Psoriasis

Item 117 UE V


 
Cet item traite du psoriasis uniquement sous l'angle de la rhumatologie.

1 - Épidémiologie du rhumatisme psoriasique

  • La prévalence du rhumatisme psoriasique est de 0,2 à 0,4 %.
  • Chez les patients souffrant de psoriasis cutané (environ 2 % de la population générale), la prévalence du rhumatisme psoriasique est estimée entre 5 et 15 %.
  • Les études familiales suggèrent une prédisposition associée aux antigènes HLA. Cependant, le HLA-B27 est moins fréquemment rencontré que dans les autres spondyloarthrites et est associé à l'atteinte axiale.

2 - Signes cliniques

2.1 - Présentation clinique habituelle de l'atteinte articulaire

L'atteinte articulaire est hétérogène et évolue par poussées. On peut distinguer cinq grands tableaux cliniques, qui sont en fait souvent intriqués ou se succèdent au cours de la vie du patient.

2.1.1 - Arthrite isolée de l'articulation interphalangienne distale aux doigts et/ou aux orteils

  • Elle concerne 10 à 15 % des patients.
  • Elle est souvent isolée et associée à un psoriasis unguéal sus-jacent.

2.1.2 - Polyarthrites séronégatives symétriques ou asymétriques

  • Elles concernent 20 % des patients avec, au sein de ces formes, quelques cas d'atteintes diffuses très destructrices.
  • Elles ont une présentation proche de la polyarthrite rhumatoïde car cette forme touche fréquemment les mains. Cependant, l'atteinte est asymétrique et prédominante des articulations interphalangiennes distales (très rare au cours de la polyarthrite rhumatoïde). Il existe parfois une atteinte globale « tripolaire » (atteinte des articulations métacarpophalangienne, interphalangiennes proximale et distale) d'un ou plusieurs doigts.
  • Elles sont séronégatives : absence d'ACPA et de facteur rhumatoïde.
  • L'aspect des lésions radiologiques permet le plus souvent de différencier un rhumatisme psoriasique d'une polyarthrite rhumatoïde.

2.1.3 - Mono- ou oligoarthrites asymétriques

  • Elles concernent 15 à 40 % des cas.
  • Elles touchent soit les grosses articulations soit les orteils ou les doigts (atteinte privilégiée des articulations interphalangiennes proximales et/ou distales).
  • L'aspect le plus évocateur est la dactylite, qui se présente sous l'aspect d'un doigt ou orteil en « saucisse », et qui associe une arthrite de l'articulation interphalangienne distale, une arthrite de l'articulation interphalangienne proximale et une ténosynovite des fléchisseurs.

2.1.4 - Forme axiale, ou spondyloarthrite psoriasique

  • L'atteinte axiale, qui se manifeste par des rachialgies inflammatoires avec ou sans sacro-iliite, est présente dans environ 20 % des cas.
  • Elle est associée dans la moitié des cas environ à une atteinte périphérique.

2.1.5 - Formes sévères avec arthrites mutilantes des mains et des pieds

Elle est à présent exceptionnelle mais gravissime car à l'origine d'une destruction des articulations digitales, notamment d'une ostéolyse des phalanges, créant une rétraction du doigt ou de l'orteil, avec un aspect dit en « lorgnette ».

2.1.6 - Autres tableaux

D'autres tableaux sont également décrits.

Onycho-pachydermo-périostite

Il s'agit d'une entité radioclinique pathognomonique qui associe un psoriasis unguéal, un épaississement douloureux des parties molles et une ostéopériostite visible à la radiographie ; elle prédomine sur l'hallux mais peut atteindre les autres orteils (fig. 6.1).

Fig. 6-1 :Onycho-pachydermo-périostite psoriasique de l'hallux.

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Orteil de Bauer

Il associe une atteinte unguéale de l'orteil et une arthrite de l'articulation interphalangienne distale.

2.2 - Atteinte cutanée

La distribution des signes cutanés est très variable d'un patient à l'autre :

  • 90 % ont un psoriasis :
    – préexistant dans environ 75 % des cas ;
    – synchrone des manifestations articulaires dans 10 à 15 % des cas ;
  • chez 10 à 15 % des malades, les signes articulaires précèdent les signes cutanés (il faut alors savoir rechercher des antécédents familiaux de psoriasis ) ; on parle dans ce cas de « rhumatisme psoriasique sans psoriasis ».

