Rachialgies

Item 94 UE V


 

1 - Introduction

Une rachialgie, qu'elle soit cervicale, thoracique ou bien lombaire, est un symptôme dont l'étiologie peut être extrêmement variée. Une origine « dégénérative » (liée à une discopathie et/ou une atteinte articulaire postérieure) est souvent évoquée, mais la corrélation entre des douleurs rachidiennes et la présence d'une discopathie est mauvaise, et de nombreuses autres étiologies, notamment musculaires, favorisent également les douleurs.
On peut appliquer la même dénomination « commune » pour les cervicalgies, dorsalgies et lombalgies.
S'il y a une douleur associée du membre supérieur, thoracique ou du membre inférieur, il faut déterminer s'il s'agit d'une douleur radiculaire (cf. chapitre 4) ou d'une simple douleur dite « référée », c'est-à-dire une irradiation douloureuse siégeant à distance mais sans caractéristique radiculaire.
Sa gravité potentielle est une compression neurologique (cf. chapitre 2), lente dans les formes mécaniques, mais possiblement rapide dans les formes secondaires, et de présentation souvent trompeuse.
Devant toute rachialgie, il convient donc d'éliminer les autres causes possibles avant de retenir le diagnostic de rachialgie commune. Cette démarche diagnostique est valable quel que soit l'étage douloureux, mais avec des particularités justifiant d'étudier successivement les trois étages rachidiens. Nous distinguerons à chaque fois les drapeaux « verts », en faveur de l'origine mécanique, les drapeaux « rouges », qui doivent faire rechercher une cause secondaire, et les drapeaux « noirs » et « jaunes », devant faire craindre une chronicité.
La prise en charge des douleurs du rachis est largement pluridisciplinaire : médecin généraliste, en première ligne devant des rachialgies sans signe d'alerte ou de gravité ; le rhumatologue, en deuxième ligne au niveau essentiellement diagnostique pour les formes rebelles ; l'imageur, en troisième ligne pour les formes rebelles, avec signes d'alerte ou de gravité ; le rééducateur, pour la prise en charge des formes rebelles ou en voie de chronicisation, associé aux kinésithérapeutes. Le chirurgien prendra en charge les formes avec complications neurologiques et résistantes au traitement médical.

2 - Cervicalgies

2.1 - Définition, prévalence

Les cervicalgies sont des douleurs du rachis cervical extrêmement fréquentes : prévalence estimée des 2/3 de la population au cours de leur vie, incidence annuelle de 1,2 % ; elles sont presque 2 fois plus fréquentes chez les femmes ; 10 % des actes de kinésithérapie sont effectués au niveau cervical.
On distingue le torticolis, qui est un syndrome douloureux cervical aigu avec contracture musculaire associée, et les douleurs cervicales subaiguës ou chroniques qui sont souvent favorisées par plusieurs mécanismes : une atteinte arthrosique, une persistance de contractions musculaires, des mécanismes de sensibilisation nerveuse périphérique et centrale. Une composante comportementale (peur de bouger appelée kinésiophobie, anxiété) favorise le maintien des douleurs.
La cervicarthrose anatomique est possible dès la trentaine et sa prévalence est très importante, avec plus de 50 % des personnes atteintes après 40 ans, et elle augmente avec le vieillissement. Dans la majorité des cas, elle est asymptomatique ; cette notion doit être présente à l'esprit pour ne pas trop facilement imputer la symptomatologie aux anomalies radiographiques.

2.2 - Cervicalgies dites « communes » (le drapeau est au vert)

On appelle cervicalgies « communes » des douleurs du rachis cervical en rapport avec des lésions mécaniques discovertébrales dégénératives. On les distingue des cervicalgies symptomatiques secondaires, révélatrices d'affections plus rares justifiant d'être reconnues précocement car potentiellement graves.

2.2.1 - Interrogatoire

Caractéristiques des douleurs

Il faut préciser :

  • les circonstances de survenue : après un effort, une activité sportive, une activité professionnelle, un traumatisme, une posture ou une mauvaise position, mais les douleurs surviennent également souvent sans cause mécanique retrouvée ;
  • leur siège, souvent diffus, mais des localisations cervicales hautes, moyennes ou basses ont valeur localisatrice ;
  • les irradiations douloureuses peuvent être trompeuses : souvent latérocervicales et trapéziennes avec des douleurs des épaules associées, interscapulaires ou scapulaires. Des douleurs du membre supérieur, occipitales ou à type de céphalées, devront faire rechercher une irradiation radiculaire. Des pseudo-vertiges voire des vertiges vrais peuvent faire évoquer une insuffisance vertébrobasilaire associée chez les personnes âgées ;
  • le caractère impulsif à la toux oriente vers une origine discale ;
  • leur rythme, mécanique, mais en fait difficile à déterminer au niveau du cou, lorsqu'elles sont permanentes, jour et nuit, lors d'un torticolis, ou même dans la période subaiguë, avec des douleurs souvent à prédominance nocturne malgré leur origine mécanique ;
  • leur mode évolutif, qui peut être émaillé d'épisodes aigus sur un fond douloureux chronique ;
  • les épisodes antérieurs semblables, qui pourront être rassurants.

Contexte

On vérifie l'absence de signes généraux ou de contexte général particulier.

2.2.2 - Examen clinique

Douleurs

Il faut rechercher des points douloureux à la palpation ou à la mise en compression et rotation de la colonne cervicale. Les muscles spinaux sont également douloureux à la palpation, et parfois le siège d'une contracture, voire d'une attitude antalgique (délordose et/ou flexion latérale et rotation).

Mobilité

La mobilité du cou (flexion, latéroflexion et rotations) est souvent très réduite en aigu, mais peu limitée dans la chronicité. Elle peut être responsable de craquements.

