Psoriasis

Item 117 UE V


 Cet item traite du psoriasis uniquement sous l'angle de la rhumatologie.

1 - Épidémiologie du rhumatisme psoriasique

  • La prévalence du rhumatisme psoriasique est de 0,2 à 0,4 %. Le sexe ratio est à 1
  • Chez les patients souffrant de psoriasis cutané (environ 2 % de la population générale), la prévalence du rhumatisme psoriasique est estimée entre 5 et 25 %. La dermatose (psoriasis) est présente dans la majorité des cas avant le rhumatisme (en moyen 8 ans).
  • Les études familiales suggèrent une prédisposition associée à certains antigènes HLA.

2 - Signes cliniques

2.1 - Présentation clinique habituelle de l'atteinte articulaire

L'atteinte articulaire est hétérogène et évolue par poussées. On peut distinguer trois grands tableaux cliniques, qui sont en fait souvent intriqués et/ou se succèdent au cours de la vie du patient (fig. 6.1).

2.1.1 - Polyarthrites séronégatives asymétriques

  • Elles concernent 10 à 50 % des patients avec, au sein de ces formes, quelques cas d’atteintes très destructrices.
  • Elles ont une présentation proche de la polyarthrite rhumatoïde car cette forme touche fréquemment les mains. Cependant, l’atteinte est asymétrique et prédominante des articulations interphalangiennes distales (non atteintes au cours de la polyarthrite rhumatoïde). 
  • Il existe parfois une atteinte globale « tripolaire » ou « en rayon » (atteinte des articulations métacarpophalangienne, interphalangiennes proximale et distale) d’un ou plusieurs doigts.
  • Elles sont dites séronégatives : absence d'ACPA et de facteur rhumatoïde.
  • L’aspect des lésions radiologiques permet le plus souvent de différencier un rhumatisme psoriasique d’une polyarthrite rhumatoïde (atteinte tripolaire et association construction et destruction articulaire).
  • Une forme particulière est l’atteinte isolée des articulations interphalangiennes distales aux doigts et/ou aux orteils. Elle concerne 10 à 15 % des patients. Elle est souvent isolée et associée à un psoriasis unguéal.

2.1.2 - Mono- ou oligoarthrites asymétriques

  • Elles concernent 15 à 50 % des cas.
  • Elles touchent soit les grosses articulations soit les orteils ou les doigts (atteinte privilégiée des articulations interphalangiennes proximales et/ou distales).
  • L’aspect le plus évocateur de rhumatisme psoriasique est la dactylite, avec un doigt ou orteil en « saucisse », qui associe (fig. 6.2) une arthrite de l’articulation interphalangienne distale, une arthrite de l’articulation interphalangienne proximale et une ténosynovite des fléchisseurs.

2.1.3 - Rhumatisme axial, ou « spondyloarthrite psoriasique »

  • L’atteinte axiale, qui se manifeste par des rachialgies inflammatoires avec ou sans sacro-iliite, est présente dans environ 20 % à 40 % des cas.
  • Elle est associée dans la moitié des cas environ à une atteinte périphérique.
  • L’atteinte cervicale est fréquente.

2.1.4 - Autres tableaux

Onycho-pachydermo-périostite

  Il s’agit d’une entité radioclinique pathognomonique qui associe un psoriasis unguéal, un épaississement douloureux des parties molles et une ostéopériostite visible à la radiographie ; elle prédomine sur l’hallux mais peut atteindre les autres orteils.

Formes sévères avec arthrites mutilantes des mains et des pieds
Elle est exceptionnelle mais grave car à l’origine d’une destruction des articulations digitales, notamment d’une ostéolyse des phalanges, créant un raccourcissement du doigt ou de l’orteil, avec un aspect dit en « lorgnette ».

 

Fig. 6.1Formes cliniques de rhumatisme psoriasique.
A. Aspect de polyarthrite asymétrique touchant les IPD. À noter : l’atteinte « tripolaire » ou « en rayon », c’est-à-dire d’un doigt entier alors que le doigt adjacent est indemne de lésion. B. Monoarthrite du genou associée à un psoriasis diffus des membres inférieurs. C. Atteinte axiale avec ankylose du rachis cervical par fusion des zygapophyses et du rachis lombaire par des syndesmophytes. NB : présence de fractures vertébrales L3 et L4 sur le cliché de profil lom-baire.

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Fig. 6.2Aspect de dactylite psoriasique, ou orteil en « saucisse », associé à un psoriasis unguéal.

