Polyarthrite rhumatoïde

Item 196 UE VIII


1 - Épidémiologie

La polyarthrite rhumatoïde (PR) est le plus fréquent des rhumatismes inflammatoires chroniques. Sa prévalence en population générale est de l’ordre de 0,3 à 0,8 % chez l’adulte.
Elle débute habituellement autour de 50 ans, mais elle peut survenir à tout âge, avec des formes juvéniles avant 16 ans et des formes à début tardif après 65 ans.La PR est trois fois plus fréquente chez la femme avant 60 ans, mais ce déséquilibre du sex-ratio s’atténue progressivement au-delà de cet âge.

Sa prévalence chez les apparentés du premier degré d’un patient atteint de PR est de l’ordre de 2 à 4 %, ce qui signifie en pratique que, malgré le surrisque de nature génétique et environnementale conféré par l’existence d’un antécédent familial, plus de 95 % des apparentés du premier degré d’un patient atteint de PR seront indemnes de la maladie.

 

2 - Physiopathologie

La PR est une maladie multifactorielle, de cause inconnue, impliquant :

  • des facteurs génétiques (polymorphismes de nombreux gènes tels que HLA-DRB1, PTPN22, STAT4…) ;
  • des facteurs environnementaux (tabagisme, microbiote buccal, microbiote intestinal, obésité).

Ces facteurs contribuent à une réponse immunitaire innée et adaptative incontrôlée initialement dans les muqueuses (poumon, bouche, intestin…), avec une rupture de tolérance, se traduisant par la production d’autoanticorps au premier rang desquels le facteur rhumatoïde (FR) et les autoanticorps anti-protéines citrullinées (ACPA). La réponse immunitaire deviendra ensuite systémique puis articulaire, avec l’apparition d’une réaction inflammatoire de la membrane synoviale, dénommée synovite.
À terme, cette synovite pourra être à l’origine des destructions articulaires, associant des érosions osseuses et un pincement de l’interligne articulaire signant la chondrolyse et faisant la gravité de la maladie. La figure 17.1 synthétise les principaux acteurs de la physiopathologie de la PR.

 

Fig. 17.1. Physiopathologie de la polyarthrite rhumatoïde : de la rupture de tolérance à la phase d’état.

 

Le rôle central des cellules de l’immunité (lymphocytes T et B) et des cytokines pro-inflammatoires dans la pathogénie de la PR a fait de ces cellules et de ces médiateurs intercellulaires des cibles thérapeutiques de choix avec l’arrivée des thérapies ciblées dans les années 2000 : biomédicaments ciblant spécifiquement les cytokines pro-inflammatoires (anti-TNF) ou leurs récepteurs (anti-IL-6R), les lymphocytes B (antiCD20) ou les voies de costimulation des lymphocytes T (CTLA4-Ig) ou petites molécules ciblant spécifiquement les voies de signalisation intracellulaire des récepteurs des cytokines de la réponse immunitaire ou de la réaction inflammatoire (inhibiteurs des Janus kinases, ou JAKi).

 

3 - Diagnostic de la polyarthrite rhumatoïde débutante

Le diagnostic de PR débutante repose sur les données issues de l’examen clinique et d’examens biologiques et radiographiques, complétés par un examen échographique en cas de doute sur l’existence d’une ou plusieurs synovites. Le diagnostic de PR nécessite la présence d’au moins une articulation gonflée (synovite clinique).
Le diagnostic de PR doit être aussi précoce que possible, afin d’initier, dès la confirmation diagnostique par le rhumatologue, un traitement de fond visant à obtenir et à maintenir un état de rémission ou, à défaut, de faible niveau d’activité de la maladie, permettant de prévenir les signes radiographiques, le handicap fonctionnel et les complications systémiques de l’inflammation, tout en préservant la qualité de vie et les capacités socioprofessionnelles du patient.

 

3.1 - Signes cliniques

Les signes cliniques classiques d’une PR débutante sont résumés dans le tableau 17.1.

 

Tableau 17.1.  Résumé des principaux éléments du diagnostic positif d’une polyarthrite rhumatoïde débutante.

