Myélome multiple des os

Item 320 UE X


 

1 - Définitions

1.1 - Définition d'une MGUS

La gammapathie monoclonale de signification indéterminée (MGUS, Monoclonal Gammopathy of Undetermined Significance, pour les Anglo-Saxons) est la plus fréquente des gammapathies monoclonales.

  • Sa prévalence augmente avec l'âge : 0,5 % à 30 ans, 2 % à 50 ans, pour atteindre 10 % à plus de 80 ans.
  • Risque de progression vers un myélome : de l'ordre de 1 % par an.
  • Facteurs de mauvais pronostiques : pic IgG > 15 g/l, pic non-IgG, rapport des chaînes légères kappa/lambda (rapport Free Light Chain [FLC]) anormal.

Les patients avec MGUS nécessitent donc d'être suivis régulièrement.
L'électrophorèse des protéines sériques (EPS) peut être répétée à 6 mois puis de façon annuelle. La surveillance sera ensuite adaptée en fonction de l'existence ou non de facteurs de risque de progression au diagnostic, de l'évolution de la gammapathie (stabilité ou augmentation progressive).

1.2 - Définition d'un myélome multiple

Le myélome multiple, ou maladie de Kahler, est une hémopathie maligne liée à une prolifération clonale de plasmocytes tumoraux dans la moelle osseuse.
Une immunoglobuline monoclonale, identifiée par sa chaîne lourde et/ou sa chaîne légère, est synthétisée par un clone de lymphocytes B ; elle est le témoin d'une prolifération lymphocytaire B clonale qui peut être bénigne ou maligne.
Le myélome multiple représente 10 % des hémopathies malignes. C'est une affection du sujet de plus de 50 ans. Son incidence augmente avec l'âge ; l'âge moyen au diagnostic est de 64 ans. Il est légèrement plus fréquent chez l'homme que chez la femme.

2 - Circonstances de découvertes

Le myélome multiple est une maladie très « polymorphe » . Toutes les disciplines médicales peuvent être confrontées aux manifestations d'un myélome non connu :

  • signes osseux : douleurs osseuses, fractures, bilan d'ostéoporose, etc. Les plus fréquents ; ils concernent plus de 80 % des patients ;
  • complications neurologiques : radiculalgies symptomatiques, compressions médullaires, syndrome de la queue de cheval, etc. ;
  • signes hématologiques : anémie, pancytopénie (insuffisance médullaire) ;
  • élévation isolée de la VS (au-delà de 100 mm) le plus souvent rencontrée — exception faite des rares myélomes à VS normale correspondant soit à un myélome non secrétant soit à un myélome à chaînes légères ;
  • insuffisance rénale aiguë ;
  • infections bactériennes récurrentes (hypogammaglobulinémie) ;
  • hypercalcémie ;
  • altération de l'état général : asthénie, amaigrissement, fébricule.

3 - Diagnostic du myélome

Le diagnostic repose sur :

  • la mise en évidence d'une immunoglobuline monoclonale : électrophorèse des protéines sériques et/ou urinaires ;
  • la mise en évidence d'une prolifération plasmocytaire : myélogramme ;
  • l'analyse du retentissement de ces deux paramètres : critères CRAB et SLiM CRAB.

3.1 - Mise en évidence de la gammapathie monoclonale (sérique et/ou urinaire) à l'électrophorèse des protéines

3.1.1 - EPS normale (fig. 28.1A)

  • Albumine : 40 à 45 g/l.
  • α1-globulines : 2 à 4 g/l.
  • α2-globulines : 4,5 à 7 g/l.
  • β-globulines : 7 à 13 g/l.
  • γ-globulines : 6 à 15 g/l.


Fig. 28-1 :Électrophorèse des protéines sériques.
A. EPS normale. B. EPS révélant un pic monoclonal dans les gammaglobulines.

