Rachialgies

Item 94 UE V


1 - Introduction

Une rachialgie, qu’elle soit cervicale, thoracique ou lombaire, est un symptôme dont l’étiologie peut être extrêmement variée et qui impose un raisonnement rigoureux (fig. 3.1).

  • il convient en premier lieu d’éliminer une étiologie non rachidienne (douleur projetée) ;
  • une fois l’origine rachidienne de la douleur confirmée, il convient d’éliminer une cause secondaire en recherchant les drapeaux rouges,avant de retenir le diagnostic de rachialgie commune ;
  • on utilise la dénomination « rachialgie commune » pour toute rachialgie cervicale, dorsale ou lombaire, d’origine discale, arthrosique ou musculaire.

Nous allons aborder la démarche diagnostique à suivre systématiquement devant toute rachialgie et nous distinguerons :

  • les drapeaux « rouges », qui doivent faire rechercher une cause secondaire ;
  • les drapeaux « noirs » et « jaunes », devant faire craindre une chronicisation de la rachialgie ;
  • les drapeaux « verts », en faveur d’une origine commune de la rachialgie.

Cette démarche diagnostique est valable quel que soit l’étage douloureux. Il existe cependant des particularités justifiant d’étudier ensuite séparément les trois étages rachidiens :

  • si la rachialgie est associée à une douleur du membre supérieur (cervicalgie) ou inférieur (lombalgie), il convient de déterminer s’il s’agit d’une douleur radiculaire (cf. item 95 au chapitre 4) ou d’une irradiation douloureuse siégeant à distance, mais sans retrouver les caractéristiques d’une atteinte radiculaire ;
  • enfin, la prise en charge des douleurs du rachis est largement pluridisciplinaire et concerne médecins généralistes, rhumatologues, radiologues, rééducateurs associés aux kinésithérapeutes, radiologues, et chirurgiens dans les formes avec complication neurologique et/ou résistantes au traitement médical.

2 - Démarche diagnostique générale devant une rachialgie

La grande majorité des rachialgies sont communes et sans gravité. En revanche, les rachialgies secondaires sont rares, mais potentiellement graves, notamment par le risque de complication neurologique. Tout le principe de la démarche diagnostique est d’éliminer les causes secondaires justifiant la réalisation d’examens complémentaires biologiques et d’imagerie, avant de conclure à une étiologie commune (fig. 3.1).

2.1 - Causes viscérales

L’absence de syndrome rachidien avec contracture des muscles paravertébraux et l’absence de reproduction des douleurs à la mobilisation du rachis doivent faire évoquer une origine viscérale aux douleurs, très trompeuse. Le tableau 3.1 résume les principales étiologies viscérales à évoquer, en fonction de l’étage rachidien concerné (non exhaustif).

 

Fig. 3.1.Démarche diagnostique face à une rachialgie aiguë.

 

COFER



Tableau 3.1.Principales étiologies viscérales à évoquer devant des douleurs rachidiennes (douleurs projetées), en fonction de l’étage rachidien.

 

  Localisation cervicale Localisation thoracique Localisation lombaire
  L’absence de syndrome rachidien doit faire évoquer des douleurs projetées, surtout si la mobilisation du rachis ne reproduit pas les douleurs.
ORL Infection de la sphère ORL ou tumeurs ORL    
Cardiovasculaire Dissection artérielle cervicale : cervicalgies inhabituelles et persistantes, association à des céphalées inhabituelles, signes neurologiques focaux Insuffisance coronarienne (angor, infarctus du myocarde)
Péricardite
Anévrisme ou dissection de l’aorte thoracique
Anévrisme de l’aorte abdominale : tableau douloureux chronique ou aigu lorsque fissuraire, avec asymétrie tensionnelle, abolition d’un pouls, souffle aortique
Pleuropulmonaire   Cancer bronchique
Pleurésie infectieuse ou tumorale (mésothéliome, cancer bronchique)
Tumeur médiastinale
 
Digestive Œsophagite
Tumeur de l’œsophage
Ulcère gastrique ou duodénal
Affection hépatobiliaire
Œsophagite
Pancréatite
Tumeur de l’estomac, de l’œsophage, du pancréas
Tumeur digestive (gastrique, rectocolique ou pancréatique)
Urologique     Pathologie des voies urinaires :
Colite néphrétique fébrile/anurique/hyperalgique
Hydronéphrose
Tumeur
Pelvien     Tumeur pelvienne
Adénopathies ou fibrose rétropéritonéale

2.2 - Les drapeaux rouges

Les drapeaux rouges ont pour objectif d’alerter le clinicien et lui faire suspecter une étiologie secondaire de rachialgie.

Drapeaux rouges

    • Une douleur d’aggravation progressive, permanente et insomniante.
    • Âge d’apparition du premier épisode de rachialgie < 20 ans ou > 55 ans.
    • Les éléments cliniques (anamnèse, signes ou symptômes) évocateurs de
      –  atteinte neurologique : déficit moteur radiculaire avec ou sans névralgie cervicobrachiale ; atteinte médullaire (syndrome sous-lésionnel, signes d’irritation pyramidale, troubles vésico-sphinctériens) ; présence de paresthésie au niveau du pubis (ou du périnée) ;
      –  pathologie néoplasique : antécédent de cancer, altération de l’état général, perte de poids inexpliquée, présence d’adénopathies ;
      –  pathologie inflammatoire rhumatismale : antécédent de maladie inflammatoire rhumatismale, rythme inflammatoire des douleurs ;
      –  infection discovertébrale : fièvre inexpliquée, usage de drogues intraveineuses, contexte d’immunosuppression, bactériémie récente, ou usage prolongé de corticoïdes (par exemple, thérapie de l’asthme) ;
      –  complication de chirurgie du rachis : antécédent de chirurgie du rachis avec modification de la symptomatologie ;
      –  post-traumatique.

Le tableau 3.2 résume ces drapeaux rouges en fonction de l’étage rachidien concerné.

 

Tableau 3.2.Drapeaux rouges faisant évoquer une étiologie secondaire des rachialgies, en fonction de l’étage rachidien.