2.2 - Atteinte cutanée

La distribution des signes cutanés est très variable d'un patient à l'autre :

  • 90 % ont un psoriasis :
    – préexistant dans environ 75 % des cas ;
    – synchrone des manifestations articulaires dans 10 à 15 % des cas ;
  • chez environ 10 % des malades, les signes articulaires précèdent les signes cutanés (il faut alors savoir rechercher des antécédents familiaux de psoriasis) ; on parle dans ce cas de « rhumatisme psoriasique sans psoriasis ».

L’aspect habituel est le psoriasis en plaques, souvent évident (coudes, genoux, sacrum) (fig. 6.3), mais il faut savoir rechercher des lésions psoriasiques plus discrètes autour de l’ombilic, au pli interfessier, sur le cuir chevelu et le conduit auditif externe (fig. 6.4).
Les localisations du cuir chevelu, du pli interfessier et unguéale sont plus associées au risque de développer un rhumatisme psoriasique.
L’atteinte unguéale serait l’atteinte dermatologique la plus fréquente au cours du rhumatisme psoriasique, se caractérisant par une onycholyse distale, une hyperkératose sous-unguéale et un aspect ponctué des ongles dit en « dé à coudre » (fig. 6.5).

 

Fig. 6.3 :Psoriasis des genoux (A) et des coudes (B).

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Fig. 6.4 :Psoriasis sous-mammaire (A) et du cuir chevelu (B).

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Fig. 6.5 :Aspect caractéristique d’atteinte unguéale du psoriasis avec aspect d’indentation en « de à coudre », avec discret aspect d’onycholyse.

2.3 - Manifestations extra-articulaires 

Comme pour les autres spondyloarthrites (cf. chapitre 18), au cours du rhumatisme psoriasique des manifestations extra-articulaires sont possibles et doivent être recherchées : uvéite, entérocolopathies inflammatoires.

2.4 - Comorbidités associées

Très souvent, les patients ayant un rhumatisme psoriasique ont des comorbidités :

  • syndrome métabolique : obésité, hypertension artérielle, dyslipidémie, hyperuricémie, goutte ;
  • dépression, anxiété ;
  • pathologies cardiovasculaires : insuffisance coronarienne.

Ces maladies doivent être systématiquement recherchées et traitées le cas échéant 

3 - Examens biologiques

Il n'y a pas d'élément spécifique

– les marqueurs d’inflammation ne sont pas constants mais sont souvent élevés en cas de poussée évolutive, surtout polyarticulaire ;
– le facteur rhumatoïde est absent ou présent à taux faible (5 à 15 % des malades) ; les anti-CCP ou ACPA sont absents ;
– le HLA-B27 est présent dans 20 à 50 % des cas suivant la forme (plus fréquent dans les formes axiales). Sa recherche n’est donc pas utile en pratique courante.

On note fréquemment chez ces patients des éléments du syndrome métabolique : dyslipidémie et hyperuricémie.

4 - Étude radiologique

4.1 - Caractéristiques générales

Tout en appartenant au groupe des spondyloarthrites, le rhumatisme psoriasique possède des caractéristiques radiologiques qui lui sont propres et qui orientent souvent le diagnostic (fig. 6.6).
Il s’agit de l’association souvent évocatrice :

  • de lésions destructrices (érosion marginale, ostéolyse) ;
  • et de lésions reconstructrices (hyperostose, appositions périostées, périostite, enthésophytes souvent exu-bérants, surtout au rachis, ankylose).

La présence de reconstructions permet de différencier l’atteinte psoriasique de l’atteinte rhumatoïde.
Les enthésites évoluent ensuite vers une construction ostéopériostée (enthésophytes souvent « grossiers », épais) ; puis parfois l’ankylose osseuse peut s’installer (parfois de façon asymptomatique), notamment aux articulations interphalangiennes.

Fig. 6.6. Lésions radiographiques typiques du rhumatisme psoriasique.
A. Association évocatrice de lésions destructrices (érosion marginale, ostéolyse) et de lésions reconstructrices (anky-lose des articulations interphalangiennes). B. Aspect de périostite engainante avec présence d’appositions périostées développées aux dépens de la diaphyse d’une phalange. Érosion et pincement hyperostosiante.

 

4.2 - Atteinte axiale

L'atteinte axiale est similaire à celle observée au cours de la spondyloarthrite axiale. Les particularités sont : sacro-iliite le plus souvent unilatérale, des syndesmophytes souvent grossiers. L’atteinte structurale cervicale est plus fréquente que dans la spondyloarthrite axiale.