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3.1.2 - EPS anormale (fig. 28.1B)

Hypergammaglobulinémie monoclonale (fig. 28.1B) : présence d'un pic à base étroite et symétrique qui migre dans la zone des γ-globulines lorsqu'il s'agit d'une IgG ou, plus rarement, dans la zone des β-globulines lorsqu'il s'agit d'une IgA.
En cas de myélome à chaînes légères, il faut rechercher une hypogammaglobulinémie. La chaîne légère est éliminée le plus souvent dans les urines et donc non visible sur l'EPS (BU normale et protéinurie positive).
La clonalité doit être confirmée par l'immunoélectrophorèse (IgG >> IgA > IgM ou plus rarement IgD, 1 %, ou IgE, exceptionnelle).

3.2 - Mise en évidence de la prolifération plasmocytaire : myélogramme

Il a pour but d'apprécier :

  • le degré de prolifération plasmocytaire médullaire : le diagnostic de myélome multiple est retenu en cas de prolifération ≥ 10 % de plasmocytes médullaires
  • le caractère dystrophique des cellules.

Le myélogramme doit être complété par l'analyse caryotypique des plasmocytes médullaires qui a un intérêt pronostique.
Si, exceptionnellement, le myélogramme est normal, la biopsie ostéomédullaire au niveau de l'épine iliaque postérosupérieure doit être réalisée afin de confirmer le diagnostic.

3.3 - Étude du retentissement de l'Ig et de la prolifération plasmocytaire : critères CRAB et SLiM CRAB

Le caractère symptomatique du myélome dont dépend l'indication du traitement repose sur l'existence de symptômes cliniques ou d'une atteinte d'organe définie par au moins une des anomalies suivantes (critères CRAB) (tableau 28.1) :

  • C : hyperCalcémie > 2,75 mmol/l ;
  • R : insuffisance Rénale attribuable au myélome avec clairance < 40 ml/min ou créatininémie > 177 μmol/l ;
  • A : Anémie < 10 g/dl (anémie normochrome, normocytaire et arégénérative) ;
  • B : atteinte osseuse (Bone) : lésion lytique visible en radiographie, scanner, low dose scanner, ou TEP-TDM.

Tableau 28.1 : Définition des formes cliniques (HAS, 2010 ; IMWG, 2014).

MGUS
Immunoglobuline monoclonale détectée mais < 30 g/l si IgG et plasmocytose médullaire < 10 %Pas de symptômes
(critères CRAB)
Myélome multiple asymptomatique ou indolent
Immunoglobuline monoclonale détectée > 30 g/l et/ou plasmocytose médullaire ≥ 10 %Pas de symptômes
(ni critères CRAB, ni critères de malignité)
Myélome multiple symptomatique
Immunoglobuline monoclonale détectée dans le sérum et ou les urines et/ou plasmocytose médullaire ≥ 10 %Symptômes :
– au moins 1 critère CRAB
– et/ou 1 critère SLiM CRAB

 
Trois critères de malignité SLiM CRAB ont été ajoutés aux critères CRAB et définissent également le caractère symptomatique du myélome. Il s'agit de :

  • plasmocytose médullaire ≥ 60 % (Sixty) ;
  • ratio chaînes légères libres impliquée/chaînes légères libres non impliquées ≥ 100 dans le sang (Light Chains) ;
  • plus de 1 lésion focale ≥ 5 mm en IRM (MRI).

Les examens nécessaires pour mettre en évidence ce composant monoclonal sont :

  • l'EPS (qui révèle son existence) ;
  • l'immunoélectrophorèse, examen permettant de définir l'isotype de la chaîne légère et de la chaîne lourde ;
  • la protéinurie des 24 heures ;
  • l'électrophorèse des protéines urinaires et l'immunoélectrophorèse des urines qui permettent de caractériser le composant monoclonal urinaire ;
  • le dosage sérique des chaînes légères, qui est utile pour le diagnostic et l'évaluation de la réponse au traitement en cas de myélome à chaînes légères, de myélome pauci- ou non sécrétant.