 

  Localisation cervicale Localisation thoracique Localisation lombaire
Étage rachidien   Cette localisation est un drapeau rouge en soi
Type de douleur Douleur de type non mécanique : douleur d’aggravation progressive, présente au repos et en particulier durant la nuit
Terrain, antécédents Âge d’apparition inférieur à 20 ans ou supérieur à 55 ans
Antécédent de cancer
Antécédent de chirurgie rachidienne associé à une modification de la symptomatologie
Antécédent de rhumatisme inflammatoire
Usage de drogue intraveineuse, usage prolongé de corticoïdes, contexte d’immunosuppression
Anamnèse Circonstance d’apparition des rachialgies, cinétique du traumatisme le cas échéant
Bactériémie récente
Altération de l’état général Fièvre
Perte de poids inexpliquée
Fatigue, sueurs nocturnes
Adénopathies
Examen clinique rachidien Déformation structurelle importante de la colonne
Signes neurologiques Paraplégie spastique
Syndrome radiculaire lésionnel, déficit moteur
Syndrome sous-lésionnel
Névralgie cervicobrachiale
Signe de Claude Bernard-Horner (entre C8 et T1)
Paraplégie
Douleurs thoraciques en ceinture associées à une anesthésie en bande
Symptôme neurologique étendu (déficit dans le contrôle des sphincters vésicaux ou anaux, déficit moteur au niveau des membres inférieurs, syndrome de la queue de cheval)
Paresthésie au niveau du pubis ou du périnée

2.3 - Conduite à tenir en présence d’un drapeau rouge

Il est important de noter que les drapeaux rouges sont des éléments de l’interrogatoire et de l’examen clinique. Ceci implique :

  • que la présence de ces drapeaux rouges impose d’emblée la réalisation d’examens complémentaires biologiques (bilan biologique standard incluant la recherche de syndrome inflammatoire [hémogramme, CRP], une électrophorèse des protéines sériques, une calcémie) et des examens complémentaires radiologiques. Les examens d’imagerie comporteront :
    –   quelle que soit la suspicion diagnostique, des clichés radiographiques de face et de profil de l’étage rachidien concerné, au minimum ;
    –   en cas de signes évoquant une atteinte médullaire, une pathologie inflammatoire rhumatismale, une infection ou une atteinte tumorale, l’IRM, qui est alors indiquée en première intention ; le scanner est l’alternative si l’IRM est contre-indiquée ou non disponible ;
    –   en cas de signes évoquant une dissection artérielle cervicale, l’imagerie à réaliser en première intention est l’angio-IRM ou l’angioscanner des troncs supra-aortiques ;
       en cas de suspicion de complication d’une chirurgie du rachis, l’indication des examens complémentaires est laissée à l’appréciation du chirurgien du rachis ;
  •  qu’en l’absence de drapeaux rouges, il n’est pas nécessaire de faire des examens paracliniques pour conclure à une rachialgie commune.

2.4 - Étiologies secondaires de rachialgie

Bien que rares, elles sont potentiellement graves, et il faut y penser systématiquement.
On est alerté par un début insidieux, une évolution progressivement croissante, un rythme inflammatoire typiquement insomniant, le caractère rebelle aux traitements symptomatiques, l’intensité des douleurs, les localisations multiples ou atypiques, le contexte et les antécédents (tumoraux et infectieux notamment).
Les principales étiologies de rachialgies secondaires sont réparties en quatre grandes origines :

  • tumorales : métastase, localisation myélomateuse, hémopathie, tumeur primitive vertébrale, tumeur intrarachidienne ;
  • infectieuses : spondylodiscite ;
  • inflammatoires : rhumatisme inflammatoire chronique, chondrocalcinose, rhumatisme à apatite ;
  • fracturaires.

2.4.1 - Causes tumorales

Tumeurs vertébrales

  • Sont essentiellement secondaires : métastases (surtout lytiques, parfois condensantes) et localisations myélomateuses ou d’une hémopathie. La radiographie peut suffire à affirmer le diagnostic de tumeur (lyse, parfois condensation), mais l’IRM est indispensable en complément car beaucoup plus sensible d’une part et montrant d’éventuelles complications d’autre part (épidurite avec risque neurologique). Une biopsie dirigée (scanner, échographie) pourra être utile si le diagnostic de l’origine de la tumeur n’est pas certain.
  • Les tumeurs vertébrales primitives bénignes sont rares et se voient surtout chez l’enfant et l’adulte jeune : ostéoblastome, tumeur à cellules géantes, kyste anévrismal, ostéome ostéoïde, granulome éosinophile, sauf l’angiome vertébral, qui est fréquemment retrouvé en IRM, souvent avec une dégénérescence graisseuse associée et rassurante, et avec très rarement des formes symptomatiques et évolutives

Tumeurs intrarachidiennes

Elles sont rares, dominées par le neurinome et le méningiome, qui sont bénins, mais il existe de rares tumeurs malignes graves, de type astrocytome ou épendymome.

2.4.2 - Causes infectieuses

La spondylodiscite infectieuse ou, plus rarement, spondylite, nécessite un diagnostic bactériologique (cf. item 156 au chapitre 11).

2.4.3 -  Affections inflammatoires du rachis

Ces affections incluent les rhumatismes inflammatoires chroniques et les rhumatismes microcristallins.
La spondyloarthrite est à évoquer par sa prévalence (0,3 à 0,6 %), notamment chez les adultes jeunes. Les rachialgies peuvent concerner tous les étages rachidiens. Les lombalgies sont fréquemment associées à des fessalgies (sacro-iliite) de caractéristiques typiquement inflammatoires. Il conviendra de rechercher des réveils nocturnes, une raideur matinale, l’association à des lombalgies inflammatoires et/ou des enthésites, un contexte familial, la présence de signes extra-articulaires associés (diarrhée, inflammation oculaire, psoriasis) (cf. item 197 au chapitre 18).
Une atteinte C1-C2 peut se rencontrer dans le cadre de la polyarthrite rhumatoïde avec atteinte de la synoviale odonto-atlantoïdienne. Une instabilité avec signe d’atteinte médullaire doit alors être recherchée (cf. item 196 au chapitre 17).
Les calcifications discales sont une étiologie trop souvent méconnue de rachialgies, alliant une composante mécanique à une composante parfois inflammatoire. Elles peuvent aboutir à une véritable spondylodiscite microcristalline (apatite carbonatée de localisation nucléaire ; pyrophosphate au niveau de l’annulus dans le cadre d’un rhumatisme à pyrophosphate de calcium ; dépôts uratiques beaucoup plus rares, dans le cadre de gouttes florides et très avancées).

2.4.4 - Fractures vertébrales

Elles peuvent être spontanées ou après un traumatisme modéré, en rapport avec une ostéopathie déminéralisante, essentiellement l’ostéoporose (cf. item 128 au chapitre 7).
Une fracture vertébrale au-dessus de T4 doit faire suspecter une localisation secondaire néoplasique.

La figure 3.2 résume les principales étiologies de rachialgie à évoquer en fonction du rythme des douleurs. Toutes les rachialgies de rythme inflammatoire sont d’origine secondaire. De plus, il ne faut pas oublier que des causes secondaires peuvent avoir un rythme de douleurs non inflammatoire (fractures vertébrales, étiologies viscérales).

