée) Syndrome inflammatoire (au cours de nombreuses maladies auto-immunes et notamment des vascularites) ou dissociation entre la VS (augmentée) et la CRP (normale, sauf sérites et infections) au cours du lupus systémique Complément (C3, C4, CH50) Fonction rénale CPK et ASAT Recherche d'une myolyse (par exemple, myopathies inflammatoires) Bilan hépatique⁎ Cytolyse hépatique ou cholestase Cryoglobulinémie et cryofibrinogène Le plus souvent polyclonale (de type III), notamment dans le lupus ou le syndrome de Gougerot-Sjögren
Les autoanticorps sont les principaux marqueurs immunologiques des maladies auto-immunes. Rappelons que la présence d'autoanticorps ne témoigne pas forcément de l'existence d'une maladie auto-immune, puisque toute stimulation du système immunitaire (par exemple, au cours de certaines infections) peut conduire à la formation d'autoanticorps.
Les autoanticorps sont surtout utiles pour établir le diagnostic positif de :
Principales familles d'autoanticorps rencontrées au cours des maladies auto-immunes.Principales familles d'autoanticorps Principal intérêt diagnostique Anticorps antinucléaires (ANA) Marqueurs des maladies auto-immunes non spécifiques d'organes, en particulier des connectivites Anticorps anti-tissus (ou anti-cellules) Marqueurs des maladies auto-immunes spécifiques d'organes Anticorps anti-phospholipides Marqueurs du syndrome des anti-phospholipides (SAPL), qui peut être primaire ou secondaire Anticorps dirigés contre le fragment constant (Fc) des IgG humaines et/ou animales = facteur rhumatoïde Marqueur (peu spécifique) de la polyarthrite rhumatoïde Anti-CCP (anti-peptides cycliques citrullinés)
ACPA (Anti-Citrullinated Protein Antibodies)Marqueurs de la polyarthrite rhumatoïde Anticorps anti-cytoplasme de polynucléaires neutrophiles (ANCA) Marqueur des vascularites à ANCA
En présence de manifestations cliniques et/ou biologiques évocatrices, la mise en évidence d'anticorps antinucléaires oriente plus particulièrement vers la famille des connectivites.
La recherche des anticorps antinucléaires repose sur une stratégie en deux étapes (tableau 13.8) :
Fig. 13-1 :Recherche d'anticorps antinucléaires : principaux aspects en immunofluorescence indirecte.
Tableau 13.8 : Recherche d'anticorps antinucléaires.Étapes Technique Intérêt Immunofluorescence indirecte Titre (inverse de la plus grande dilution permettant d'observer la fluorescence) considéré comme cliniquement significatif si > 1/80e ou ≥ 1/160e Aspect de la fluorescence (par exemple : homogène, mouchetée, centromérique, nucléolaire)
(Ces aspects ne sont pas mutuellement exclusifs et peuvent se superposer)Nombreuses techniques possibles (ELISA, Luminex®, immunodots, Bio-Plex®) Selon l'aspect de la fluorescence :
Rappelons que des anticorps antinucléaires (en particulier à faible titre), sont rencontrés chez environ 10 % des sujets sains (en particulier chez les sujets âgés), au cours des hépatites auto-immunes (80–100 %), de la polyarthrite rhumatoïde (10–20 %), mais également de nombreuses maladies auto-immunes spécifiques d'organes (myasthénie, sclérose en plaques, etc.). La spécificité d'une recherche positive d'anticorps antinucléaires est donc faible et il est indispensable de caractériser les anticorps pour en identifier la cible.
Par ailleurs, il est important de savoir que de nombreux « nouveaux » anticorps ont été décrits ces dernières années, notamment au cours des myopathies inflammatoires et des sclérodermies systémiques, et qu'il est possible de demander la recherche de ces spécificités antigéniques devant un tableau clinique évocateur : demande de dot (immunodot) « myosite » ou de dot « sclérodermie », qui explorent de nombreuses spécificités à la fois (tableau 13.9).