La découverte d'un pic monoclonal nécessite la réalisation d'un bilan minimal :

  • NFS, ionogramme, créatininémie, calcémie, protéinurie des 24 heures, chaînes légères sériques ;
  • si pic IgG > 15 g/l, pic IgA, pic IgE, pic IgD : myélogramme, radiographies du squelette ou scanner faible dose « corps entier » ;
  • si pic IgM : radiographie de thorax, échographie abdominale, ces deux examens pouvant être remplacés par un scanner thoraco-abdomino-pelvien.

4 - Signes osseux révélateurs

Les manifestations osseuses résultent d'une augmentation de l'activité ostéoclastique au contact des plasmocytes : augmentation de la résorption osseuse avec ostéolyse diffuse ou multifocale (fig. 28.2).

Fig. 28-2 :   Système RANK-RANKL-OPG et myélome : le plasmocyte myélomateux induit une augmentation de RANKL et une baisse de l'ostéoprotégerine (OPG), régulateur négatif du système. Cela aboutit à la stimulation de l'ostéoclastose.
(Source : Inserm 1184.)

4.1 - Lésions radiologiques

Le myélome est responsable de lésion lytique de type lacune « à l'emporte-pièce », ovalaire ou ronde, sans structure interne visible, bien limitée, sans réaction périphérique ; elle est multiple dans 80 % des cas et tous les os peuvent être atteints (fig. 28.3).

Fig. 28-3 :Aspect radiographique. Lacunes multiples « à l'emporte-pièce » du crâne.

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Des formes cliniques particulières peuvent être observées :

  • une déminéralisation osseuse diffuse qui peut être la seule anomalie. Il s'agit de la forme myélomateuse décalcifiante diffuse (5 à 10 % des cas, difficile à différencier d'une ostéoporose commune). Cette forme justifie que l'on évoque et que l'on élimine le myélome multiple devant toute ostéoporose d'allure commune
  • des lésions ostéocondensantes (3 % des cas), s'intégrant volontiers dans le syndrome POEMS (cf. infra).

4.2 - Autres explorations par imagerie médicale (HAS, 2010)

4.2.1 - IRM

L'IRM panrachidienne et du bassin (fig. 28.4) est de plus en plus pratiquée lorsque le diagnostic de myélome est établi. Elle permet d'analyser la moelle osseuse à la rechercher d'une infiltration médullaire en l'absence de lésions sur les radiographies, notamment dans le myélome indolent. L'aspect typique de cette infiltration médullaire est décrit comme étant « poivre et sel ».

Fig. 28-4 :Aspect IRM (séquence pondérée en T1).
Hypersignal hétérogène (prise de contraste après injection de gadolinium) d'une vertèbre fracturée qui comprime la moelle thoracique.

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Elle permet en cas de symptomatologie douloureuse rachidienne de rechercher une épidurite, une compression radiculaire ou médullaire.

4.2.2 - Scanner

Le scanner (fig. 28.5) est indiqué :

  • en cas de suspicion de compression médullaire si l'IRM est contre-indiquée ;
  • en cas d'extension aux parties molles avec nécessité de biopsie guidée ;
  • en cas de lésion lytique sur un os long afin d'apprécier le risque fracturaire.


Fig. 28-5 : Image lytique en TDM avec lésion lytique de L4 touchant l'arc postérieur.
A. Coupe coronale. B. Coupe horizontale. C. Lésion costale.

Le scanner faible dose (low dose) « corps entier » tend à remplacer les radiographies du squelette dans le bilan initial car plus sensible et spécifique.
L'injection de produit de contraste iodé n'est pas indiquée dans le bilan radiologique. Elle est à éviter du fait du risque d'atteinte rénale .

4.2.3 - PET-scan

Le PET-scan est plus sensible que les radiographies standards. Il a son intérêt pour évaluer une localisation extramédullaire de la maladie, pour le bilan d'un plasmocytome couplé à l'IRM panrachidienne, et est en cours d'évaluation pour apprécier la qualité de la rémission complète quand elle survient.

4.2.4 - Scintigraphie osseuse

La scintigraphie osseuse n'a aucun intérêt : elle est le plus souvent normale ; les atteintes osseuses myélomateuses sont rarement hyperfixantes car ostéolytiques pures.