2.2.3 - Tableaux cliniques en fonction de l'origine des cervicalgies

Cervicalgies d'origine discale

Une origine discale chez les sujets les plus jeunes avec des antécédents traumatiques (coup du lapin, traumatisme crânien ou cervical), même anciens, est à rechercher systématiquement. Le tableau est souvent très algique, avec raideur et contracture cervicales, attitude antalgique, impulsivité. La principale complication est une névralgie cervicobrachiale, très rarement liée à une compression médullaire (cf. chapitre 2).

Cervicalgies d'origine arthrosique

L'origine dégénérative, la plus fréquente, est suspectée chez les patients les plus âgés, associant à des degrés divers discarthrose, arthrose des zygapophyses et uncarthrose (fig. 3.1), dont la part respective imputable aux douleurs est souvent difficile à déterminer. Le tableau est plus torpide, parfois émaillé d'épisodes plus aigus, souvent sans raideur rachidienne majeure. Le risque est également la névralgie cervicobrachiale, et la gravité un syndrome de compression médullaire lente se manifestant par un canal rachidien rétréci et une claudication d'origine médullaire.

Fig. 3-1 :Arthrose cervicale : ostéophytose antérieure, pincement discal, uncarthrose, arthrose interapophysaire postérieure déformant le trou de conjugaison.

COFER



Cervicalgies d'origine musculaire

Une origine musculaire peut être retrouvée chez de nombreux patients présentant des douleurs cervicales aiguës ou chroniques. Elle est caractérisée par des douleurs à la palpation des muscles, notamment des trapèzes. Elle survient plus souvent au décours de traumatismes de type coup du lapin. Puisque les douleurs d'origine discale ou arthrosique irradient également en regard des muscles paravertébraux et des trapèzes, il n'est pas toujours évident de différencier ces douleurs en pratique courante, et plusieurs origines de douleurs peuvent s'associer chez un même patient. Lorsque les douleurs sont uniquement musculaires, on parle de syndrome myofascial.

2.2.4 - Facteurs de risque

On évalue les divers facteurs de risque :

  • traumatismes ou microtraumatismes répétés, directs ou indirects. À noter qu'un traumatisme, type « coup du lapin » ou traumatisme craniocervical sévère, même très ancien, peut être rendu imputable de cervicalgies communes, notamment d'origine discale ;
  • activités sportives, de loisir ou professionnelles, ou situations avec des postures prolongées ; des mesures de prévention adaptées pourront être discutées au cas par cas, éventuellement avec le médecin du travail ;
  • troubles de la statique rachidienne ;
  • tabagisme ;
  • génétique (antécédents familiaux) ;
  • sédentarité.

2.2.5 - Imagerie

Recommandations HAS sur les indications de l'imagerie pour les cervicalgies non traumatiques1

  • L'imagerie cervicale n'est pas indiquée en cas de cervicalgie commune (avec ou sans radiculalgie) évoluant depuis moins de 4 à 6 semaines.
  • En cas de cervicalgie commune (avec ou sans radiculalgie), la douleur s'améliore généralement avec un traitement symptomatique en 4 à 6 semaines sans qu'aucun examen d'imagerie ne soit nécessaire. Les patients souffrant de cervicalgie commune peuvent avoir une imagerie normale de la colonne cervicale ou des modifications dégénératives liées à l'âge qui ne sont pas forcément corrélées à leurs symptômes.
  • L'imagerie cervicale doit se discuter en cas de cervicalgie (avec ou sans radiculalgie) persistante plus de 4 à 6 semaines :
    – en cas de cervicalgie sans radiculalgie, un bilan radiographique est indiqué pour rechercher une cause secondaire. L'IRM est indiquée en deuxième intention (ou le scanner si l'IRM est contre-indiquée ou non disponible) s'il existe des zones suspectes ou mal visualisées sur les radiographies ou si la douleur persiste ou s'aggrave ;
    – en cas de cervicalgie avec radiculalgie, une IRM est indiquée en première intention pour rechercher une étiologie ou si un acte invasif est discuté. Elle peut être associée à un bilan radiographique pour une interprétation optimale.
  • Il n'y a pas d'indication à renouveler le même examen d'imagerie en l'absence de modification des symptômes.

2.2.6 - Pronostic (drapeaux jaunes ou noirs), facteurs de chronicisation

Le pronostic est favorable, passé les premiers jours pour un torticolis, mais pouvant durer plusieurs semaines ou mois dans les formes subaiguës ou chroniques.
Le contexte biopsychosocial peut influencer le passage vers cette chronicité (drapeaux jaunes) :

  • dépression ;
  • détresse affective, anxiété ;
  • peur de la douleur et du traumatisme ;
  • catastrophisme ;
  • fausses croyances quant à l'évolution ;
  • fausses informations ;
  • arrêts de travail prolongés, recherche de bénéfices secondaires ;
  • conflit professionnel ;
  • conflit familial.

Des facteurs professionnels sont associés à cette chronicité (drapeaux noirs) :

  • insatisfaction au travail ;
  • conflits et litiges avec une assurance, la Sécurité sociale, un expert ;
  • excès de sollicitude (famille, médecins) ;
  • conditions de travail difficiles sans opportunité de changement ;
  • type d'activité professionnelle.

Les patients peuvent avoir le sentiment que le travail est responsable de traumatismes, avec ou non des problèmes relationnels avec les chefs et les collègues ; ce peut être un harcèlement, un burn-out.