4.3 - Aux orteils et aux doigts

Les aspects radiographiques de l'atteinte des doigts et des orteils sont très variés, associant :

  • arthrite érosive, le plus souvent marginale, d’une articulation interphalangienne distale ;
  • ostéolyse interphalangienne donnant un interligne anormalement élargi et des surfaces adjacentes très nettement délimitées ;
  • ankylose d’une articulation interphalangienne (fig. 6.7) ;
  • périostite juxta-articulaire en spicule ou en bande d’un doigt ou d’un orteil ;
  • Résorption de la houppe phalangienne ou ostéopériostite de la phalangette.

 

Fig. 6.7.Radiographies de face de l'avant-pied droit (A) et gauche (B). Arthrite ankylosante des articulations interphalangiennes proximales.

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5 - Diagnostic différentiel

5.1 - Diagnostic différentiel du psoriasis

Les affections mycosiques, les dyshidroses, la dermite séborrhéique et l'eczéma prêtent parfois à confusion et nécessitent l'avis d'un dermatologue.

5.2 - Diagnostic différentiel de l'atteinte rhumatologique

Il s’agit de la polyarthrite rhumatoïde (cf. chapitre 17) et des autres spondyloarthrites (cf. chapitre 18) mais également de l’arthrose érosive (cf. chapitre 8) et de la goutte(cf. chapitre 19).
La distinction entre un rhumatisme psoriasique et une arthrose digitale érosive floride touchant les articulations interphalangiennes distales et/ou proximales est souvent très difficile. Elle repose sur le caractère plus érosif et reconstructeur du rhumatisme psoriasique et la mise en évidence d’érosions généralement centrales au cours de l’arthrose, donnant un aspect en « aile de mouette » aux phalanges.
Le psoriasis étant un facteur de risque d’hyperuricémie et de goutte (cf. chapitre 19), il convient d’évoquer ce diagnostic chez un patient ayant du psoriasis et se présentant avec une arthrite aiguë des membres inférieurs.

6 - Traitement du rhumatisme psoriasique

La stratégie thérapeutique partage quelques points communs avec la polyarthrite rhumatoïde (PR) (cf. chapitre 17) mais de nombreuses biothérapies du rhumatisme psoriasique ne sont pas efficaces dans la PR : c’est le cas des inhibiteurs de l’IL-17 ou de la voie IL-12/IL-23 ou IL-23.
Le traitement du rhumatisme psoriasique a fait l’objet de recommandations françaises en 2022.
Une étroite collaboration entre dermatologue et rhumatologue est souhaitable, compte tenu de l’intrication des deux maladies et de traitements généraux communs.
Les traitements symptomatiques et locaux suffisent parfois à contrôler les formes limitées et/ou peu sévères de rhumatisme psoriasique. Mais souvent un traitement de fond doit être instauré.
En effet, un bon contrôle du rhumatisme psoriasique s’associe à un meilleur pronostic.

6.1 - Traitements symptomatiques

Ils diffèrent peu de ceux des autres rhumatismes inflammatoires chroniques 

  • anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) : traitement à utiliser en première intention, ils n’ont pas d’effet sur la dermatose. Ils ne doivent pas être prescrits au long cours et leur utilisation doit être prudente chez les patients ayant des antécédents cardiovasculaires, digestifs et de maladie rénale ;
  • antalgiques : très volontiers utilisés ;
  • une des différences est que la corticothérapie orale au long cours doit être utilisée avec prudence dans le traitement du rhumatisme psoriasique : risque d’aggravation de l’atteinte cutanée lors de la décroissance puis du sevrage et aggravation du syndrome métabolique.

6.2 - Traitements locaux rhumatologiques

Les traitements locaux sont recommandés dans les formes localisées : infiltrations de dérivés cortisoniques. La chirurgie en cas d’arthrite destructrice peut être indiquée.

6.3 - Traitements non pharmacologiques

La physiothérapie, l’ergothérapie, la podologie, la kinésithérapie et la prise en charge psychologique font partie intégrante d’une prise en charge adaptée et multidisciplinaire. L’avis d’une diététicienne peut être souhaitable en particulier en présence d’un syndrome métabolique.