5 - Complications du myélome multiple

5.1 - Insuffisance médullaire

La prolifération plasmocytaire médullaire entraîne une raréfaction de l'hématopoïèse normale associant à des degrés divers anémie, thrombopénie, neutropénie.
L'anémie peut être liée à plusieurs mécanismes :

  • hémodilution liée à la gammapathie ;
  • insuffisance médullaire quantitative ;
  • insuffisance rénale ;
  • hémolyse liée à l'activité auto-immune de l'Ig.

L'absence de plasmocytes normaux, secondaire à l'envahissement tumoral médullaire, peut entraîner une baisse de la synthèse des Ig normales. Ainsi, en cas de myélome, on a très souvent à la fois un pic monoclonal et une hypogammaglobulinémie polyclonale.

5.2 - Complications osseuses

Il s'agit de fractures et de l'hypercalcémie. Les fractures vertébrales exposent au risque de compression médullaire et l'hypercalcémie à des complications cardiaques (troubles du rythme), neurologiques ou digestives (cf. chapitre 26).

5.3 - Infections récidivantes

L'hypogammaglobulinémie polyclonale favorise les infections bactériennes récidivantes, en particulier ORL et pulmonaires.

5.4 - Atteinte rénale

Environ 50 % des patients atteints de myélome présentent une atteinte rénale ; celle-ci est due à la production excessive de chaînes légères d'Ig monoclonales.

5.4.1 - Néphropathie tubulo-interstitielle, ou rein myélomateux

Elle est fréquente : 80 % des insuffisances rénales aiguës au cours du myélome multiple sont liées à cette tubulopathie.
Elle est le fait de l'obstruction tubulaire par des cylindres composés de l'agrégation de chaînes légères néphrotoxiques et d'une protéine, la protéine de Tamm et Horsfall, synthétisée par les cellules de la branche ascendante de l'anse de Henlé.
La précipitation des cylindres est favorisée par :

  • la déshydratation secondaire à l'hypercalcémie, aux traitements (diurétiques, chimiothérapie), aux infections ;
  • les médicaments néphrotoxiques (AINS, inhibiteurs de l'enzyme de conversion) ;
  • les produits de contraste iodés.

L'utilisation de médicaments néphrotoxiques et de produits de contraste iodés est donc formellement contre-indiquée dans le myélome .

5.4.2 - Syndrome de Fanconi

La tubulopathie de type proximal avec syndrome de Fanconi est très rare ; elle est le témoin d'une toxicité particulière des chaînes légères kappa vis-à-vis des cellules tubulaires.
Elle associe une tubulopathie avec glycosurie à glycémie normale, aminoacidurie généralisée, hypophosphatémie, acidose chronique.

5.4.3 - Insuffisance rénale aiguë fonctionnelle

L'hypercalcémie aiguë qui accompagne volontiers les myélomes avec atteinte osseuse sévère peut entraîner un syndrome polyuro-polydipsique sévère, susceptible de se compliquer d'une déshydratation extracellulaire et d'une hypovolémie. Cette hypovolémie peut se compliquer d'une insuffisance rénale fonctionnelle parfois révélatrice du myélome.

5.4.4 - Amylose AL

Sa fréquence est variable : 5 à 10 %. Elle se rencontre essentiellement dans le myélome à chaînes légères lambda. Les localisations tissulaires, rénales, cardiaques, neurologiques, synoviales, et la sémiologie clinique sont celles décrites dans l'amylose AL.
L'amylose et la maladie des dépôts se caractérisent par une protéinurie glomérulaire faite majoritairement d'albumine. L'électrophorèse des protéines urinaires permet de faire la différence avec une néphropathie tubulaire liée à la précipitation de chaînes légères. Cliniquement, le tableau associe néphropathie glomérulaire avec protéinurie, voire syndrome néphrotique.