2.2.7 - Traitement

Principes généraux

Il n'y a pas d'indication chirurgicale pour des cervicalgies dites « communes ».
On ne traite pas une image, mais la symptomatologie d'un patient.
On essaie d'identifier l'origine de la cervicalgie commune pour mieux orienter la prise en charge thérapeutique.
On se méfie de l'escalade thérapeutique, notamment corticothérapique banalisée alors qu'elle est inefficace, ou avec des opioïdes forts avec des risques de dépendance qui peuvent devenir très graves.
Une prise en charge active et précoce, tenant compte dans la globalité de l'ensemble du contexte, notamment socioprofessionnel et psychologique, peut permettre d'éviter un passage à la chronicité, toujours de prise en charge beaucoup plus difficile.

Cervicalgie aiguë

Le traitement médical est d'abord symptomatique, avec, dans les formes aiguës, des antalgiques à posologie et force suffisantes, un AINS. Les décontracturants ne sont pas validés. Les corticoïdes par voie générale sont inefficaces.
Le port d'un collier cervical antalgique peut être envisagé, sans autre immobilisation stricte que celle imposée par les douleurs. La kinésithérapie est en général d'action très limitée devant un syndrome cervical aigu, avec le plus souvent la seule possibilité de techniques antalgiques type chaleur locale. Une manipulation cervicale ne peut être réalisée qu'après une enquête diagnostique exhaustive. Sa place doit tenir compte de la balance bénéfice-risque, qui n'est pas formellement établie. En effet, la survenue d'une dissection artérielle post-manipulation est certes rare mais grave.

Cervicalgies chroniques

Dans la chronicité, le traitement symptomatique est moins efficace, associant des antalgiques (palier I ou II, mais pas III), un AINS limité aux poussées douloureuses.
Une prise en charge psychosociale est nécessaire en présence de facteurs de risque liés au travail.
La place la plus importante est celle de la rééducation : outre les méthodes antalgiques (massage, chaleur), travail de proprioception, de renforcement des muscles spinaux, de postures, de tractions douces.
Des manipulations peuvent faire céder une contracture musculaire rebelle.
La place de l'acupuncture à visée antalgique est discutée. De nombreuses techniques utilisées ne sont pas validées, comme le laser, les ultrasons.
Des infiltrations des zygapophyses peuvent être proposées, sous contrôle scopique ou scannographique ou échographique, rarement pratiquées du fait des risques inhérents à une erreur technique.

Prévention

Elle peut faire l'objet d'une analyse en milieu professionnel, avec recherche de mesures adaptées avec le médecin du travail. Signalons par exemple les cervicalgies en rapport avec une activité prolongée sur un écran d'ordinateur ou avec un téléphone portable (« text-neck »).

2.3 - Cervicalgies secondaires d'origine non dégénérative (drapeaux rouges)

2.3.1 - Présentation

Bien que rares (< 1 %), elles sont potentiellement graves, et il faut y penser systématiquement.
On est alerté par un début insidieux, une évolution progressivement croissante, un rythme inflammatoire typiquement insomniant, le caractère rebelle aux traitements symptomatiques, l'intensité des douleurs, les localisations multiples ou atypiques, le contexte et les antécédents (tumoraux et infectieux notamment).

2.3.2 - Drapeaux rouges

Les drapeaux rouges incluent :

  • une douleur d'aggravation progressive, permanente et insomniante ;
  • les éléments cliniques (anamnèse, signes ou symptômes) évocateurs de :
    – une atteinte neurologique : déficit moteur radiculaire avec ou sans névralgie cervicobrachiale, atteinte médullaire (déficit moteur/sensitif sous-lésionnel, signes d'irritation pyramidale, troubles vésicosphinctériens) ;
    – une pathologie néoplasique : antécédent de cancer, altération de l'état général, perte de poids inexpliquée ;
    – une pathologie inflammatoire rhumatismale : antécédent de maladie inflammatoire rhumatismale ;
    – une infection discovertébrale : fièvre inexpliquée, usage de drogues intraveineuses, contexte d'immunosuppression, bactériémie récente ;
    – une complication de la chirurgie du rachis : antécédent de chirurgie du rachis associé à une modification de la symptomatologie ;
    – une pathologie vasculaire (dissection artérielle cervicale) : cervicalgies inhabituelles et persistantes, association à des céphalées inhabituelles, signes neurologiques focaux (syndrome de Claude Bernard-Horner, signes d'atteinte des nerfs crâniens, signes d'accident vasculaire cérébral ou d'accident ischémique transitoire, cécité monoculaire, acouphènes inhabituels ou pulsatiles), maladies rares prédisposant à une dissection (dont syndrome d'Ehlers-Danlos, syndrome de Marfan, ostéogenèse imparfaite, dysplasie fibromusculaire).

2.3.3 - Bilan

La présence de drapeaux rouges doit faire discuter d'emblée une indication d'imagerie :

  • en cas de signes évoquant une atteinte médullaire, une pathologie inflammatoire rhumatismale, une infection ou une atteinte tumorale, l'IRM est indiquée en première intention ; le scanner est l'alternative si l'IRM est contre-indiquée ou non disponible ;
  • en cas de signes évoquant une dissection artérielle cervicale, l'imagerie à réaliser en première intention est l'angio-IRM ou l'angio-scanner des troncs supra-aortiques ;
  • en cas de suspicion de complication d'une chirurgie du rachis sans signe neurologique déficitaire, l'imagerie à réaliser en première intention est le bilan radiographique (face, profil) ; l'indication des imageries complémentaires est laissée à l'appréciation du chirurgien.

Un bilan biologique (CRP voire VS, électrophorèse des protides, calcémie) est justifié.
Une scintigraphie osseuse est à discuter en cas de douleurs diffuses.