 

Fig. 3.2. Principales étiologies de douleurs rachidiennes en fonction du rythme des douleurs.

 

3 - Rachialgies communes

Dans la très grande majorité des cas, les rachialgies sont communes. Ce diagnostic est posé après élimination des drapeaux rouges.

3.1 - Cervicalgies communes

On appelle cervicalgie commune des douleurs de la région cervicale, c’est-à-dire situées entre la base du crâne et la charnière cervico-thoracique, en rapport avec des lésions mécaniques discovertébrales dégénératives. On les distingue des cervicalgies secondaires, révélatrices d’affections plus rares, justifiant d’être reconnues précocement car potentiellement graves. Par convention, elles sont aiguës avant 3 mois d’évolution et chroniques au-delà.

3.1.1 - Définition, prévalence

On distingue :

  • le torticolis, qui est un syndrome douloureux cervical aigu avec contracture musculaire associée ;
  • les douleurs cervicales subaiguës ou chroniques, qui sont souvent favorisées par plusieurs mécanismes :
    –  une composante biologique : enraidissement articulaire secondaire à la cervicarthrose, dysfonction musculaire potentiellement associée à des contractures, mécanismes de sensibilisation nerveuse périphérique et centrale ;
    –   une composante psycho-sociale : kinésiophobie (peur de bouger), syndrome anxio-dépressif, pression au travail.

La cervicalgie chronique est un symptôme extrêmement fréquent : prévalence estimée des deux tiers de la population au cours de leur vie, incidence annuelle de 1,2 % ; elles sont presque 2 fois plus fréquentes chez les femmes ; 10 % des actes de kinésithérapie sont effectués au niveau cervical.
Attention, la cervicarthrose radiographique est possible dès la trentaine et sa prévalence est très importante, avec plus de 50 % des personnes atteintes après 40 ans, et elle augmente avec le vieillissement. Dans la majorité des cas, elle est asymptomatique. Cette notion de dissociation radioclinique (ou anatomoclinique) doit être présente à l’esprit pour ne pas trop facilement imputer la symptomatologie aux anomalies radiographiques.

3.1.2 - Sémiologie des cervicalgies communes

L’interrogatoire doit faire préciser les circonstances de survenue : après un effort, une activité sportive, une activité professionnelle, un traumatisme, une posture ou une mauvaise position, mais les douleurs surviennent également souvent sans cause mécanique retrouvée.
Lors d’un torticolis ou syndrome cervical aigu, les douleurs peuvent être permanentes, jour et nuit, avec des douleurs souvent à prédominance nocturne malgré leur origine mécanique. Le caractère impulsif à la toux ou à l’éternuement oriente vers une origine discale. On retrouve souvent des épisodes antérieurs semblables, d’évolution favorable avec parfois persistance d’un fond douloureux chronique.
En cas de cervicalgies chroniques, les douleurs sont souvent diffuses, mais des localisations cervicales hautes, moyennes ou basses ont valeur localisatrice. Leur rythme est mécanique mais des réveils nocturnes positionnels sont souvent rapportés.
Les irradiations douloureuses « projetées » peuvent être trompeuses : souvent latérocervicales et trapéziennes avec des douleurs associées des épaules, interscapulaires ou scapulaires, pouvant faire évoquer à tort une dorsalgie.
Une irradiation des douleurs au membre supérieur, occipitales ou à type de céphalées, doit faire rechercher une irradiation radiculaire. Il conviendra de rechercher la présence de caractéristiques neuropathiques à ses douleurs afin d’éliminer une névralgie cervicobrachiale (cf. item 95 au chapitre 4).
Des pseudo-vertiges voire des vertiges vrais peuvent faire évoquer une insuffisance vertébrobasilaire associée chez les personnes âgées.
L’examen clinique s’applique à rechercher des points douloureux à la palpation ou à la mise en compression et rotation de la colonne cervicale. Les muscles spinaux sont également douloureux à la palpation et, parfois, le siège d’une contracture, voire d’une attitude antalgique (délordose et/ou flexion latérale et rotation). La mobilité du cou (flexion, latéroflexion et rotations) est souvent très réduite en aigu, mais peu limitée dans la chronicité. Elle peut être responsable de craquements.
L’examen neurologique sera normal (inhérent à la définition de la cervicalgie commune).

3.1.3 - Tableau clinique en fonction de l’origine des cervicalgies communes

Cervicalgies
Une origine discale, généralement chez les sujets les plus jeunes, avec des antécédents traumatiques (coup du lapin, traumatisme crânien ou cervical), même anciens, doit être recherchée systématiquement. Le tableau est celui d’un syndrome cervical aigu, ou torticolis. Il est souvent très algique, avec raideur et contracture cervicales, attitude antalgique et impulsivité. La principale complication est une névralgie cervicobrachiale, très rarement liée à une compression médullaire (cf. item 93 au chapitre 2).


Cervicalgies d’origine arthrosique
L’origine dégénérative, la plus fréquente, est suspectée chez les patients les plus âgés, associant à des degrés divers discarthrose, arthrose des zygapophyses et uncarthrose (fig. 3.3 et 3.4), dont la part respective imputable aux douleurs est souvent difficile à déterminer. Le tableau est plus volontiers celui d’une cervicalgie chronique. Il est plus torpide, parfois émaillé d’épisodes plus aigus, souvent sans raideur rachidienne majeure. Le risque est également la névralgie cervicobrachiale, et la gravité un syndrome de compression médullaire lente se manifestant par un canal rachidien rétréci et une claudication d’origine médullaire.

L’uncarthrose est l’arthrose de l’uncus vertébral, correspondant à la crête antéropostérieure qui relève chacun des bords latéraux de la face supérieure du corps des vertèbres cervicales.

 

Fig. 3.3 Arthrose cervicale
Ostéophytose antérieure, pincement discal, uncarthrose, arthrose zygapophysaire déformant le trou de conjugaison.

 

 

Fig. 3.4. Arthrose cervicale radiographique C5-C6.
A. Cliché radiographique cervical de profil. B. Cliché radiographique cervical de trois quarts.

 

 

Cervicalgies d’origine musculaire
Une origine musculaire peut être retrouvée chez de nombreux patients présentant des douleurs cervicales aiguës ou chroniques. Elle est caractérisée par des douleurs à la palpation des muscles, notamment des trapèzes. Elle survient plus souvent au décours de traumatismes de type coup du lapin. Le syndrome myofascial fait référence à des cervicalgies d’origine uniquement musculaire, avec présence de « nœuds musculaires » sensibles à la palpation. Il est souvent secondaire à une mauvaise posture et un stress musculaire excessif.
Puisque les douleurs d’origine discale ou arthrosique irradient également en regard des muscles paravertébraux et des trapèzes, il n’est pas toujours évident de différencier ces douleurs en pratique courante, et plusieurs origines de douleurs peuvent s’associer chez un même patient.