6.4 - Traitements dits « de fond »

Dans la nomenclature anglo-saxonne, qui tend à s’imposer, nous parlons de DMARDs (Disease-Modifying An-tiRheumatic Drugs) pour désigner ces traitements de fond.
On distingue deux classes de traitements de fond, ou DMARD conventionnels et ciblés, utilisés pour le traitement du rhumatisme psoriasique :

  • les traitements conventionnels csDMARD (conventional synthetic DMARD) sont représentés principalement par le méthotrexate et le léflunomide, mais également par la sulfasalazine, etc. ;
  • les traitements ciblés comportent les DMARD biologiques, ou bDMARD, et les traitements ciblés synthétiques, ou tsDMARD (targeted synthetic DMARD) :
    – les bDMARD sont représentés par les anti-TNF, les anti-IL-17, les anti-IL-12/23, les anti-IL-23 ;
    – les tsDMARD sont essentiellement représentés par les inhibiteurs de Janus kinases (JAKi) et un inhi-biteur de la phosphodiestérase (aprémilast).

Selon les dernières recommandations, la première ligne de traitement de fond doit être le méthotrexate, notamment lorsqu’il existe une atteinte cutanée. Les biothérapies et traitements de fond synthétiques ciblés ne doivent être envisagés qu’en cas d’échec d’un traitement de fond synthétique conventionnel, sauf en cas d’atteinte axiale prédominante.

6.4.1 - Traitements de fond synthétiques conventionnels

  • Le méthotrexate a démontré son efficacité sur l’atteinte cutanée. Il est considéré comme efficace sur l’atteinte articulaire aux doses habituellement prescrites (15 à 25 mg par semaine).
  • Le léflunomide, à la dose de 20 mg par jour, est efficace dans le rhumatisme psoriasique (sur l’atteinte articulaire et très partiellement voire pas sur le psoriasis).
  • La salazopyrine est aussi recommandée, à la dose de 2 g par jour, mais rarement utilisée car non efficace sur le psoriasis.

Aucun de ces traitements n'a démontré d'efficacité structurale, c'est-à-dire de capacité à ralentir la progression des lésions radiologiques.

6.4.2 - Traitements de fond biologiques ou biothérapies

  • Lesanti-TNFα (étanercept, adalimumab, certolizumab, golimumab, infliximab) ont une efficacité aussi bien sur l’atteinte cutanée que sur l’atteinte articulaire. Ils ralentissent également la progression des lésions radiologiques articulaires.
  • Les anticorps anti-IL-17 (sécukinumab, ixékizumab, bimékizumab) sont une classe thérapeutique très efficace sur le psoriasis. Ils sont efficaces sur les atteintes articulaires périphériques (arthrites, enthésites, dactylites) et sur les atteintes axiales. Ils ne peuvent être utilisés chez les patients ayant une MICI non parfaitement contrôlée.
  • Un anticorps anti-IL-12/23 l’ustékinumab, cible une sous-unité commune (p40) à deux cytokines : l’IL-12 et IL-23. Cette biothérapie a démontré son efficacité sur l’atteinte cutanée et articulaire (arthrites, enthésites, dactylites), mais n’est pas efficace sur l’atteinte axiale.
  • Les autres biothérapies ciblant la sous-unité p19 de l’IL-23(anti-IL-23) (guselkumab, risankizumab) sont efficaces sur l’atteinte cutanée et périphérique mais ne sont pas efficaces sur l’atteinte axiale.

6.4.3 - Traitements de fond synthétiques ciblés

  • L'aprémilast est un inhibiteur de l’isoforme 4 de la phosphodiestérase. Il se donne per os en association au méthotrexate et est efficace sur les arthrites périphériques et sur le psoriasis. Il n’a pas démontré d’efficacité structurale.
  • Les inhibiteurs de JAK(tofacitinib, upadacitinib). Ces traitements per os, sont indiqués dans le traitement du rhumatisme psoriasique chez les patients ayant présenté une réponse inadéquate ou une intolérance à un traitement synthétique conventionnel.

6.4.4 - Indications

Le choix de la molécule est guidé par :

  • la présence et la sévérité de l’atteinte cutanée ;
  • la forme du rhumatisme psoriasique (atteinte périphérique et/ou axiale et/ou dactylitique et/ou enthésitique) ;
  • la présence ou non de maladies associées (uvéite, MICI) ;
  • la présence de comorbidités (syndrome métabolique, HTA, syndrome dépressif…) ;
  • en pratique, les anti-TNF sont les traitements privilégiés de première ligne après échec à un traitement de fond conventionnel, du fait de la grande expérience acquise avec leur utilisation et pour des raisons médico-économiques (biosimilaires moins chers).

6.4.5 - Suivi

Les modalités de suivi du rhumatisme psoriasique sont globalement identiques à celles de la polyarthrite rhumatoïde. En l’absence d’un suivi rapproché et d’un traitement régulièrement adapté, les atteintes, souvent additives dans le temps, tout particulièrement aux mains et aux pieds, peuvent aboutir à un handicap fonctionnel majeur.




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