2.3.4 - Étiologie

Les principales étiologies de cervicalgies secondaires à des pathologies non mécaniques sont :

  • tumorales : métastase, localisation myélomateuse, tumeur primitive vertébrale ;
  • infectieuses : spondylodiscite  ;
  • inflammatoires : spondyloarthrite et rhumatisme psoriasique, polyarthrite rhumatoïde (atteinte C1-C2), chondrocalcinose, rhumatisme à apatite (calcifications péri-odontoïdiennes ou discales) ;
  • neurologiques : tumeur intrarachidienne ou de la fosse postérieure ;
  • post-traumatiques : fractures et luxations (clichés dynamiques à distance, sans oublier la charnière cervico-occipitale) ;
  • douleurs référées d'origine ORL ou cervicale antérieure.

3 - Dorsalgies

Les dorsalgies sont des douleurs ressenties en regard du rachis thoracique (T1 à T12). Elles sont beaucoup plus rares : prévalence de 10 à 20 %, deux fois plus fréquentes chez les femmes. Elles ont pour origine le plus souvent des lésions mécaniques du rachis thoracique et des articulations costovertébrales. Mais il ne faut pas méconnaître une atteinte viscérale avec des douleurs référées au niveau du rachis thoracique .

3.1 - Signes cliniques

3.1.1 - Interrogatoire

  • Il précise les circonstances de survenue, le siège, le rythme, mécanique ou inflammatoire, le mode évolutif, l'absence de signes généraux ou de contexte particulier.
  • Les irradiations douloureuses peuvent être en ceinture, plus ou moins bien systématisées.
  • Des signes neurologiques (hypoesthésie) auront valeur de syndrome lésionnel.

3.1.2 - Examen clinique

  • Il évalue un trouble de la statique du rachis (scoliose, hypercyphose).
  • Il recherche des points douloureux vertébraux et paravertébraux.
  • Il recherche des douleurs à la mise en compression de la cage thoracique pour mobiliser les articulations costovertébrales.
  • La mobilité est évaluée en flexion et en extension du rachis thoracique et avec la mesure de l'ampliation thoracique.
  • L'examen général sera attentif : pleuropulmonaire, cardiovasculaire, abdominal, fosses lombaires.

3.2 - Examens complémentaires

  • Des examens complémentaires radiologiques doivent être effectués systématiquement : radiographies du rachis thoracique face et profil, debout.
  • Au moindre doute et selon le contexte, on fait pratiquer des dosages biologiques d'inflammation (CRP voire VS, NFS, électrophorèse des protides), une radiographie thoracique, un ECG, une scintigraphie osseuse, une endoscopie œsogastroduodénale, une échographie abdominale ou un scanner, une IRM.

3.3 - Diagnostic étiologique

3.3.1 - Éliminer de principe une dorsalgie dite « secondaire » d'origine non mécanique

Présentation

On est alerté par un début insidieux, une évolution progressivement croissante, un rythme inflammatoire typiquement insomniant, le caractère rebelle aux traitements symptomatiques, l'intensité des douleurs, les localisations multiples ou atypiques, le contexte et les antécédents (tumoraux et infectieux notamment).

Drapeaux rouges

On en déduit les drapeaux rouges, qui sont des signes d'alarme à rechercher systématiquement :

  • origine ou contexte infectieux ;
  • origine ou contexte inflammatoire rhumatismal ;
  • origine ou contexte néoplasique ;
  • symptomatologie à type de :
    – fièvre, fatigue générale, sudations nocturnes, perte de poids ;
    – adénopathies ;
    – douleurs nocturnes inflammatoires, de repos ;
    – immunosuppression, corticothérapie, toxicomanie.

Étiologie

Il faut penser à rechercher systématiquement attentivement une dorsalgie secondaire non mécanique :

  • une pathologie d'origine viscérale (surtout si la mobilisation du rachis thoracique ne reproduit pas les douleurs) :
    – cardiovasculaire : insuffisance coronarienne (angor, infarctus du myocarde), péricardite, anévrisme ou dissection de l'aorte thoracique ;
    – pleuropulmonaire : cancer bronchique, pleurésie infectieuse ou tumorale (mésothéliome, cancer bronchique), tumeur médiastinale ;
    – digestive : ulcère gastrique ou duodénal, affection hépatobiliaire, œsophagite, pancréatite ou gastrite, cancer de l'estomac, de l'œsophage, du pancréas ;
  • une spondylodiscite infectieuse (dorsalgie et fièvre) ;
  • une tumeur maligne (métastase, myélome, tumeur primitive) ;
  • une fracture vertébrale ostéoporotique (radiographie et contexte de fragilité osseuse) ;
  • la spondyloarthrite est à évoquer en premier lieu de par sa plus grande prévalence (0,3 %), notamment chez les adultes jeunes. Les dorsalgies peuvent être révélatrices. Des réveils nocturnes, une raideur matinale, d'autres rachialgies ou enthésites (talon, bassin) inflammatoires, un contexte familial, des signes associés (diarrhée, inflammation oculaire, psoriasis) devront faire évoquer le diagnostic, avec l'aide du terrain HLA-B27 et la mise en évidence d'une sacro-iliite ou d'une enthésite ;
  • les calcifications discales sont une étiologie trop souvent méconnue de dorsalgies, alliant une composante mécanique mais aussi parfois inflammatoire. Elles peuvent aboutir à une véritable spondylodiscite microcristalline (apatite carbonatée de localisation nucléaire ou pyrophosphate au niveau de l'annulus dans le cadre d'une chondrocalcinose ; les dépôts uratique étant beaucoup plus rares, dans le cadre de gouttes florides et très avancées) ;
  • une tumeur primitive osseuse bénigne (ostéoblastome, angiome vertébral, ostéome ostéoïde) ou une maladie de Paget (atteinte radiologique caractéristique) ;
  • une tumeur intrarachidienne (neurinome, épendymome, méningiome).