5.4.5 - Maladie des dépôts d'immunoglobulines monoclonales

La maladie des dépôts de chaînes légères, de chaînes lourdes ou d'immunoglobuline entière est également dénommée syndrome de Randall.

6 - Évolution, pronostic et surveillance

6.1 - Évolution

À l'heure actuelle, la guérison du myélome ne peut pas être obtenue. L'objectif est d'atteindre une rémission la plus longue possible. Le traitement fait régresser la dysglobulinémie, corrige l'anémie, l'hypercalcémie, l'insuffisance rénale. L'os peut se reconstruire même si cela n'est pas le plus fréquent. Puis, la maladie évolue à nouveau.
Cependant, les progrès thérapeutiques ont permis d'allonger la survie. Chez le sujet âgé de moins de 65 ans, la survie médiane est d'environ 5 ans grâce à l'apport d'une phase de chimiothérapie à haute dose suivie d'autogreffe de cellules souches. Chez les patients plus âgés inéligibles à l'intensification suivie d'autogreffe, la survie médiane est moins bonne entre 3 et 5 ans.

6.2 - Pronostic

Différents critères de pronostic sont utilisés :

  • la classification internationale (ISS) fondée sur les taux de β2-microglobulinémie et d'albuminémie (tableau 28.2) est la classification de référence actuelle ;
  • la classification de Durie et Salmon évalue l'importance de la masse tumorale. Elle tient compte du taux d'Ig monoclonale quantifiée sur l'EPS ou l'EPU, du taux d'hémoglobine, de la calcémie, de l'existence de lésions ostéolytiques sur les radiographies, de la créatinémie ;
  • d'autres critères pronostiques (ISS-révisé) péjoratifs sont individualisés :
  • la présence d'anomalies cytogénétiques, telles que t(4 ;14), del13, del17p sur l'analyse par FISH des plasmocytes tumoraux ;
  • un taux élevé de CRP (présent exceptionnellement au diagnostic) ;
  • un taux élevé de LDH.

Tableau 28.2 : Score pronostique international (ISS 2005).

 Stade IStade IIStade III
Critères
β2-microglobuline < 3,5 mg/l
et
Albumine > 35 g/l
β2-microglobuline < 3,5 mg/l
et
Albumine < 35 g/l
ou
3,5 mg/l < β2-microglobuline < 5,5 mg/l
β2-microglobuline > 5,5 mg/l
Survie médiane
62 mois45 mois29 mois

 

6.3 - Surveillance

La surveillance est clinique et biologique. Elle a pour but d'apprécier l'efficacité et la tolérance du traitement et de dépister les rechutes du myélome.
Le traitement doit permettre d'obtenir la disparition de la douleur et l'amélioration de l'état général. L'aggravation clinique doit faire rechercher une reprise évolutive de la pathologie.
La surveillance biologique comprendra :

  • EPS, ou EPU en cas de gammapathie sécrétée ; le traitement doit entraîner la diminution du pic sur l'EPS et la disparition du composant monoclonal en immunofixation ou la disparition de la protéinurie ;
  • NFS, calcémie, créatininémie : l'objectif du traitement est de normaliser les anomalies préexistantes (anémie, hypercalcémie, insuffisance rénale) ;
  • chaînes légères sériques si myélome à chaînes légères, pauci- ou non secrétant ;
  • ± myélogramme (pour valider les critères de réponse complète).

7 - Traitement

7.1 - Traitement antitumoral

Le traitement antitumoral s'adresse aux myélomes symptomatiques (critères CRAB ou SLiM CRAB). Il a pour but de contrôler la prolifération des cellules myélomateuses.
Les traitements possibles du myélome symptomatique sont :

  • les alkylants : melphalan, cyclophosphamide ;
  • les traitements immunomodulateurs (Immunomodulatory Drugs, IMiD) :
  • thalidomide ;
  • lénalidomide ;
  • pomalidomide en rechute ;
  • les inhibiteurs du protéasome : bortézomib, carfilzomib ou ixazomib en rechute ;
  • l'immunothérapie du myélome : anti-CD38 (daratumumab) en rechute ;
  • le traitement immunomodulateur par allogreffe de cellules souches hématopoïétiques donne des résultats plus décevants que dans les leucémies aiguës. Il n'est utilisé qu'en deuxième ligne chez des sujets jeunes ayant un donneur familial ou de fichier compatible.