3.1.4 - Facteurs de risque des cervicalgies communes aiguës

Les différents facteurs de risque associés aux cervicalgies communes aiguës à rechercher sont :

  • traumatismes ou microtraumatismes répétés, directs ou indirects ;
  • troubles de la statique rachidienne ;
  • tabagisme ;
  • génétique (antécédents familiaux) ;
  • sédentarité (+++).

3.1.5 - Facteurs de chronicisation des cervicalgies communes aiguës

Le pronostic d’une cervicalgie aiguë est favorable. L’évolution varie de quelques jours pour un torticolis à plusieurs semaines ou mois dans les formes subaiguës ou chroniques.
Certains facteurs peuvent favoriser la chronicisation de la cervicalgie aiguë commune. Ils sont psychosociaux (drapeaux jaunes) et/ou professionnels (drapeaux noirs) et sont résumés dans le tableau 3.3.

 

Tableau. 3.3. Indicateurs associés avec le risque de chronicisation et/ou d’incapacité prolongée : indicateurs psychosociaux (drapeaux jaunes) et professionnels (drapeaux noirs).

 

Drapeaux jaunes Drapeaux noirs
Indicateurs psychosociaux d’un risque accru de passage à la chronicité et/ou d’incapacité prolongée Facteurs de pronostic liés à la politique de l’entreprise, au système de soins et d’assurance
Indicateurs professionnels d’un risque accru de passage à la chronicité et/ou d’incapacité prolongée
– Problèmes émotionnels tels que la dépression, l’anxiété, le stress, une tendance à une humeur dépressive et le retrait des activités sociales
– Attitudes et représentations inappropriées par rapport au mal de dos, comme l’idée que la douleur représenterait un danger ou qu’elle pourrait entraîner un handicap grave, un comportement passif avec attentes de solutions placées dans des traitements plutôt que dans une implication personnelle active (catastrophisme)
– Comportements douloureux inappropriés, en particulier d’évitement ou de réduction de l’activité, liés à la peur (fausses croyances)
– Problèmes liés au travail (insatisfaction professionnelle ou environnement de travail jugé hostile), problèmes liés à l’indemnisation (rente, pension d’invalidité)
– Recherche de bénéfices secondaires

– Politique de l’employeur empêchant la réintégration progressive ou le changement de poste
– Insécurité financière
– Critères du système de compensation
– Incitatifs financiers
– Manque de contact avec le milieu de travail
– Durée de l’arrêt maladie

3.1.6 - Imagerie des cervicalgies communes

La Haute Autorité de santé (HAS) a édicté des recommandations sur les indications de l’imagerie pour les cervicalgies non traumatiques.
En synthèse :

  • en présence de drapeaux rouges et donc de suspicion de cervicalgie secondaire, l’imagerie est indiquée d’emblée : dans ce cas, l’IRM est indiquée ;
  • en l’absence de drapeaux rouges et donc dans la situation d’une cervicalgie commune, il n’y a pas d’indication à réaliser des examens d’imagerie. Ils seront envisagés seulement si la cervicalgie commune évolue depuis plus de 4 à 6 semaines : dans ce cas, la radiographie standard est appropriée ;
  • il n’y a pas d’indication à renouveler le même examen d’imagerie en l’absence de modification des symptômes.

3.1.7 - Traitement des cervicalgies communes

Principes généraux
Comme dit précédemment, l’évolution est majoritairement favorable. Il n’y a pas d’indication chirurgicale pour des cervicalgies dites communes.
On ne traite pas une image, mais la symptomatologie d’un patient, du fait de la dissocia-tion radioclinique (ou anatomoclinique).
L’identification de l’origine de la cervicalgie commune est importante pour mieux orienter la prise en charge thérapeutique. Une prise en charge active et précoce, tenant compte du contexte global, notamment socioprofessionnel et psychologique, peut permettre d’éviter un passage à la chronicité, qui est toujours de prise en charge beaucoup plus difficile.
On se méfiera de l’escalade thérapeutique et des traitements dont la balance bénéfice-risque n’est pas favorable. Ainsi, la corticothérapie n’est pas efficace dans les rachialgies communes, les décontractants musculaires n’ont pas été validés et les opioïdes forts doivent être évités devant le risque important et grave de dépendance.


Cervicalgies aiguës
Le traitement médical est d’abord symptomatique avec, dans les formes aiguës, des antalgiques à posologie suffisante et des AINS. Les corticoïdes par voie générale sont inefficaces.
Le port d’un collier cervical antalgique peut être envisagé, sans autre immobilisation stricte que celle imposée par les douleurs. La kinésithérapie n’est pas indiquée car d’action très limitée devant un syndrome cervical aigu, avec le plus souvent la seule possibilité de techniques antalgiques type chaleur locale.
Une manipulation cervicale ne peut être réalisée qu’après une enquête diagnostique exhaustive. Elle n’est pas recommandée et sa place doit tenir compte de la balance bénéfice-risque, qui n’est pas formellement établie. En effet, la survenue d’une dissection artérielle post-manipulation est certes rare, mais grave.

Cervicalgies chroniques
Dans les formes chroniques, le traitement symptomatique est moins efficace. Les AINS sont réservés aux poussées douloureuses, prescrits sur de courtes périodes. Les antalgiques doivent être limités aux paliers I ou II.
Une prise en charge psychosociale est nécessaire, si des facteurs de risque sont identi-fiés (drapeaux jaunes ou noirs) à l’interrogatoire.
La place la plus importante est celle de la rééducation : outre les méthodes antalgiques (massage, chaleur, neurostimulation), travail de proprioception, de renforcement des muscles spinaux, de postures, de tractions douces.
L’acupuncture pourrait avoir des propriétés antalgiques. La place des manipulations cervicales est discutée, car elles peuvent avoir des complications graves, comme une dissection artérielle. De nombreuses techniques utilisées ne sont pas validées, comme le laser, les ultrasons.
Des infiltrations des zygapophyses peuvent être proposées, sous contrôle scopique ou scannographique ou échographique, rarement pratiquées du fait des risques neurolo-giques inhérents à une erreur technique.

Prévention

L’adaptation du poste de travail et la pratique des gestes d’hygiène quotidienne sont autant de mesures préventives de cervicalgies. Elle peut faire l’objet d’une analyse en milieu professionnel, avec recherche de mesures adaptées avec le médecin du travail, par exemple pour les cervicalgies en rapport avec une activité prolongée sur un écran d’ordinateur ou avec un téléphone portable (« text-neck »).