3.3.2 - Dorsalgies mécaniques

Scoliose

Elle est souvent asymptomatique, évolutive pendant la croissance, maximale à l'adolescence, justifiant alors une surveillance attentive. Des lésions dégénératives peuvent devenir symptomatiques (interapophysaires ou costovertébrales) avec le vieillissement.

Maladie de Scheuermann

C'est une épiphysite de croissance à l'adolescence, altérant les plateaux vertébraux (irrégularités, hernies intraspongieuses), souvent asymptomatique. Elle peut faire le lit de dégénérescences discales ultérieures.
La cyphose sénile, dite de Schmorl, est en rapport avec une maladie de Scheuermann qui se complique avec le vieillissement d'une arthrose vertébrale antérieure, aggravant la cyphose dorsale. Mais elle n'est que rarement symptomatique.

Hernie discale

Elle est rare au niveau thoracique, parfois post-traumatique, pouvant se manifester par un syndrome lésionnel (douleur en hémiceinture) et sous-lésionnel (cf. chapitre 2).
Elle peut être calcifiée.
Elle peut être également asymptomatique.

Arthrose costovertébrale

Elle est favorisée par les troubles de la statique vertébrale (scoliose). Elle est de diagnostic difficile, souvent asymptomatique également.

Arthrose des zygapophyses

Elle est également favorisée par les troubles de la statique vertébrale et avec une imputabilité clinique difficile à déterminer.

3.4 - Traitement

Les causes viscérales ou les dorsalgies secondaires font l'objet de traitements spécifiques à chacune d'entre elles.
Les dorsalgies mécaniques peuvent faire l'objet de traitements symptomatiques et de kinésithérapie. Des infiltrations ciblées sont à peser avec prudence compte tenu des risques liés à ce type de geste au niveau thoracique.

4 - Lombalgies

On appelle lombalgies « communes » des douleurs du rachis lombaire en rapport avec des lésions mécaniques. Elles peuvent être d'origine discale, arthrosique, liées à une dysfonction musculaire ou associant plusieurs de ces mécanismes.
On les distingue des lombalgies symptomatiques secondaires, révélatrices d'affections plus rares méritant d'être reconnues précocement car potentiellement graves.

4.1 - Lombalgies « communes »

Les lombalgies peuvent être aiguës, c'est-à-dire récentes, ou chroniques, de durée supérieure à 3 mois. Le terme de lombalgie subaiguë (entre 4 à 6 semaines et 3 mois) est parfois utilisé mais d'intérêt limité. Il convient plutôt d'identifier les lombalgies à risque de chronicité, sans limite temporelle nette, mais nécessitant une prise en charge plus intensive pour éviter le passage à la chronicité.
Leur prévalence clinique est aux alentours de 70 %, avec un pic vers les âges de 50 à 65 ans, ce qui en fait l'affection la plus invalidante au monde (et dans tous les pays) en termes de nombre de jours de douleurs, de handicap ou d'arrêt de travail. Les récidives sont fréquentes (environ 20 %). Leur coût est majeur pour les sociétés, surtout les formes chroniques (ces 10 % représentant 80 % des coûts).

4.1.1 - Interrogatoire

Il précise :

  • les circonstances de survenue : après un effort, une activité sportive, une activité professionnelle, un traumatisme, une posture ou une mauvaise position, mais les douleurs surviennent parfois sans cause retrouvée ; les efforts de soulèvement (en faisant levier avec son rachis) ou de rotations sont plus particulièrement responsables de lombalgies d'origine discale ;
  • le siège principal de la douleur : douleur lombaire basse, le plus souvent lombofessière ;
  • les irradiations douloureuses : région sacrée, épines iliaques postéro-supérieures, face postérieure de la cuisse, plus rarement fosse iliaque, région hypogastrique, pli inguinal ;
  • le rythme de la douleur, mécanique : diurne, augmentant avec l'activité ou le port de charges, les efforts, la station debout ou assise prolongée, soulagée par le repos et le décubitus. Toutefois, en période aiguë ou subaiguë, les douleurs peuvent prendre des caractéristiques dites « inflammatoires » : nocturne, réveil matinal prématuré, dérouillage matinal (en général < 30 minutes) ;
  • le caractère impulsif à la toux ou à la défécation (orientant vers une origine discale) ;
  • l'évolution des douleurs : leur mode évolutif, qui peut être émaillé d'épisodes aigus sur un fond douloureux chronique ; une évolution se faisant vers une aggravation progressive, résistant au traitement médical, qui peut être à l'inverse inquiétante ;
  • les antécédents lombalgiques : des épisodes antérieurs semblables, d'évolution favorable, pourront être rassurants ;
  • l'absence de signes généraux ou de contexte particulier.

Les connaissances et croyances liées à la lombalgie sont importantes à évaluer. Une partie des douleurs est d'origine musculaire : il ne s'agit pas, en général, d'une perte de quantité de muscles mais d'une perte de fonction : les muscles sont contractés en permanence et ne se relâchent plus. Ce mécanisme de douleurs musculaires a bien été mis en évidence par des études utilisant des éléctromyogrammes. Le comportement du patient influe directement les douleurs par ce biais : si le patient pense que son dos est « fragile » (peur de ce qu'on lui a dit, des examens complémentaires qui montreraient une atteinte « dégénérative »…), il va contracter involontairement ses muscles spinaux, afin de protéger son dos et également afin d'éviter les mouvements qui favorisent les douleurs. Ce mécanisme, qui peut être protecteur à la phase toute initiale de la lombalgie, devient une des sources de douleurs dans la chronicisation des douleurs.
Les comportements et croyances à rechercher sont :

  • une peur du mouvement (kinésiophobie) ;
  • une pensée que les douleurs sont liées à des lésions irréversibles ;
  • une pensée que l'évolution de ses douleurs risque d'être défavorable (catastrophisme) ;
  • une anxiété ;
  • une dépression ;
  • un sentiment d'incompréhension, d'injustice par rapport à son entourage familial, social ou professionnel.