Tableau 13.9 : Les différentes spécificités des anticorps antinucléaires (à titre indicatif).Pathologie Autoanticorps Sensibilité Spécificité Lupus systémique ANA 100 % 50 % Anti-ADn natif 60–80 % 95–99 % Anti-nucléosome 30–60 % 99 % Anti-Sm 10–30 % 99 % Anti-SSA (Ro) 20–30 % 10–20 % Anti-SSB (La) 10–20 % 5 % Anti-RNP 30 % 30 % Syndrome de Sjögren Anti-SSA (Ro) 50–70 % 80–90 % Anti-SSB (La) 30–60 % 95 % Sclérodermie systémique* ANA 90–100 % 50 % Forme cutanée diffuse Anti-Scl70 30–40 % 90–100 % Anti-ARn polymérase III 10–25 % 99 % Forme cutanée limitée§ Anti-centromères 60–70 % 85–100 % Syndrome de Sharp Anti-RNP 100 % 50 % Myopathies inflammatoires** Syndrome des anti-synthétases : 20 % 90–100 % < 5 % < 5 % Autres spécificités rares (anti-EJ, -OJ, -KS, etc.)
Autres spécificités plus rares : * Sclérodermie systémique (anti-U3-RNP, anti-Th/To). **Myopathies inflammatoires : myopathies nécrosantes (anti-SRP, anti-HMGCR), dermatomyosite (anti-Mi2, anti-SAE, anti-MDA5, anti-NXP2, anti-TIF1γ).§ Anciennement CREST.
De nombreux anticorps sont associés aux maladies auto-immunes spécifiques d'organes (tableau 13.10 et 13.11) et en permettent le diagnostic devant des manifestations cliniques et/ou biologiques évocatrices.
Tableau 13.10. : Anticorps associés aux maladies auto-immunes spécifiques d'organes : cytopénies auto-immunes⁎.
Cytopénies auto-immunes | Anticorps associés |
---|---|
Anémie hémolytique auto-immune (AHAI) | Test de Coombs |
Purpura thrombopénique immunologique (PTI) | Anticorps anti-plaquettes |
Neutropénie auto-immune | Anticorps anti-PNN |
Maladie auto-immune spécifique d'organe | Anticorps associés |
---|---|
Glandes endocrines | |
Thyroïdite de Hashimoto |
|
Maladie de Basedow |
|
Maladie d'Addison |
|
Diabète de type 1 |
|
Ovarite auto-immune |
|
Foie et tube digestif | |
Cirrhose biliaire primitive |
|
Hépatites auto-immunes (HAI) | HAI de type 1 :
HAI de type 2 :
|
Maladie cœliaque |
|
Maladie de Biermer |
|
Peau | |
Pemphigus (pemphigus vulgaire, pemphigus superficiel et pemphigus paranéoplasique) |
|
Pemphigoïdes (pemphigoïde bulleuse, pemphigoïde cicatricielle, pemphigoïde gravidique) |
|
Système nerveux central et périphérique | |
Myasthénie auto-immune |
|
Syndrome de Lambert-Eaton |
|
Neuropathie démyélinisante dysimmunitaire associée à une gammapathie IgM |
|
Polyradiculonévrites aiguës Maladie de Guillain-Barré Syndrome de Miller-Fisher Neuropathies à bloc de conduction |
|
Syndromes paranéoplasiques à expression neurologique | Nombreux autoanticorps dont anticorps anti-Hu, anti-Ri, anti-Yo, anti-CV2, anti-Tr, anti-Ma2, anti-amphiphysine, etc. |
Neuromyélite optique de Devic |
|
Rein | |
Glomérulonéphrite extramembraneuse idiopathique |
|
Les anticorps anti-phospholipides (aPL) représentent une famille hétérogène d'autoanticorps dirigés contre les phospholipides des membranes (par exemple, anticorps anti-cardiolipines, aCL) ou contre leurs cofacteurs protéiques (β2-glycoprotéine-1, anti-β2GP1) (tableau 13.12).