3.2 - Lombalgies communes

3.2.1 - Définition, prévalence           

On appelle lombalgie « commune » une douleur située entre la charnière thoraco-lombaire et le pli fessier inférieur sans signe évocateur de lombalgie symptomatique (c’est-à-dire sans drapeau rouge).
On peut trouver une composante discale, arthrosique, ou liée à une dysfonction musculaire à ces douleurs, composantes souvent associées.

Il est proposé d’utiliser les termes de :

  • « poussée aiguë de lombalgie » plutôt que lombalgie aiguë afin d’englober les douleurs aiguës avec ou sans douleur de fond préexistante, nécessitant une intensification temporaire des traitements ou entraînant une diminution temporaire des capacités fonctionnelles ;
  • « lombalgie à risque de chronicité » pour les patients ayant une durée d’évolution de la lombalgie inférieure à 3 mois et présentant un risque élevé d’absence de résolution de la lombalgie (présence de drapeaux jaunes et noirs) ;
  • « lombalgie récidivante » en cas de récidive de lombalgie dans les 12 mois. Elle doit être considérée comme une lombalgie à risque de chronicité. Il convient d’identifier ces lombalgies à risque de chronicité, sans limites temporelles nettes, mais nécessitant une prise en charge plus intensive pour éviter le passage à la chronicité.

La prévalence clinique des lombalgies communes est aux alentours de 70 %, avec un pic vers les âges de 50 à 65 ans, ce qui en fait l’affection la plus invalidante au monde en termes de nombre de jours de douleurs, de handicap ou d’arrêt de travail. Les récidives sont fréquentes (environ 20 %). Leur coût est majeur pour les sociétés, surtout les formes chroniques. En effet, ces 10 % de formes chroniques représentent 80 % des coûts de l’ensemble des lombalgies communes. La recherche de facteurs de risque de chronicisation (drapeaux jaunes et drapeaux noirs) doit donc être systématique et la prise en charge adaptée (cf. tableau 3.3).

3.2.2 - Sémiologie des lombalgies communes             

L’interrogatoire doit préciser les circonstances de survenue : après un effort, une activité sportive, une activité professionnelle, un traumatisme, une posture ou une mauvaise position, mais les douleurs surviennent parfois sans cause retrouvée. Les efforts de soulèvement (en faisant levier avec son rachis) ou de rotations sont plus particulièrement responsables de lombalgies d’origine discale.
La douleur est lombaire basse, le plus souvent lombofessière. Des irradiations douloureuses sont fréquemment associées, dans la région sacrée, vers les épines iliaques postéro-supérieures, la face postérieure de la cuisse, plus rarement la fosse iliaque, la région hypogastrique et le pli inguinal.
Le rythme de la douleur est mécanique : diurne, augmentant avec l’activité ou le port de charges, les efforts, la station debout ou assise prolongée, soulagée par le repos et le décubitus.
Le caractère impulsif à la toux, l’éternuement ou à la défécation oriente vers une origine discale.
On retrouve souvent des épisodes antérieurs semblables, d’évolution favorable, avec parfois persistance d’un fond douloureux chronique.

 

 

L’examen clinique se fait le malade debout, examiné de profil et de dos. Des vidéos de sémiologie détaillant cet examen clinique sont disponibles sur le site du COFER : http://www.lecofer.org/semiologie.php.
L’inspection cherche un trouble de la statique rachidienne :

  • dans le plan sagittal : la présence d’une modification de la lordose lombaire ;
  • dans le plan frontal : la présence d’une gibbosité en antéflexion évocatrice d’une scoliose ancienne. À l’opposé, une attitude scoliotique du fait d’un déséquilibre lombopelvien ancien disparaît en antéflexion. On cherchera aussi une attitude antalgique en rapport avec le lumbago du fait de contractures musculaires pa-ravertébrales (raideur importante avec attitude fixée en latéroflexion = signe de la baïonnette) ;
  • à la marche pour éliminer un trouble de la marche ou une asymétrie importante des membres inférieurs.
    L’examen clinique inclut :
  • la recherche de points douloureux à la palpation rachidienne, interépineux ou paraver-tébraux, diffus ou focaux et de valeur localisatrice ;
  • l’étude des mobilités du rachis lombaire (antéflexion et extension, latéroflexions, rotations) ; la raideur est fréquente en cas de lumbago, alors que les mobilités sont subnormales dans la lombalgie chronique ;
  • la recherche d’un syndrome cellulo-myalgique, avec une hyperpathie et des paresthésies ou hyperesthésies au palper et rouler de la peau en regard des zones douloureuses (orientant vers une atteinte des zygapophyses).

L’examen des sacro-iliaques, des hanches et des fessiers dans le cadre du diagnostic différentiel.
L’examen neurologique sera normal (inhérent à la définition de la lombalgie commune).

3.2.3 - Tableau clinique en fonction de l’origine des lombalgies communes

Lombalgies d’origine discale
La douleur d’origine discale est multifactorielle : fissure ou arrachement de l’annulus fibrosus, dégénérescence du nucleus pulposus, protrusion saillant en arrière sur une zone richement innervée, lésions ligamentaires (ligament longitudinal postérieur, interé-pineux), musculaires. Le tableau peut être aigu (typiquement le lumbago) ou chronique.
Dans le cas d’une lombalgie aiguë, ou lumbago, la douleur est secondaire au contact du nucleus pulposus avec les structures postérieures, richement innervées. La douleur est alors vive et s’accompagne le plus souvent d’une contracture musculaire intense.
On est orienté vers une origine discale devant les éléments suivants :

  • âge entre 20 et 60 ans ;
  • facteur déclenchant immédiat lors d’un effort ou traumatisme ;
  • antécédents similaires rapidement favorables ;
  • lombalgie médiane ;
  • caractéristiques mécaniques de la douleur ;
  • impulsivité de la douleur à la toux, le rire, la défécation, l’éternuement ;
  • contracture musculaire avec attitude antalgique.

La principale complication est une radiculalgie dans le membre inférieur (sciatique le plus souvent) et la gravité une très rare compression de la queue de cheval (cf. item 93 au chapitre 2).