L'aspect habituel est le psoriasis en plaques, ou « psoriasis commun », souvent évident (coudes, genoux, sacrum) (fig. 6.2), mais il faut savoir rechercher des lésions psoriasiques plus discrètes autour de l'ombilic, au pli interfessier, sur le cuir chevelu et le conduit auditif externe.

Fig. 6-2 :Psoriasis des genoux (A) et des coudes (B).

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L'atteinte unguéale serait l'atteinte dermatologique la plus fréquente au cours du rhumatisme psoriasique, se caractérisant par une onycholyse distale, une hyperkératose sous-unguéale et un aspect ponctué des ongles dit en « dé à coudre » (fig. 6.3).

Fig. 6-3 :Aspect caractéristique d'atteinte unguéale du psoriasis avec aspect d'indentation en « dé à coudre », avec discret aspect d'onycholyse.

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Les localisations qui s'associent à un risque plus élevé de développer un rhumatisme psoriasique sont :

  • le cuir chevelu  
  • le pli interfessier  
  • l'atteinte unguéale.

En revanche, le type de psoriasis (vulgaire, en goutte, pustuleux…) ou la sévérité de celui-ci ne semblent pas conférer de risque accru de rhumatisme psoriasique.

2.3 - Manifestations extra-articulaires (sauf psoriasis)

Comme pour les autres spondyloarthrites, des manifestations extra-articulaires sont possibles : uvéite, entérocolopathies inflammatoires, etc.

2.4 - Comorbidités associées

Très souvent, les patients ayant un rhumatisme psoriasique ont des comorbidités :

  • dépression, anxiété 
  • syndrome métabolique : obésité, hypertension artérielle, dyslipidémie ;
  • pathologies cardiovasculaires : insuffisance coronarienne.

Ces maladies doivent être systématiquement recherchées et traitées le cas échéant .

3 - Examens biologiques

Il n'y a pas d'élément spécifique :

  • les marqueurs d'inflammation ne sont pas constants mais sont souvent élevés en cas de poussée évolutive, surtout polyarticulaire ;
  • le facteur rhumatoïde est en général absent ou présent à taux faible (5 à 15 % des malades) ; les anti-CCP ou ACPA sont habituellement absents ;
  • le HLA-B27 est présent dans 20 à 50 % des cas suivant la forme (plus fréquent dans les formes axiales).

On retrouve fréquemment chez ces patients des éléments du syndrome métabolique : dyslipidémie et hyperuricémie.

4 - Étude radiologique

4.1 - Caractéristiques générales

Bien qu'appartenant aux spondyloarthrites, le rhumatisme psoriasique possède des caractéristiques radiologiques qui lui sont propres et qui orientent souvent le diagnostic (fig. 6.4).

Fig. 6-4 :Aspect caractéristique d'une atteinte psoriasique.
Association de lésions érosives, d'appositions périostées et d'hyperostose touchant électivement la dernière phalange (souvent associée à une atteinte unguéale constituant ainsi l'onycho-pachydermo-périostite psoriasique).

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Il s'agit de l'association souvent évocatrice :

  • de lésions destructrices (érosion marginale, ostéolyse) ;
  • et de lésions reconstructrices (hyperostose, appositions périostées, périostite, enthésophytes souvent exubérants, surtout au rachis, ankylose).

La présence de reconstructions permet de différencier l'atteinte psoriasique de l'atteinte rhumatoïde.
 Les images érosives progressent en général de la périphérie vers le centre ; elles peuvent aboutir à l'image classique en « pointe de crayon » (pencil-in-cup) (amincissement des têtes métacarpiennes ou métatarsiennes avec cupule de la base de la phalange) ou à une ostéolyse complète (acro-ostéolyse des houppes phalangiennes, arthrite mutilante) (fig. 6.5 et 6.6).

Fig. 6-5 :Radiographie des doigts de la main droite de face. Arthrite à tendance destructrice des articulations interphalangiennes proximales et distales.

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Fig. 6-6 :Radiographie des orteils de face. Arthrite de l'articulation interphalangienne de l'hallux et résorption des houppes phalangiennes 1 et 2.

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Les enthésites se traduisent ensuite par l'induction d'une reconstruction ostéopériostée (enthésophytes souvent « grossiers », épais) ; puis l'ankylose osseuse peut s'installer (parfois de façon asymptomatique), notamment aux articulations interphalangiennes.