Marqueur du SAPL | Technique de recherche |
---|---|
Anticorps anti-cardiolipine (aCL) | ELISA (principalement) |
Anticorps anti-β2-glycoprotéine-I (anti-β2GP1) | ELISA (principalement) |
Anticoagulant circulant (ACC) | Test d'hémostase (temps de venin de vipère Russell dilué [dRVVT]) |
Le facteur rhumatoïde (FR) est une immunoglobuline, le plus souvent de type IgM, ayant une activité anticorps dirigée contre les immunoglobulines G humaines ou animales.
Le FR était classiquement recherché par la réaction de Waaler-Rose et le test au latex. Actuellement, la néphélométrie laser ou la méthode ELISA sont les techniques les plus répandues et les plus sensibles pour la détection du FR.
La sensibilité et la spécificité d'une recherche positive de FR dépendent beaucoup du contexte clinique : la sensibilité est d'environ 80 % dans une polyarthrite rhumatoïde évoluant depuis quelques années mais seulement de l'ordre de 30 % au début de la maladie.
Rappelons que la présence de FR n'est pas spécifique de la polyarthrite rhumatoïde (spécificité de 60 à 80 %) et qu'il peut se rencontrer au cours de certaines maladies infectieuses (endocardite, VHC, leishmaniose), d'autres maladies auto-immunes (10 à 20 % des patients lupiques, 60 % au cours du syndrome de Sjögren), des hépatopathies, de certaines hémopathies lymphoïdes, ainsi que chez les sujets sains, en particuliers âgés (jusqu'à 6–10 % de positivité).
Les anticorps anti-peptides cycliques citrullinés (anti-CCP) ou, plus récemment, les ACPA (Anti-Citrullinated Protein Antibodies ) sont positifs dans 50 à 60 % des PR récentes, avec une spécificité élevée (de l'ordre de 95 %). Les anti-CCP sont positifs dans 30 % des PR négatives pour le FR.
Par ailleurs, la positivité conjointe des FR et des anti-CCP confère une très bonne valeur prédictive positive pour le diagnostic de PR (98–100 %), avec toutefois une sensibilité n'excédant pas 40–50 %.
Enfin, les anticorps anti-CPP et les ACPA ont une valeur pronostique car ils sont statistiquement associés aux formes érosives.
Les ANCA sont des autoanticorps dirigés contre des antigènes présents dans les granules des polynucléaires neutrophiles. Ce sont des marqueurs diagnostiques très importants de certaines vascularites des vaisseaux de petit calibre, dont ils ont profondément modifié la stratégie diagnostique et la classification.
Leur dépistage s'effectue par immunofluorescence indirecte (IFI) sur des frottis de polynucléaires humains fixés à l'éthanol, ce qui permet de définir trois types d'anticorps en fonction de la localisation (tableau 13.13).
Aspect de la fluorescence | Principale cible antigénique | Pathologies associées |
---|---|---|
c-ANCA (cytoplasmique) | Protéinase-3 |
|
p-ANCA (périnucléaire) | Myéloperoxydase |
|
X-ANCA (aspect atypique de la fluorescence) | Autres cibles |
|
Fig. 13-2 :
Aspect typique des c-ANCA et p-ANCA.Avec les progrès thérapeutiques et l'allongement de l'espérance de vie, la prise en charge thérapeutique ne se réduit plus au simple contrôle de l'activité de la maladie et à la prévention des poussées. Le traitement des maladies auto-immunes comporte de nombreux objectifs (encadré 13.2) et repose le plus souvent sur un « traitement d'attaque » suivi par un « traitement d'entretien » :
Encadré 13.2 Principaux objectifs thérapeutiques au cours des maladies auto-immunes
Le recours à un traitement symptomatique, notamment à l'aide de médicaments antalgiques ou anti-inflammatoires (en gardant en tête les nombreuses contre-indications de ces traitements), peut être nécessaire au cours des poussées des maladies auto-immunes.