Lombalgie d’origine arthrosique
L’origine dégénérative est suspectée chez les patients les plus âgés, associant à des de-grés divers discarthrose et arthrose des zygapophyses, dont la part respective imputable aux douleurs est souvent difficile à déterminer. Le tableau est plus torpide, parfois émaillé d’épisodes plus aigus, souvent sans raideur rachidienne majeure.
On est orienté vers une origine arthrosique devant les éléments suivants :

  • âge > 50 ans ;
  • lombalgie médiane ou unilatérale, de rythme mécanique pas toujours caractéristique ;
  • douleur favorisée par l’hyperextension et le procubitus, et surtout améliorée par l’antéflexion ;
  • douleurs référées à distance, sans trajet précis : fesses-cuisses-épines iliaques ;
  • hyperesthésie de ces zones douloureuses au « palper-rouler » (syndrome cellulo-téno-myalgique).

L’atteinte arthrosique est favorisée par une hyperlordose, un surpoids avec sangle mus-culaire abdominopelvienne déficiente (syndrome trophostatique), ainsi que des troubles de la statique rachidienne (scoliose, dysplasies et instabilités discovertébrales).
Le risque est beaucoup plus rarement une radiculalgie et la complication principale un canal rachidien rétréci avec une claudication d’origine radiculaire.

Lombalgie d’origine musculaire
Une origine musculaire peut être retrouvée chez de nombreux patients présentant des douleurs lombaires aiguës ou chroniques. Elle est caractérisée par des douleurs à la pal-pation des muscles, notamment des muscles paravertébraux. Comme les douleurs d’origine discale ou arthrosique irradient également en regard des muscles paraverté-braux, il n’est pas toujours évident de différencier ces douleurs en pratique courante, et plusieurs origines de douleurs peuvent s’associer chez un même patient.

3.2.4 - Facteurs de risque des lombalgies communes aiguës

On évalue les divers facteurs de risque :

  • traumatismes ou microtraumatismes répétés, directs ou indirects ;
  • certaines activités professionnelles à risque de lombalgie, notamment si port de charge importante, stress professionnel, vibrations répétées (marteau-piqueur…) ;
  • troubles de la statique rachidienne ;
  • surpoids ;
  • tabagisme ;
  • génétique (antécédents familiaux) ;
  • sédentarité (+++).

3.2.5 - Facteurs de chronicisation des lombalgies communes aiguës

Le pronostic est favorable. L’évolution varie de quelques jours pour un lumbago à plu-sieurs semaines ou mois dans les formes subaiguës ou chroniques.
Certains facteurs peuvent favoriser la chronicisation de la lombalgie aiguë commune. Ils sont psychosociaux (drapeaux jaunes) et/ou professionnels (drapeaux noirs) et sont résumés dans le tableau 3.3.
Parmi ces facteurs de risque de chronicisation, les connaissances et croyances liées à la lombalgie sont importantes à évaluer. Une partie des douleurs est d’origine musculaire : il ne s’agit pas, en général, d’une perte de quantité de muscles mais d’une perte de fonc-tion : les muscles sont contractés en permanence et ne se relâchent plus. Ce mécanisme de douleurs musculaires a bien été mis en évidence par des études utilisant des électro-myogrammes. Le comportement du patient influe directement les douleurs par ce biais : si le patient pense que son dos est « fragile » (peur de ce qu’on lui a dit, des examens complémentaires qui montreraient une atteinte « dégénérative »…), il va contracter invo-lontairement ses muscles spinaux, afin de protéger son dos et également afin d’éviter les mouvements qui favorisent les douleurs. Ce mécanisme, qui peut être protecteur à la phase tout initiale de la lombalgie, devient une des sources de douleurs dans leur chronicisation.
Les comportements et croyances à rechercher sont (tableau 3.3) :

  • une peur du mouvement (kinésiophobie) ;
  • une pensée que les douleurs sont liées à des lésions irréversibles ;
  • une pensée que l’évolution de ses douleurs risque d’être défavorable (catastrophisme) ;
  • une anxiété ;
  • une dépression ;
  • un sentiment d’incompréhension, d’injustice par rapport à son entourage familial, social ou professionnel.

3.2.6 - Imagerie des lombalgies communes

La Haute Autorité de santé (HAS) a édicté des recommandations sur les indications de l’imagerie pour les lombalgies communes.
En synthèse :

  • en présence de drapeaux rouges et donc de suspicion de lombalgie secondaire, l’imagerie par IRM est indiquée d’emblée
  • en l’absence de drapeaux rouges et donc dans la situation d’une lombalgie commune, il n’y a pas d’indication à réaliser des examens d’imagerie. Il est recommandé d’expliquer au patient pourquoi une imagerie n’est pas nécessaire. Il est important d’expliquer au patient l’absence de corrélation systématique entre les symptômes et les signes radiologiques. Il est recommandé d’expliquer et de dédramatiser les termes médicaux et techniques des comptes rendus d’imagerie ;
  • selon la HAS, les examens d’imagerie seront envisagés seulement si la lombalgie commune évolue depuis plus de 3 mois. Dans ce cas, l’IRM est recommandée (ou un scanner en cas de contre-indication à l’IRM) ;
  • il n’y a pas d’indication à renouveler l’imagerie en l’absence de modification des symptômes ;
  • une radiographie du rachis lombaire de face et profil (fig. 3.5) peut être indiquée dans le cadre de trouble de la statique rachidienne ou à la recherche d’une instabilité.
    Dans le cadre d’une arthrose zygapophysaire évoluée, un pseudo-spondylolisthésis peut s’observer (fig. 3.6). Celui-ci correspond au glissement d’une vertèbre lombaire par rap-port à la vertèbre située en dessous, en lien avec une perte de fonction des articulations zygapophysaires correspondantes.

 

Fig. 3.5.Discopathie L5-S1 à la radiographie standard.

 

Fig. 3.6.Rachis lombaire normal et pseudo-spondylolisthésis par arthrose zygapophysaire.

 

3.2.7 - Traitement des lombalgies communes

Principes généraux
Parce que leur évolution est majoritairement favorable, il n’y a qu’exceptionnellement une indication chirurgicale pour des lombalgies dites communes. Il faut rassurer le patient sur le caractère bénin de la lombalgie, l’encourager à rester actif.
On ne traite pas une image, mais la symptomatologie d’un patient, du fait de la dissocia-tion radioclinique (ou anatomoclinique).
Une prise en charge active et précoce, tenant compte dans la globalité de l’ensemble du contexte, notamment socioprofessionnel et psychologique, peut permettre d’éviter un passage à la chronicité, toujours de prise en charge beaucoup plus difficile. Elle inclura la réassurance (expliquer que le dos, même douloureux, est solide) et la reprise du mou-vement est essentielle pour la prise en charge de la lombalgie et pour limiter les réci-dives.
On se méfiera de l’escalade thérapeutique et des traitements dont la balance bénéfice-risque n’est pas favorable. Ainsi, la corticothérapie n’est pas efficace dans les rachialgies communes, les décontracturants musculaires n’ont pas été validés et les opioïdes forts doivent être évités devant le risque important et grave de dépendance.