4.2 - Atteinte axiale

L'atteinte axiale est similaire à celle observée au cours de la spondyloarthrite axiale : sacro-iliite bilatérale le plus souvent, syndesmophytes.

4.3 - Aux orteils et aux doigts

Les aspects radiographiques de l'atteinte des doigts et des orteils sont très variés, associant :

  • arthrite érosive, le plus souvent marginale, d'une articulation interphalangienne distale ;
  • ostéolyse interphalangienne donnant un interligne anormalement élargi et des surfaces adjacentes très nettement délimitées ;
  • ankylose d'une articulation interphalangienne (fig. 6.7) ;


Fig. 6-7 :Radiographies de face de l'avant-pied droit (A) et gauche (B). Arthrite ankylosante des articulations interphalangiennes proximales.

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  • périostite juxta-articulaire en spicule ou en bande d'un doigt ou d'un orteil ;
  • résorption de la houppe phalangienne ou ostéopériostite de la phalangette.

5 - Diagnostic différentiel

5.1 - Diagnostic différentiel du psoriasis

Les affections mycosiques, les dyshidroses, la dermite séborrhéique et l'eczéma prêtent parfois à confusion et nécessitent l'avis d'un dermatologue.

5.2 - Diagnostic différentiel de l'atteinte rhumatologique

Il s'agit de la polyarthrite rhumatoïde (cf. chapitre 17) et des autres spondyloarthropathies (cf. chapitre 18) mais également de l'arthrose (cf. chapitre 8).
La distinction entre un rhumatisme psoriasique affectant uniquement les mains et une arthrose digitale érosive floride touchant les articulations interphalangiennes distales et/ou proximales est souvent très difficile. Elle repose sur le caractère plus érosif et reconstructeur du rhumatisme psoriasique et la mise en évidence d'érosions généralement centrales au cours de l'arthrose, donnant un aspect en « aile de mouette » aux phalanges.
Le psoriasis étant un facteur de risque de goutte (cf. chapitre 19), il convient bien sûr d'évoquer ce diagnostic chez un patient ayant du psoriasis et se présentant avec une arthrite aiguë des membres inférieurs.

6 - Traitement du rhumatisme psoriasique

La stratégie thérapeutique partage quelques points communs avec la polyarthrite rhumatoïde (PR) (cf. chapitre 17) mais de nombreuses biothérapies du rhumatisme psoriasique ne sont pas efficaces dans la PR : c'est le cas des inhibiteurs de l'IL-17 ou de la voie IL-12/IL-23 ou IL-23. Le traitement du rhumatisme psoriasique a fait l'objet de recommandations européennes en 2020.
Une étroite collaboration entre dermatologue et rhumatologue est souhaitable, compte tenu de l'intrication de ces deux maladies et des biothérapies communes. Les traitements symptomatiques et locaux suffisent parfois à contrôler les formes limitées et peu sévères de rhumatisme psoriasique. Le plus souvent un traitement de fond doit être instauré. En effet, un bon contrôle du rhumatisme psoriasique s'associe à un meilleur pronostic.

6.1 - Traitements symptomatiques

Ils diffèrent peu de ceux des autres rhumatismes inflammatoires chroniques :

  • anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) : traitement à utiliser en première intention, ils n'ont pas d'effet sur la dermatose. Ils ne doivent pas être prescrits au long cours et leur utilisation doit être prudente chez les patients ayant des antécédents cardiovasculaires, digestifs et de maladie rénale ;
  • antalgiques : très volontiers utilisés 
  • la corticothérapie orale au long cours doit être utilisée avec prudence dans le traitement du rhumatisme psoriasique : risque d'aggravation de l'atteinte cutanée lors de la décroissance puis du sevrage et aggravation du syndrome métabolique.

6.2 - Traitements locaux rhumatologiques

Les traitements locaux sont recommandés dans les formes localisées : infiltrations de dérivés cortisoniques ou chirurgie réparatrice. Ces gestes locaux nécessitent la préparation de la peau en cas de dermatose localisée.

6.3 - Traitements non pharmacologiques

La physiothérapie, l'ergothérapie, la podologie, la kinésithérapie et la prise en charge psychologique font, comme dans la polyarthrite rhumatoïde, partie intégrante d'une prise en charge adaptée et multidisciplinaire.