4.1.2 - Examen clinique

Le malade est debout, examiné de profil et de dos :

  • recherche d'un trouble de la statique rachidienne, dans le plan sagittal (hyperlordose lombaire) et frontal : scoliose ancienne (souple avec gibbosité en antéflexion), attitude scoliotique du fait d'un déséquilibre lombopelvien ancien (souple et disparaissant en antéflexion), attitude antalgique en rapport avec le lumbago du fait de contractures musculaires paravertébrales (raideur importante avec attitude fixée en latéroflexion) ;
  • points douloureux à la palpation rachidienne, interépineux ou paravertébraux, diffus ou focaux et de valeur localisatrice ;
  • étude des mobilités du rachis lombaire (antéflexion et extension, latéroflexions, rotations), avec souvent raideur dans le lumbago et mobilités subnormales dans la chronicité ;
  • recherche d'un syndrome cellulo-myalgique, avec une hyperpathie et des paresthésies ou hyperesthésies au palper et rouler de la peau en regard des zones douloureuses (orientant vers les zygapophyses).

On recherche des douleurs sacro-iliaques, des hanches et des fessiers dans le cadre du diagnostic différentiel.
L'examen neurologique élimine une radiculalgie ou une atteinte de la queue de cheval (cf. chapitre 2).
L'examen général est réalisé en fonction des signes associés autres et du contexte.

4.1.3 - Tableaux cliniques en fonction de l'origine des lombalgies

La douleur d'origine discale est multifactorielle : fissure ou arrachement de l'annulus fibrosus, dégénérescence du nucleus pulposus, protrusion saillant en arrière sur une zone richement innervée, lésions ligamentaires (ligament longitudinal postérieur, interépineux), musculaires. Le tableau peut être aigu (typiquement le lumbago) ou chronique.

Origine discale

On est orienté vers une origine discale devant les éléments suivants :

  • âge entre 20 et 60 ans ;
  • facteur déclenchant immédiat lors d'un effort ou traumatisme ;
  • antécédents similaires rapidement favorables ;
  • lombalgie médiane ;
  • caractéristiques mécaniques de la douleur ;
  • impulsivité de la douleur à la toux, le rire, la défécation, l'éternuement ;
  • contracture musculaire avec attitude antalgique.

La principale complication est une radiculalgie dans le membre inférieur (sciatique le plus souvent) et la gravité une très rare compression de la queue de cheval (cf. chapitre 2).

Origine arthrosique

L'origine dégénérative est suspectée chez les patients les plus âgés, associant à des degrés divers discarthrose et arthrose des zygapophyses, dont la part respective imputable aux douleurs est souvent difficile à déterminer. Le tableau est plus torpide, parfois émaillé d'épisodes plus aigus, souvent sans raideur rachidienne majeure.
On est orienté vers une origine arthrosique devant les éléments suivants :

  • âge > 50 ans ;
  • lombalgie médiane ou unilatérale, de caractéristique mécanique pas toujours caractéristique ;
  • douleur favorisée par l'hyperextension et le procubitus, et surtout améliorée par l'antéflexion ;
  • douleurs référées à distance, sans trajet précis : fesses-cuisses-épines iliaques ;
  • hyperesthésie de ces zones douloureuses au « palper-rouler » ;
  • présence de facteurs favorisants : hyperlordose et surpoids avec sangle musculaire abdominopelvienne déficiente (syndrome trophostatique), scoliose, dysplasies et instabilités discovertébrales.

Le risque est beaucoup plus rarement une radiculalgie et la complication principale un canal rachidien rétréci avec une claudication d'origine radiculaire.

4.1.4 - Facteurs de risque

On évalue les divers facteurs de risque :

  • traumatismes ou microtraumatismes répétés, directs ou indirects ;
  • certaines activités professionnelles à risque de lombalgie, notamment si port de charge important, stress professionnel, vibrations répétées (marteau-piqueur…) ;
  • troubles de la statique rachidienne ;
  • surpoids ;
  • tabagisme ;
  • maladie de Scheuermann ;
  • génétique (antécédents familiaux) ;
  • sédentarité.

4.1.5 - Imagerie

Voici les règles générales :

  • au terme de l'examen clinique, aucun examen complémentaire ne doit être systématiquement demandé s'il n'y a pas d'orientation clinique précise le justifiant ;
  • devant un simple lumbago ou une récidive de lombalgies connues et déjà explorées, sans aucun drapeau rouge, il n'y a pas lieu de réaliser d'imagerie ;
  • en cas de drapeau rouge ou devant des douleurs rebelles au traitement symptomatique ou évoluant vers l'aggravation, l'examen clé est l'IRM qui sera réalisée après des radiographies standards.

L'indication de radiographies standards est débattue lorsqu'une lombalgie évolue depuis plus de 6 à 8 semaines.
Des clichés de face et profil permettent d'analyser la statique rachidienne (lordose), la dégénérescence discale (parfois discret rétrolisthésis) (fig. 3.2), l'arthrose des zygapophyses, les anomalies morphologiques congénitales (de charnière) ou acquises (antélisthésis, soit par spondylolyse microtraumatique, soit par arthrose des zygapophyses devenues instables) (fig. 3.3). Néanmoins, la présence de ces anomalies fréquentes chez les personnes asymptomatiques ne permet pas de lier une lésion radiographique à une douleur.

Fig. 3-2 :Discopathie L5-S1 à la radiographie standard.

COFER




Fig. 3-3 :Rachis lombaire normal et pseudo-spondylolisthésis par arthrose zygapophysaire.