Lombalgies aiguës

  • Le traitement est d’abord symptomatique avec, dans les formes aiguës, des antal-giques à posologie suffisante et des AINS. Ces traitements diminuent l’intensité de la douleur, mais ne modifient pas l’évolution de la lombalgie ; ils ne sont pas obligatoires.
  • Les décontracturants ne sont pas validés.
  • Les corticoïdes par voie générale sont inefficaces.
  • Le port d’une ceinture de soutien lombaire à visée antalgique peut être envisagé, sans autre immobilisation stricte que celle imposée par les douleurs.

Lombalgies chroniques ou à risque de chronicité

  • Dans les formes chroniques, le traitement symptomatique est moins efficace. Les AINS sont réservés aux poussées douloureuses, prescrits sur de courtes périodes. Les antalgiques doivent être limités aux paliers I ou II.
  • Une prise en charge psychologique et/ou comportementale est indiquée si des facteurs de risque sont identifiés (drapeaux jaunes ou noirs) à l’interrogatoire.
  • Mais la place la plus importante est celle de la rééducation :
    les méthodes antalgiques (massage, chaleur) ont un effet seulement de court terme ;
    – il faut axer la prise en charge rééducative sur le travail de proprioception, de renforcement des muscles spinaux et abdominopelviens, de postures et de tractions douces ;
    – on pourra insister dans les formes chroniques ou récidivantes sur l’autorééducation, à poursuivre sur le long cours, et l’éducation thérapeutique, avec des prises en charge multidisciplinaires associant des séances d’éducation et de conseils, des exercices physiques intensifs et une prise en charge psychologique ;
    – les traitements les plus efficaces semblent être ceux de type exposition gra-duelle, afin d’agir sur les composantes musculaires, mais également comportementales.
  • La prise en charge socioprofessionnelle est importante, afin d’adapter si besoin le poste de travail ou de faciliter une reprise professionnelle. En pratique, les patients peuvent contacter leur médecin du travail, y compris durant un arrêt de travail, pour évaluer les actions pouvant être mises en place.
  • La reprise des activités physiques est conseillée, y compris si le patient est toujours douloureux. Dans ce cas, elle doit être réalisée très progressivement, à une intensité faible à modérée pour commencer. Aucun sport n’est contre-indiqué avec une lombal-gie, même si des activités douces sont plus adaptées chez les personnes auparavant non sportives. La meilleure activité physique est celle qui plaît au patient et qui est fa-cilement réalisable, car c’est celle qui sera maintenue sur le long terme.

Autres prises en charge thérapeutiques

  • il faut axer la prise en charge rééducative sur le travail de proprioception, de renforcement des muscles spinaux et abdominopelviens, de postures et de tractions douces ;
  • Des manipulations peuvent faire céder une contracture musculaire rebelle.
  • La correction d’un trouble statique peut être indiquée (inégalité de longueur de membre si > 2 cm).
  • L’intérêt du port d’un corset en coutil, plus ou moins renforcé, est débattu ; il pourrait être d’une certaine aide en cas de travail de force.
  • Les cures thermales peuvent éventuellement être proposées dans des cas de polyarthrose invalidante.
  • La perte de poids associée au travail de renforcement musculaire est utile en cas de syndrome trophostatique.
  • Des infiltrations cortisoniques sont parfois proposées au niveau des zygapophyses, sous contrôle radioscopique ou scannographique ou échographique, en poussée inflammatoire arthrosique. Néanmoins, aucune efficacité de ces infiltrations n’est prouvée par rapport à un placebo.
  • De même, la thermocoagulation, permettant de détruire l’innervation des zygapophyses grâce à une sonde thermique introduite par voie percutanée sous contrôle radioscopique, donne des résultats inconstants et discutés
  • Des infiltrations cortisoniques intradiscales ont été proposées avec un certain résultat, mais de courte durée lors des atteintes inflammatoires de type Modic 1 en IRM.
  • L’indication chirurgicale dans les lombalgies communes reste exceptionnelle [FIGURE.eps ?], limitée à des cas avérés d’instabilité discovertébrale. Elle peut proposer une arthrodèse voire une prothèse discale, après concertation multidisciplinaire.

4 - Dorsalgies

Les douleurs en regard du rachis thoracique sont avant tout à considérer comme des drapeaux rouges.
On recherchera systématiquement une atteinte viscérale avec des douleurs référées au niveau du rachis thoracique. La réalisation d’examens complémentaires sera systématique.
Les dorsalgies communes sont beaucoup plus rares : prévalence de 10 à 20 %, deux fois plus fréquente chez les femmes. Elles ont pour origine le plus souvent des lésions mécaniques du rachis thoracique et des articulations costovertébrales.

4.1 - Sémiologie des dorsalgies

L’interrogatoire précise les circonstances de survenue, le siège, le rythme, mécanique ou inflammatoire, le mode évolutif, l’absence de signes généraux ou de contexte particulier.
L’examen clinique ne se limitera pas à l’examen du rachis :

  • l’examen général sera attentif : pleuropulmonaire, cardiovasculaire, abdominal, des fosses lombaires. On cherchera en particulier une asymétrie tensionnelle, l’abolition d’un pouls, un souffle aortique ;
  • l’examen neurologique cherchera une hypoesthésie suspendue en ceinture (syndrome lésionnel) ;
  • une fois les étiologies viscérales et les complications neurologiques éliminées, on complétera l’examen clinique avec l’évaluation d’un trouble de la statique du rachis (scoliose, hypercyphose) ;
  • la présence de points douloureux vertébraux et paravertébraux à la palpation ainsi qu’une douleur à la mise en compression de la cage thoracique pour mobiliser les articulations costovertébrales sont évocatrices d’atteinte mécanique. La mobilité est évaluée en flexion et en extension du rachis thoracique et avec la mesure de l’ampliation thoracique.

4.2 - Examens complémentaires des dorsalgies

Des examens complémentaires radiologiques doivent être effectués systématiquement : radiographies du rachis thoracique de face et profil, debout.

Au moindre doute et selon le contexte, on fait pratiquer des dosages biologiques d’inflammation (CRP voire VS, NFS, électrophorèse des protides), une radiographie des poumons, un ECG, une scintigraphie osseuse, une endoscopie œsogastroduodénale, une échographie abdominale ou un scanner, une IRM.