Le choix du traitement est adapté à l'âge (± 65 ans), au statut physiologique et aux comorbidités (fig. 28.6) ; la qualité de vie des patients doit être une priorité et ces stratégies permettent au patient de mener le plus souvent une vie normale :

  • avant 65 ans : chimiothérapie intensive par melphalan avec autogreffe ;
  • après 65 ans : pas d'autogreffe en première intention en raison de la balance bénéfice-risque défavorable.


Fig. 28-6 :Stratégie thérapeutique pour la prise en charge du myélome en première ligne.
VTD : bortézomib-thalidomide-dexaméthasone ; VRD : bortézomib-lénalidomide-dexaméthasone ; VMP : melphalanprednisone-bortézomib ; Rd : lénalidomide-dexaméthasone ; MPT : melphalan-prednisone-thalidomide.
 (D'après : Annals of Oncology 2017 ;28 (Suppl. 4):iv52–iv61.)

COFER



L'objectif thérapeutique est d'obtenir une rémission complète ou une très bonne réponse partielle définie selon les critères de l'IMWG et traduit par l'HAS en 2010. Elles sont associées à une meilleure survie sans progression.
Cette réponse thérapeutique est jugée sur la disparition des signes cliniques et la réduction des anomalies biologiques, en particulier du taux de la protéine monoclonale sérique et/ou urinaire. La réponse complète se définit par la normalisation de la moelle osseuse (< 5 %).

7.2 - Traitements satellites

7.2.1 - Traitements à visée osseuse

Les bisphosphonates réduisent l'incidence des complications osseuses (douleur, fracture, hypercalcémie) ; parallèlement, ils améliorent la qualité de vie.
On utilise préférentiellement l'acide zolédronique en perfusion mensuelle.
L'effet indésirable principal est l'ostéonécrose de la mâchoire et nécessite un bilan bucco-dentaire préalable (excepté si hypercalcémie symptomatique). Ce risque augmente de manière significative avec la durée de traitement et la dose cumulée.

7.2.2 - Radiothérapie

La radiothérapie est utilisée :

  • en cas de compression médullaire par épidurite ou d'épidurite menaçante (en urgence) ;
  • en complément d'un traitement chirurgical ;
  • en cas de douleurs osseuses persistantes (lésions lytiques non fracturées et fractures vertébrales) malgré la chimiothérapie et les bisphosphonates ;
  • devant un plasmocytome solitaire (dose éradicatrice avec pour objectif la guérison).

7.2.3 - Vertébroplastie

La cimentoplastie (introduction percutanée de ciment liquide par injection directe) ou la kyphoplastie (introduction de ciment à forte viscosité après dilatation par des ballons intravertébraux) sont particulièrement indiquées chez les patients présentant des douleurs rachidiennes avec ou sans fracture. Ils peuvent également stabiliser une lésion préfracturaire.
L'IMWG recommande la vertébroplastie :

  • en cas de douleur sévère (EVA > 7/10) ;
  • en présence d'une ou plusieurs fractures vertébrales ;
  • en cas d'ostéolyse avec risque de collapsus du corps vertébral ;
  • en l'absence de douleur sévère, la vertébroplastie est recommandée en cas de diminution significative de la hauteur, de l'intégrité structurale ou de la stabilité des corps vertébraux.

7.2.4 - Traitement chirurgical

Le traitement chirurgical peut être indiqué :

  • en cas de signes neurologiques graves (compression médullaire, syndrome de la queue de cheval par compression osseuse) ;
  • en cas de fracture périphérique (réduction et fixation) ;
  • en cas de lésion osseuse avec risque important d'instabilité ou de fracture.