COFER



Chez des personnes de 40 ans sans symptôme, on retrouve une dégénérescence discale dans 68 % des cas, une protrusion discale dans 33 % et de l'arthrose articulaire postérieure dans 18 % des cas. Chez des personnes de 60 ans asymptomatiques, ces anomalies sont retrouvées chez 88 %, 38 % et 50 % des cas respectivement.
Il n'y a aucun parallélisme entre radiographies standards et clinique : des rachis « épouvantablement » dégénératifs peuvent être « parfaitement » asymptomatiques.
La réalisation d'une imagerie peut permettre parfois d'identifier des structures anatomiques favorisant les douleurs (par exemple, un spondylolisthésis instable ou un Modic 1), mais a aussi un effet nocebo important, en favorisant l'inquiétude des patients qui pensent parfois que de l'arthrose lombaire est responsable de douleurs incurables (puisqu'on ne peut pas « supprimer » de l'arthrose radiographique).
Des clichés dynamiques (en flexion et extension de profil) sont utiles s'il y a des antécédents traumatiques ou si l'on suspecte une instabilité discovertébrale.
L'IRM peut montrer des signes d'hypersignal discovertébral (classification Modic 1), seul signe d'imagerie corrélé aux douleurs.

4.1.6 - Pronostic (drapeaux jaunes et noirs), facteurs de chronicisation

Le pronostic est favorable, passé les premiers jours pour un lumbago, mais pouvant durer plusieurs semaines ou mois dans les formes subaiguës ou chroniques.

Drapeaux jaunes

Le contexte biopsychosocial peut influencer le passage vers cette chronicité et est décrit sous la forme de drapeaux jaunes :

  • dépression ;
  • détresse affective ;
  • anxiété ;
  • peur de la douleur et du traumatisme ;
  • catastrophisme ;
  • fausses croyances quant à l'évolution ;
  • fausses informations ;
  • conflit familial.

Drapeaux noirs

Des facteurs professionnels sont associés à cette chronicité et décrits sous la forme de drapeaux noirs :

  • arrêts de travail prolongés, recherche de bénéfices secondaires ;
  • conflit professionnel ;
  • insatisfaction au travail ;
  • conflits et litiges avec une assurance, la Sécurité sociale, un expert ;
  • excès de sollicitude (famille, médecins) ;
  • conditions de travail difficiles sans opportunité de changement ;
  • type d'activité professionnelle.

Les patients peuvent avoir le sentiment que le travail est responsable de traumatismes, avec ou non des problèmes relationnels avec les chefs et les collègues ; ce peut être un harcèlement, un burn-out.

4.1.7 - Traitement

Principes généraux

Il n'y a qu'exceptionnellement une indication chirurgicale pour des lombalgies dites « communes ».
On ne traite pas une image, mais la symptomatologie d'un patient.
La réassurance (expliquer que le dos, même douloureux, est solide) et la reprise du mouvement sont essentielles pour la prise en charge de la lombalgie et pour limiter les récidives.
On essaie d'identifier l'origine de la lombalgie commune pour mieux orienter la prise en charge thérapeutique.
On se méfie de l'escalade thérapeutique, notamment corticothérapique banalisée alors qu'elle est inefficace, ou avec des opioïdes forts avec des risques de dépendance qui peuvent devenir très graves.
Une prise en charge active et précoce, tenant compte dans la globalité de l'ensemble du contexte, notamment socioprofessionnel et psychologique, peut permettre d'éviter un passage à la chronicité, toujours de prise en charge beaucoup plus difficile.

Formes aiguës

  • Un traitement symptomatique est proposé dans les formes aiguës : des antalgiques à posologie suffisante, un AINS . Ces traitements diminuent l'intensité de la douleur mais ne modifient pas l'évolution de la lombalgie ; ils ne sont pas obligatoires.
  • Les décontracturants ne sont pas validés.
  • Les corticoïdes sont inefficaces .
  • Le port d'un corset lombaire antalgique peut être envisagé, sans autre immobilisation stricte que celle imposée par les douleurs.

Formes chroniques ou à risque de chronicité

  • Dans la chronicité, le traitement symptomatique est moins efficace, associant des antalgiques (palier I ou II, mais pas III), un AINS lors de poussées douloureuses.
  • Une prise en charge psychologique et/ou comportementale est indiquée, selon les éléments identifiés dans l'interrogatoire.
  • Mais la place la plus importante est celle de la rééducation : outre les méthodes antalgiques (massage, chaleur) qui n'ont un effet que de court terme, travail de proprioception, de renforcement des muscles spinaux et abdominopelviens, de postures, de tractions douces. On pourra insister dans les formes chroniques ou récidivantes sur l'autorééducation, à poursuivre sur le long cours, et l'éducation thérapeutique, avec des prises en charge multidisciplinaires associant des séances d'éducation et de conseils, des exercices physiques intensifs et une prise en charge psychologique. Les traitements les plus efficaces semblent être ceux de type exposition graduelle (au lieu de réaliser des exercices de renforcement musculaire statique, on utilise le dos dans des situations pratiques sollicitant le dos, afin d'agir sur les composantes locales musculaires, mais également comportementales).
  • La prise en charge socioprofessionnelle est importante, afin d'adapter si besoin le poste de travail, ou de faciliter une reprise professionnelle. En pratique, les patients peuvent contacter leur médecin du travail y compris durant un arrêt de travail pour évaluer les actions pouvant être mises en place.
  • La reprise des activités physiques est conseillée, y compris si le patient est toujours douloureux. Dans ce cas, elle doit être réalisée très progressivement, à une intensité faible à modérée pour commencer. Aucun sport n'est contre-indiqué avec une lombalgie, même si des activités douces sont plus adaptées chez les personnes auparavant non sportives. La meilleure activité physique est celle qui plaît au patient et qui est facilement réalisable, car c'est celle qui sera maintenue sur le long terme.