6.4 - Traitements dits « de fond »

Il existe deux classes majeures de traitement de fond du rhumatisme psoriasique : les traitements de fond dits « synthétiques » (sDMARD pour synthetic Disease-Modifying AntiRheumatic Drugs) et les traitements de fond « biologiques » (bDMARD). Les traitements synthétiques se répartissent en traitements « conventionnels » (csDMARD) et « ciblés » (tsDMARD).
Le choix de telle ou telle molécule est guidé par le phénotype du patient :

  • la présence ou non et la sévérité de l'atteinte cutanée ;
  • la forme du rhumatisme psoriasique (atteinte périphérique et/ou axiale) ;
  • la présence ou non de maladies associées (uvéite, MICI).

6.4.1 - Traitements synthétiques conventionnels

  • Le méthotrexate a démontré son efficacité sur l'atteinte cutanée. Il est considéré comme efficace sur l'atteinte articulaire aux doses habituellement prescrites dans la polyarthrite rhumatoïde (15 à 25 mg par semaine).
  • Le léflunomide, à la dose de 20 mg par jour, est efficace dans le rhumatisme psoriasique (sur l'atteinte articulaire et très partiellement voire pas sur le psoriasis).
  • La salazopyrine est aussi recommandée, à la dose de 2 g par jour, mais rarement utilisée car, entre autres, non efficace sur le plan cutané.

Aucun de ces traitements n'a démontré d'efficacité structurale, c'est-à-dire de capacité à ralentir la progression des lésions radiologiques.

6.4.2 - Traitements synthétiques ciblés

  • L'aprémilast est un inhibiteur de l'isoforme 4 de la phosphodiestérase. Il se donne per os et est efficace sur les arthrites périphériques et sur le psoriasis, mais sans doute à un niveau moindre que les biothérapies ci-dessous. Il n'a pas démontré d'efficacité structurale.
  • Le tofacitinib, inhibiteur de JAK (traitement per os), en association au méthotrexate est indiqué dans le traitement du rhumatisme psoriasique chez les patients ayant présenté une réponse inadéquate ou une intolérance à un traitement synthétique conventionnel.

6.4.3 - Biothérapies

  • Les anti-TNFα ont une efficacité très nette aussi bien sur l'atteinte cutanée que sur l'atteinte articulaire. Ils ralentissent également la progression des lésions radiologiques articulaires.
  • Les anticorps anti-IL-17 (sécukinumab, ixékizumab) sont une classe thérapeutique très efficace sur le psoriasis. Ils sont efficaces sur les atteintes articulaires périphériques (arthrites, enthésites, dactylites) mais aussi sur les atteintes axiales. Ils ne peuvent etre utilisés chez les patients ayant une MICI non parfaitement contrôlée.
  • L'ustékinumab cible une sous-unité commune (p40) à deux cytokines : l'IL-12 et IL-23. Cette biothérapie a démontré son efficacité sur le plan cutané et articulaire (arthrites, enthésites, dactylites), mais n'est pas efficace sur l'atteinte axiale du rhumatisme psoriasique.
  • Les autres biothérapies à venir sont celles ciblant la sous-unité p19 de l'IL-23, qui, comme l'ustékinumab, ne sont pas efficaces sur l'atteinte axiale. Ils sont très efficaces en revanche sur l'atteinte cutanée.

Selon les dernières recommandations européennes, la première ligne de traitement de fond doit être le méthotrexate, notamment lorsqu'il existe une atteinte cutanée. Les biothérapies et traitement de fond synthétiques ciblés ne doivent être envisagés qu'en cas d'échec d'un traitement de fond synthétique conventionnel.
En pratique, les anti-TNF sont les traitements privilégiés de première ligne après échec à un traitement de fond conventionnel, pour des raisons médico-économiques (biosimilaires moins chers) et du fait de la grande expérience acquise avec leur utilisation. Le choix des autres biothérapies se fera selon la sévérité de l'atteinte cutanée, la présence ou non d'une MICI et/ou d'une atteinte axiale.
Les modalités de suivi du rhumatisme psoriasique sont globalement identiques à celles de la polyarthrite rhumatoïde. En l'absence d'un suivi rapproché et d'un traitement régulièrement adapté, les atteintes, souvent additives dans le temps, tout particulièrement aux mains et aux pieds, peuvent aboutir à un handicap fonctionnel important.




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