7.2.5 - Autres traitements

  • Traitement en urgence d'une hypercalcémie symptomatique.
  • Prise en charge de la douleur (opiacés, radiothérapie, bisphosphonates).
  • Correction de l'anémie par érythropoïétine.
  • Mise à jour du statut vaccinal : DTPolio, vaccin antipneumococccique, vaccin antigrippal.
  • Prévention de l'atteinte rénale : contre-indication aux AINS, à l'injection de produits iodés.
  • Prévention du risque thromboembolique en cas de traitement par IMID.
  • Prévention du risque de zona par valaciclovir selon les traitements.

8 - Formes particulières

8.1 - Syndrome POEMS

Il s'agit d'un acronyme correspondant à l'association d'une :

  • Polyneuropathie périphérique sensitivomotrice ;
  • Organomégalie (hépatosplénomégalie) ;
  • Endocrinopathie (diabète, insuffisance surrénalienne) ;
  • gammapathie Monoclonale : il peut s'agir d'une MGUS (gammapathie monoclonale de signification indéterminée), d'un plasmocytome, d'un myélome multiple ;
  • atteinte cutanée (Skin disease) : dépilation, hyperpigmentation, œdèmes importants, parfois tableau d'anasarque.

Il survient surtout chez l'homme vers 50 ans. La moyenne de survie est de 165 mois. Le plus souvent s'y associe une lésion osseuse condensante, unique ou multiple.

8.2 - Plasmocytome solitaire

Il s'agit d'une lésion plasmocytaire unique, majoritairement osseuse. Le caractère unique doit être confirmé par un PET-scan. Un composant monoclonal sanguin ou urinaire peut être objectivé. Le myélogramme est normal et les examens d'imagerie ne retrouvent pas d'autres lésions osseuses. Son traitement repose sur de la radiothérapie seule. En l'absence de traitement complètement éradicateur, le plasmocytome solitaire évolue habituellement vers un myélome quelquefois sous la forme d'un plasmocytome multifocal, dont le suivi et le traitement sont les mêmes que pour un myélome multiple.

8.3 - Autres formes

 La leucémie avec plasmocytes circulants est une forme gravissime, rapidement létale.

9 - Diagnostic différentiel : autres hémopathies avec composant monoclonal

9.1 - Maladie de Waldenström

La maladie de Waldenström est définie par :

  • une prolifération lymphoplasmocytaire clonale médullaire ;
  • une lymphocytose sanguine clonale, non systématique ;
  • la sécrétion d'une immunoglobuline monoclonale de type IgM.

Elle peut associer une hypertrophie ganglionnaire, splénique ou hépatique, des signes généraux (amaigrissement, sueurs), une anémie de mécanismes divers.
L'Ig peut être responsable d'un syndrome d'hyperviscosité avec céphalées, vertiges, d'une activité auto-immune (cryoglobulinémie, anti-MAG avec neuropathie, hémolyse).

9.2 - Leucémie lymphoïde chronique

Voir l'item 318 dédié.
Il s'agit d'une prolifération monoclonale de lymphocytes B matures, de siège médullaire et sanguin. Les lymphocytes sont le plus souvent normaux morphologiquement, mais anormaux au plan fonctionnel.
  Cette pathologie se caractérise par :

  • un examen clinique longtemps normal ;
  • un syndrome tumoral associant adénopathies, splénomégalie, hépatomégalie ;
  • une hyperlymphocytose sanguine :
    – d'importance variable (> 5 G/l) ;
    – dont la clonalité est affirmée par l'immunophénotypage, lequel retrouve en plus la présence de CD5 sur les lymphocytes B leucémiques.

 Par ailleurs, il existe parfois :

  • sur la NFS : anémie ou thrombopénie ;
  • sur l'EPS : une hypogammaglobulinémie ou une immunoglobuline monoclonale, le plus souvent de type IgM (10 % des cas) ;
  • un contexte auto-immun (auto-immunisation anti-érythrocytaire).

9.3 - Autres affections

Plus rarement, l'immunoglobuline monoclonale révèle un lymphome malin non hodgkinien B ou une amylose.




Légende :

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