Autres prises en charge thérapeutiques

  • La prévention peut faire l'objet d'une analyse en milieu professionnel, avec la recherche de mesures adaptées avec le médecin du travail (ergonomie).
  • Des manipulations peuvent faire céder une contracture musculaire rebelle.
  • La correction d'un trouble statique peut être indiquée (inégalité de longueur de membre si > 2 cm).
  • L'intérêt du port d'un corset en coutil, plus ou moins renforcé, est débattu ; il pourrait être d'une certaine aide en cas de travail de force.
  • Les cures thermales peuvent éventuellement être proposées dans des cas de polyarthrose invalidante.
  • La perte de poids associée au travail de renforcement musculaire est utile en cas de syndrome trophostatique.
  • Des infiltrations cortisoniques sont parfois proposées au niveau des zygapophyses, sous contrôle radioscopique ou scannographique ou échographique, en poussée inflammatoire arthrosique. Néanmoins, aucune efficacité de ces infiltrations n'est prouvée par rapport à un placebo.
  • De même, la thermocoagulation, permettant de détruire l'innervation des zygapophyses grâce à une sonde thermique introduite par voie percutanée sous contrôle radioscopique, donne des résultats inconstants et discutés.
  • Des infiltrations cortisoniques intradiscales ont été proposées avec un certain résultat mais de courte durée lors des atteintes inflammatoires de type Modic 1 en IRM.
  • L'indication chirurgicale dans les lombalgies reste exceptionnelle , limitée à des cas avérés d'instabilité discovertébrale. Elle peut proposer une arthrodèse voire une prothèse discale, après concertation multidisciplinaire.

4.2 - Lombalgies secondaires d'origine non dégénérative

4.2.1 - Présentation

Bien que rares (< 1 %), elles sont potentiellement graves, et il faut y penser systématiquement. On est alerté par le début insidieux et l'évolution progressivement croissante :

  • le rythme inflammatoire insomniant ;
  • le caractère rebelle aux traitements symptomatiques ;
  • l'intensité des douleurs ;
  • les localisations multiples ou atypiques ;
  • le contexte et les antécédents (tumoraux et infectieux notamment).

4.2.2 - Drapeaux rouges

On en déduit les drapeaux rouges, qui sont des signes d'alarme à rechercher systématiquement :

  • origine ou contexte infectieux ;
  • origine ou contexte inflammatoire rhumatismal ;
  • origine ou contexte néoplasique ;
  • symptomatologie à type de :
    – fièvre, fatigue générale, sudations nocturnes, perte de poids ;
    – adénopathies ;
    – douleurs nocturnes inflammatoires, de repos ;
    – immunosuppression, corticothérapie, toxicomanie.

4.2.3 - Examens complémentaires

L'IRM est l'examen recommandé en cas de drapeaux rouges évoquant une origine symptomatique. Même si elle ne retrouvera fréquemment que des lésions mécaniques avec des présentations parfois atypiques, il ne faut pas passer à côté d'une de ces étiologies graves.
Un bilan biologique (CRP voire VS, électrophorèse des protides, calcémie) est justifié.

4.2.4 - Étiologie

Les principales causes des lombalgies secondaires à des pathologies non mécaniques sont les suivantes.

Causes vertébrales tumorales

  • Essentiellement secondaires : métastases (surtout lytiques, parfois condensantes) et localisations myélomateuses ou d'une hémopathie. La radiographie peut suffire à affirmer le diagnostic de tumeur (lyse, parfois condensation), mais l'IRM est beaucoup plus sensible d'une part, et elle montrera d'éventuelles complications d'autre part (épidurite avec risque neurologique). Une biopsie dirigée (scanner, échographie) pourra être utile si le diagnostic de l'origine de la tumeur n'est pas certain.
  • Les tumeurs vertébrales primitives bénignes sont rares et se voient surtout chez l'enfant et l'adulte jeune : ostéoblastome, tumeur à cellules géantes, kyste anévrismal, ostéome ostéoïde, granulome éosinophile, sauf l'angiome vertébral, qui est fréquemment retrouvé en IRM, souvent avec une dégénérescence graisseuse associée et rassurante, et avec très rarement des formes symptomatiques et évolutives.

Causes infectieuses

Spondylodiscite, ou plus rarement spondylite, avec un diagnostic bactériologique indispensable.

Fractures vertébrales

Elles peuvent être spontanées ou après un traumatisme modéré, en rapport avec une ostéopathie déminéralisante, essentiellement l'ostéoporose.

Douleurs lombaires référées

L'absence de syndrome rachidien devant une lombalgie aiguë doit faire évoquer une origine abdominopelvienne ou rétropéritonéale , très trompeuses. Ce peut être :

  • un anévrisme de l'aorte abdominale (tableau douloureux chronique, ou aigu lorsque fissuraire) ;
  • une pathologie des voies urinaires (lithiase, hydronéphrose, tumeur) ;
  • une tumeur digestive (gastrique, rectocolique ou pancréatique) ;
  • une tumeur pelvienne ;
  • des adénopathies ou une fibrose rétropéritonéale.

Affections inflammatoires du rachis

La spondyloarthrite est à évoquer par sa prévalence (0,3 %). Les lombalgies sont associées à des fessalgies (sacro-iliite) de caractéristique typiquement inflammatoire.

Tumeurs intrarachidiennes

Elles sont rares, dominées par le neurinome et le méningiome, qui sont bénins ; mais il existe de rares tumeurs malignes graves, de type astrocytome ou épendymome. La biopsie à visée diagnostique sera chirurgicale.




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