Les corticoïdes demeurent un des piliers du traitement initial des maladies auto-immunes et sont souvent nécessaires au cours des poussées pour contrôler l'activité de la maladie, en particulier lors des poussées sévères :
Les règles hygiénodiététiques et les mesures associées à la corticothérapie (cf. chapitre 29) doivent être mises en place par le médecin et enseignées au patient lors de l'instauration du traitement et rappelées lors du suivi. Il est nécessaire d'informer le patient de la nécessité de ne jamais arrêter brutalement une corticothérapie prescrite au long cours en raison du risque d'insuffisance surrénale aiguë, complication potentiellement mortelle.
La dose utilisée et le recours à des bolus intraveineux varient en fonction de la pathologie considérée, de son degré de sévérité mais également des pratiques de l'équipe médicale prenant en charge le patient.
En France, le corticoïde le plus utilisé par voie orale au cours des maladies systémiques est la prednisone, mais l'utilisation de la prednisolone est possible selon les habitudes de chacun.
Par voie intraveineuse, on utilise habituellement la méthylprednisolone.
La sclérodermie systémique représente une situation au cours de laquelle l'indication de la corticothérapie doit être prudente, car l'utilisation de posologies supérieures à 10 mg par jour a été associée à un risque accru de survenue de crise rénale sclérodermique.
De nombreux agents immunomodulateurs et immunosuppresseurs peuvent être utilisés au cours du traitement des maladies auto-immunes (tableau 13.14), lorsque les traitements symptomatiques s'avèrent insuffisants pour contrôler l'activité de la maladie et/ou à visée d'épargne cortisonique. Il est nécessaire de garder en tête que la grande majorité de ces traitements (à l'exception notable de l'hydroxychloroquine et de l'azathioprine) sont tératogènes, et qu'une contraception est donc nécessaire.
Tableau 13.14 : Principaux traitements immunomodulateurs et immunosuppresseurs utilisés pour le traitement des maladies auto-immunes (à titre indicatif).
⁎ Certains médicaments avec administration quotidienne nécessitent plusieurs prises par jour.Molécule Voie d'administration⁎ Mécanismes d'action Indications Principaux effets secondaires Hydroxychloroquine
(moins fréquemment chloroquine)Antipaludéens de synthèse
Action immunomodulatrice n'entraînant pas d'immunodépression à proprement parler
Inhibiteur des Toll-Like Receptors (TLR)-7 et 9Principal traitement de fond du lupus systémique
(Utilisable pendant la grossesse)RétinopathieNécessité d'un suivi ophtalmologique régulier Méthotrexate Immunosuppresseur analogue et antagoniste de l'acide folique Traitement de fond de la polyarthrite rhumatoïde Cytopénies, toxicité hépatique, infections, pneumopathie immunoallergique (peu fréquent) Léflunomide Le métabolite actif du léflunomide inhibe la dihydroorotate déshydrogénase (DHODH) et a une action antiprolifératrice Traitement de fond de la polyarthrite rhumatoïde Cytopénies, toxicité hépatique, infections, hypertension artérielle Azathioprine Antimétabolite interférant avec la synthèse et le métabolisme des purines Immunosuppresseur de choix au cours de la grossesse, les autres étant tératogènes Cytopénies, toxicité hépatique, infections Mycophénolate mofétil (et acide mycophénolique) Inhibition de l'IMPDH
(inosine-5′-monophosphate déshydrogénase)Immunosuppresseur utilisé au cours de nombreuses maladies auto-immunes Cytopénies, toxicité hépatique, troubles gastro-intestinaux Cyclophosphamide Agent alkylant de la famille des moutardes azotées Immunosuppresseur indiqué dans le traitement de certaines formes graves de maladies auto-immunes Cytopénies, infections, toxicité sur l'urothélium, risque d'aménorrhée secondaire Ciclosporine Inhibiteur de la calcineurine (inhibe la réponse immunitaire à médiation T-dépendante) Peu utilisée en France dans le traitement des maladies auto-immunes de l'adulte. Plutôt indiquée dans les formes réfractaires après échec des autres traitements Cytopénies, HTA, hypertrichose, insuffisance rénale, infections Tacrolimus Inhibiteur de la calcineurine (inhibe la réponse immunitaire à médiation T-dépendante) Peu utilisé en France dans le traitement des maladies auto-immunes de l'adulte. Plutôt indiqué dans les formes réfractaires après échec des autres traitements Cytopénies, infections
Le risque de cytopénie et d'infection justifie une surveillance clinique et biologique régulière et une information spécifique du patient sur la nécessité de consulter rapidement en cas de fièvre.