Diagnostic positif d’une polyarthrite rhumatoïde débutante
Signes cliniques classiques
(70–80 %)
– Douleurs articulaires inflammatoires (réveils spontanés en seconde partie de nuit et raideur matinale > 30 minutes)
– Gonflements articulaires souvent responsables d’une limitation de la mobilité articulaire (fig. 17.2)
Ténosynovites : tendons extenseurs des doigts, de l’extenseur ulnaire du carpe, fléchisseurs des doigts (pouvant occasionner un syndrome du canal carpien) et fibulaires
– Atteinte préférentielle des poignets, articulations métacarpophalangiennes, interphalangiennes des doigts et articulations métatarsophalangiennes
– Les articulations interphalangiennes distales sont habituellement respectées au cours de la PR, contrairement à ce qui est observé dans le rhumatisme psoriasique, la goutte ou l’arthrose
– Topographie bilatérale et globalement symétrique
– Évolution généralement > 6 semaines (le diagnostic de PR peut cependant être posé dès que possible sans attendre 6 semaines)
Signes biologiques – Élévation inconstante de la vitesse de sédimentation globulaire
– Élévation inconstante de la protéine C-réactive
– Positivité inconstante de la recherche du facteur rhumatoïde
– Positivité inconstante de la recherche des autoanticorps anti-protéines citrullinées (ACPA)
– Liquide synovial inflammatoire
Signes d’imagerie – Sur les radiographies standards :
    • Elles sont le plus souvent normales dans la PR débutante et servent d’examen de référence
    • De façon précoce : lésions structurales à type d’érosions osseuses ou de pincements des interlignes articulaires, notamment sur :
        – les carpes
        – les articulations métacarpophalangiennes
        – les articulations interphalangiennes proximales des doigts
        – les articulations métatarsophalangiennes, en particulier en regard des têtes des cinquièmes métatarsiens (fig. 17.3)

 

Fig. 17.2.  Gonflements des articulations métacarpophalangiennes et des articulations interphalangiennes proximales de l’index et du majeur (aspect en « fuseau ») dans le cadre d’une polyarthrite débutante.

 

 D’autres formes cliniques sont possibles dans 20 à 30 % des cas :

  • forme rhizomélique, concernant principalement les hanches et les épaules, le plus souvent après 65 ans, évoquant une pseudopolyarthrite rhizomélique ;
  • forme monoarticulaire, évoquant une arthrite septique ou une arthrite microcristalline ;
  • forme palindromique, caractérisée par des poussées inflammatoires monoou oligoarticulaires, récidivantes, de périodicité variable, régressives en 2 à 3 jours, sans séquelle ;
  • forme polyarticulaire aiguë fébrile, avec une altération de l’état général évoquant un processus infectieux.

 

3.2 - Signes biologiques (cf. tableau 17.1)

3.2.1 - Syndrome inflammatoire biologique

Il existe une élévation de la CRP (et de la vitesse de sédimentation si elle est réalisée) chez la majorité des patients, cependant la présence d’un syndrome inflammatoire biologique n’est pas spécifique de la PR et son absence n’élimine pas le diagnostic.
L’hémogramme peut montrer une hyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles, une thrombocytose ou une anémie inflammatoire légère à modérée, s’intégrant dans le cadre de l’inflammation chronique.

 

3.2.2 - Recherche de facteur rhumatoïde

Le FR est une immunoglobuline le plus souvent de classe IgM, ayant une activité anticorps dirigée contre des immunoglobulines animales ou humaines de classe IgG.
La positivité du FR n’est pas spécifique de la PR et son absence n’élimine pas le diagnostic (tableau 17.2).
La positivité du FR peut être observée :

  • chez des sujets « sains », plus fréquemment chez la femme que chez l’homme, avec une fréquence croissante selon l’âge ( 5 % avant 30 ans, 5 à 10 % entre 30 et 65 ans, ≥ 10 % après 65 ans) ;
  •  au cours de maladies infectieuses bactériennes (endocardite infectieuse, syphilis), mycobactériennes (tuberculose, lèpre), virales (infections à EBV, VHC) ou parasitaires (leishmaniose), d’hémopathies lymphoïdes (maladie de Waldenström, leucémie lymphoïde chronique), de pneumoconioses (silicose, asbestose), d’hépatites chroniques (virales, auto-immunes) ou de granulomatoses (sarcoïdose).

 La détection des facteurs rhumatoïdes se fait par néphélométrie laser ou test ELISA, avec des résultats quantifiés en unités internationales et un seuil de positivité établi et validé en fonction du test utilisé.

 

Tableau 17.2.   Sensibilité et spécificité des anticorps utilisés pour le diagnostic de PR.