4.3 - Étiologie des dorsalgies

Il faut avant tout éliminer de principe une dorsalgie dite « secondaire » d’origine non mécanique. On sera alerté par un début insidieux, une évolution progressivement croissante, un rythme inflammatoire typiquement insomniant, le caractère rebelle aux traitements symptomatiques, l’intensité des douleurs, les localisations multiples ou atypiques, le contexte et les antécédents (tumoraux et infectieux, notamment).
La recherche de drapeaux rouges sera systématique (cf. tableau 3.2).
Les étiologies secondaires et viscérales seront à évoquer de première intention. Les principales sont résumées dans les tableaux 3.1 et 3.4.

 

Tableau 3.4 Résumé des principales étiologies secondaires des rachialgies, en fonction de l’étage rachidien.

Étiologie Localisation cervicale Localisation thoracique Localisation lombaire
Tumorale vertébrale

Les atteintes tumorales vertébrales sont essentiellement secondaires : métastases (surtout lytiques, parfois condensantes) de cancer solide ou des localisations myélomateuses ou d’une hémopathie ; les tumeurs malignes vertébrales sont plus rares
La radiographie peut suffire à affirmer le diagnostic de tumeur maligne (lyse, parfois condensation), mais l’IRM est beaucoup plus sensible d’une part, et elle montrera d’éventuelles complications d’autre part (épidurite avec risque neurologique) ; une biopsie dirigée (scanner, échographie) pourra être utile si le diagnostic de l’origine de la tumeur n’est pas certain
Les tumeurs vertébrales primitives bénignes sont rares et se voient surtout chez l’enfant et l’adulte jeune : ostéoblastome, tumeur à cellules géantes, kyste anévrismal, ostéome ostéoïde, granulome éosinophile, sauf l’angiome vertébral ; celui-ci se voit chez l’adulte, est fréquemment associé en IRM à une dégénérescence graisseuse et rassurante, et a très rarement des formes symptomatiques et évolutives

Tumorale intrarachidienne Les tumeurs intrarachidiennes sont rares, dominées par le neurinome et le méningiome, qui sont bénins ; il existe de rares tumeurs malignes graves, de type astrocytome ou épendymome ; la biopsie à visée diagnostique sera chirurgicale
Infectieuse Spondylodiscite septique ou, plus rarement, spondylite, avec un diagnostic bactériologique indispensable
Inflammatoire La spondyloarthrite est à évoquer par sa prévalence (0,3 %)
L’IRM peut mettre en évidence des atteintes inflammatoires des coins vertébraux (Romanus) et des spondylodiscites aseptiques
La spondyloarthrite est à évoquer par sa prévalence (0,3 %)
Les dorsalgies peuvent être révélatrices
L’IRM peut mettre en évidence des atteintes inflammatoires des coins vertébraux (Romanus) et des spondylodiscites aseptiques
Les articulations costovertébrales et costotransversaires peuvent aussi être atteintes
La spondyloarthrite est à évoquer par sa prévalence (0,3 %)
Les lombalgies sont associées à des fessalgies (sacro-iliite) de rythme typiquement inflammatoire
L’IRM peut mettre en évidence des atteintes inflammatoires des coins vertébraux (Romanus) et des spondylodiscites aseptiques
La polyarthrite rhumatoïde peut être responsable d’une atteinte de C1-C2 La polyarthrite rhumatoïde respecte le rachis thoracique La polyarthrite rhumatoïde respecte le rachis lombaire
L’atteinte péri-odontoïdienne est caractéristique de la chondrocalcinose Les calcifications discales sont une étiologie trop souvent méconnue de dorsalgies, alliant une composante mécanique, mais aussi parfois inflammatoire ; elles peuvent aboutir à une véritable spondylodiscite microcristalline : apatite carbonatée de localisation nucléaire ou pyrophosphate au niveau de l’annulus dans le cadre d’une chondrocalcinose
Les dépôts uratiques sont beaucoup plus rares, dans le cadre de gouttes florides et très avancées
Les calcifications discales sont une étiologie trop souvent méconnue de lombalgies, alliant une composante mécanique, mais aussi parfois inflammatoire ; elles peuvent aboutir à une véritable spondylodiscite microcristalline : apatite carbonatée de localisation nucléaire ou pyrophosphate au niveau de l’annulus dans le cadre d’une chondrocalcinose
Les dépôts uratiques sont beaucoup plus rares, dans le cadre de gouttes florides et très avancées
Fracturaire Les fractures spontanées ou après un traumatisme modéré des vertèbres cervicales doivent faire évoquer une étiologie maligne Les fractures spontanées ou après un traumatisme modéré des 4 premières vertèbres thoraciques doivent faire évoquer une étiologie maligne
Les atteintes des autres vertèbres thoraciques sont le plus souvent en rapport avec une ostéopathie déminéralisante, essentiellement l’ostéoporose

Les fractures spontanées ou après un traumatisme modéré des vertèbres lombaires sont le plus souvent en rapport avec une ostéopathie déminéralisante, essentiellement l’ostéoporose

4.3.1 - Dorsalgies mécaniques

Les dorsalgies mécaniques sont beaucoup moins fréquentes que les cervicalgies et les lombalgies communes. De plus, il faut se méfier d’une authentique cervicalgie avec dou-leur projetée interscapulaire, justifiant un examen clinique attentif de tout le rachis en cas de dorsalgie.
Leurs étiologies sont les suivantes.

Scoliose
Elle est souvent asymptomatique, évolutive pendant la croissance, maximale à l’adolescence, justifiant alors une surveillance attentive. Des lésions dégénératives peu-vent devenir symptomatiques (interapophysaires ou costovertébrales) avec le vieillissement.


Maladie de Scheuermann
C’est une épiphysite de croissance à l’adolescence, altérant les plateaux vertébraux (ir-régularités, hernies intraspongieuses), souvent asymptomatique. Elle peut faire le lit de dégénérescences discales ultérieures.


Hernie discale
Elle est rare au niveau thoracique, parfois post-traumatique, pouvant se manifester par un syndrome lésionnel (douleur en hémiceinture) et sous-lésionnel (cf. item 93 au cha-pitre 2).
Elle peut être calcifiée.
Elle peut être également asymptomatique.


Arthrose costovertébrale
Elle est favorisée par les troubles de la statique vertébrale (scoliose). Elle est de diagnostic difficile, souvent asymptomatique également.


Arthrose des zygapophyses
Elle est également favorisée par les troubles de la statique vertébrale et avec une impu-tabilité clinique difficile à déterminer.

4.4 - Traitement des dorsalgies

Les causes viscérales ou les dorsalgies secondaires font l’objet de traitements spécifiques à chacune d’entre elles.
Les dorsalgies mécaniques peuvent faire l’objet de traitements symptomatiques et de kinésithérapie. Des infiltrations ciblées sont à peser avec prudence compte tenu des risques liés à ce type de geste au niveau thoracique.




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