Une biothérapie (synonymes : biomédicament, médicament biologique) est un médicament contenant une substance produite à partir d'une cellule ou d'un organisme vivant ou dérivée de ceux-ci. Les biothérapies ont profondément transformé la prise en charge de certaines maladies auto-immunes, en particulier la polyarthrite rhumatoïde. Compte tenu de leur structure protéique (anticorps ou récepteurs), ceux-ci sont généralement administrés par voie injectable (intraveineuse et/ou sous-cutanée). Les cibles moléculaires sont très diverses (tableau 13.15).
Tableau 13.15 : Principales biothérapies utilisées en rhumatologie (à titre indicatif).
⁎ Toutes les molécules d'une famille donnée ne bénéficient pas d'une AMM pour toutes les indications citées dans le tableau.Mécanisme d'action Biothérapie Principales indications
(selon l'AMM)⁎Anti-TNFα Infliximab
Étanercept
Adalimumab
Certolizumab pégol
GolimumabPolyarthrite rhumatoïde
Arthrite juvénile idiopathique
Spondyloarthrite ankylosante
Rhumatisme psoriasique
Psoriasis
Maladie de Crohn
Rectocolite hémorragiqueCTLA4-Ig
(inhibition du cosignal d'activation des lymphocytes T)Abatacept Polyarthrite rhumatoïde
Arthrite juvénile idiopathiqueAnti-IL-6R
(anti-récepteurs de l'IL-6)Tocilizumab Polyarthrite rhumatoïde
Arthrite juvénile idiopathiqueAnti-IL-1RA
(antagoniste du récepteur de l'interleukine 1)Anakinra
CanakinumabPolyarthrite rhumatoïde
Certaines maladies auto-inflammatoiresAnti-CD20 Rituximab Polyarthrite rhumatoïde
Vascularites à ANCAAnti-BLyS (B-Lymphocyte Stimulator) Bélimumab Lupus systémique Anti-sous-unité protéique p40 commune à l'IL-12 et IL-23 Ustékinumab Psoriasis
Rhumatisme psoriasique
Maladie de CrohnAnti-IL-17A Sécukinumab Psoriasis
Rhumatisme psoriasique
Spondyloarthrite ankylosante.
Plus de 50 nouvelles biothérapies et immunosuppresseurs sont en cours de développement par l'industrie pharmaceutique ; il s'agit donc d'un domaine très évolutif du ressort du spécialiste.
À noter l'apparition récente de médicaments dits « biosimilaires », c'est-à-dire de médicaments biologiques de même composition qualitative et quantitative en substance active et de même forme pharmaceutique qu'un médicament biologique de référence, mais qui ne remplit pas les conditions pour être regardé comme une spécialité générique (en raison de différences liées notamment à la variabilité de la matière première ou aux procédés de fabrication). Le principe de biosimilarité peut s'appliquer à tout médicament biologique dont le brevet est tombé dans le domaine public. La mise sur le marché des médicaments biosimilaires nécessite que soient produites des données précliniques et cliniques supplémentaires dans des conditions déterminées par voie réglementaire.
Un peu à part, il est nécessaire de mentionner les immunoglobulines intraveineuses polyvalentes : elles ont des indications dans le purpura thrombopénique idiopathique, la maladie de Kawasaki, les polyradiculonévrites démyélinisantes, les myopathies inflammatoires corticorésistantes, ainsi qu'au cours de certaines maladies auto-immunes. Dans certaines situations, on peut proposer des échanges plasmatiques, visant à épurer les anticorps pathogènes du plasma du patient. Dans les formes graves, on peut exceptionnellement recourir à l'autogreffe de cellules souches hématopoïétiques dont le rapport bénéfice/risque fait actuellement l'objet de plusieurs études internationales.
De nombreuses mesures associées peuvent permettre d'améliorer la prise en charge globale des patients atteints de maladie auto-immune (tableau 13.16). Les autres mesures associées peuvent comporter la prescription d'une crénothérapie (cure thermale), d'un arrêt de travail et, plus généralement, la prévention de l'ostéoporose cortico-induite. S'il le souhaite, le patient peut également être orienté vers une association de malades.
Tableau 13.16 : Principales mesures associées à la prise en charge des patients atteints de maladies auto-immunes.
⁎ Par des professionnels de santé.Mesures associées Objectifs Éducation thérapeutique Démarche multidisciplinaire permettant une meilleure compréhension de la maladie par le patient
Permet l'adhésion à la démarche thérapeutique sur le long terme (favorise l'observance)Mesures sociales Prise en charge à 100 % (ALD)
AME pour les patients en situation de précarité
Reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH)Kinésithérapie et rééducation Renforcement musculaire, travail des amplitudes articulaires, lutte contre les rétractions, etc. Podologie Confection de semelles (pieds rhumatoïdes, sclérodermie systémique) Ergothérapie Confection d'orthèse (prévention des déformations), aides techniques
Adaptation du poste de travail (maintien de l'insertion socioprofessionnelle)Orthophonie Lutte contre les séquelles des atteintes neurologiques centrales Prise en charge diététique En particulier lors de l'utilisation d'une corticothérapie au long cours Soutien psychologique Phase d'annonce de la maladie inflammatoire ou au cours de l'évolution si nécessaire Thérapies complémentaires⁎ Hypnose médicale, sophrologie, yoga, etc.
La majorité des maladies auto-immunes évoluent par poussées, entrecoupées de périodes de rémission. Cependant, dans certains cas, la maladie peut rester quiescente de manière prolongée ou, au contraire, être active de manière continue et évoluer rapidement vers des atteintes viscérales graves. La prise en charge des patients atteints de maladies auto-immunes repose donc sur un suivi médical régulier (tableau 13.17).
Tableau 13.17 : Principaux éléments du suivi au cours des maladies auto-immunes.
⁎ Le dosage du taux sanguin est disponible pour certains médicaments (par ex., hydroxychloroquine).Paramètres du suivi Modalités Activité de la maladie
(manifestations réversibles)Séquelles (notion de « damage » en anglais) : manifestations irréversibles liées à la maladie et/ou à ses traitements Qualité de vie Statut fonctionnel Tolérance des traitements Observance des traitements
Le suivi des patients est effectué par le médecin généraliste, le rhumatologue et les éventuels autres spécialistes d'organe. Par ailleurs, il faut surveiller la tolérance de chaque traitement et l'apparition d'éventuels effets indésirables ou complications (diabète ou ostéoporose cortico-induits, rétinopathie aux antipaludéens de synthèse et cataracte cortisonique…).
Légende :
Dans le respect de la Réforme du deuxième cycle des études médicales (R2C), les connaissances rassemblées sur ce site sont hiérarchisées en rang A, rang B et rang C à l'aide de balises et d'un code couleur :
Connaissances fondamentales que tout étudiant doit connaître en fin de deuxième cycle.
Connaissances essentielles à la pratique mais relevant d'un savoir plus spécialisé que tout interne d'une spécialité doit connaître au premier jour de son DES.
Connaissances spécifiques à un DES donné (troisième cycle).