  Facteur rhumatoïde (FR) Autoanticorps anti-protéines citrullinées (ACPA)
Sensibilité dans la PR 60–80 % 60–75 %
Spécificité dans la PR 65–85 % 90–95 %
Prévalence dans d’autres pathologies
Maladie de Gougerot-Sjögren 50–80 % 10 %
Rhumatisme psoriasique 10 % 10 %
Lupus systémique 20–30 % 10 %
Sclérodermie systémique 10–20 % 10 %
Cryoglobulinémie mixte > 90 %  

3.2.3 - Recherche d’autoanticorps anti-protéines citrullinées

Les ACPA sont dirigés contre des protéines dont des résidus d’arginine ont été transformés en citrulline sous l’action de peptidylarginine déiminase.
La positivité des ACPA n’est pas spécifique de la PR et leur absence n’élimine pas le diagnostic (tableau 17.2).

Les ACPA sont actuellement détectés avec des tests ELISA, utilisant notamment des peptides cycliques citrullinés comme substrat, commercialisés sous le nom de test antiCCP de première, deuxième ou troisième génération (anti-CCP1, 2 ou 3), avec des résultats quantifiés en unités internationales et un seuil de positivité établi et validé en fonction du test utilisé.

Le FR et les ACPA sont habituellement présents dès les premiers signes cliniques de la maladie puisqu’il peut précéder l’apparition des signes cliniques de plusieurs mois à plusieurs années. Le FR ne se positive au cours des premières années d’évolution de la PR que chez une faible proportion de patients ( 10 %) chez qui il était initialement négatif. En cas de positivité initiale, il n’est pas utile de répéter la recherche. En cas de négativité initiale, il peut être utile de répéter la recherche une fois au cours des premières années d’évolution de la maladie.

3.2.4 - Analyse du liquide synovial

Lors de la démarche diagnostique, la ponction articulaire d’une moyenne ou d’une grosse articulation est réalisée chaque fois que possible. Elle permet une analyse cytologique, bactériologique et une recherche de cristaux.
Au cours de la PR, le liquide synovial est :

  • inflammatoire (> 2 000 leucocytes/mm3), souvent riche en cellules ;
  • avec une majorité de polynucléaires neutrophiles ;
  • stérile ;
  • sans cristaux.

 

3.3 - Signes d’imagerie (cf. tableau 17.1)

Les radiographies standards à demander systématiquement dans le cadre d’une PR débutante sont :

  • des mains et des poignets de face ;
  • des pieds de face et de trois quarts ;
  • des clichés comparatifs des autres articulations douloureuses et/ou inflammatoires de face et de profil.

Elles peuvent montrer de façon précoce des lésions structurales à type d’érosions osseuses ou des pincements des interlignes articulaires.
Les articulations les plus atteintes sont les carpes, les articulations métacarpophalangiennes, les articulations interphalangiennes proximales des doigts et les articulations métatarsophalangiennes, en particulier les cinquièmes têtes métatarsiennes (fig. 17.3).

 

Fig. 17.3.  Polyarthrite rhumatoïde : érosions osseuses et pincements.
Radiographie des mains de face : érosion de la MCP2 droite (A) et pincement des MCP2 et MCP3 bilatéral (A, B). Radiographie des pieds de face (C, D) et trois quarts (E, F) : érosion des 5es têtes métacarpiennes et de la 4e droite.

 

Une radiographie thoracique sera également réalisée (afin d’éliminer un diagnostic différentiel et avant de débuter le méthotrexate).

 Dans le cadre d’une PR débutante, il est utile de répéter les radiographies des mains, des pieds et des autres articulations inflammatoires tous les 6 mois au cours de la première année puis tous ans au cours des 3 premières années. La périodicité des contrôles est ensuite adaptée en tenant compte de l’existence ou de la progression des lésions structurales, de l’atteinte de l’objectif thérapeutique et du traitement de fond utilisé. Chez la grande majorité des patients atteignant l’objectif thérapeutique, particulièrement en cas de thérapie ciblée, il n’y aura pas de progression des lésions structurales.

Une échographie articulaire (fig. 17.4) peut être réalisée en cas de doute sur la présence d’une synovite ou d’une ténosynovite ou pour évaluer l’activité de la maladie. Elle permet de visualiser :

  • un épanchement liquidien intra-articulaire ;
  • un épaississement synovial, ou synovite, associé ou non à une hyperhémie synoviale en mode doppler couleur ou énergie, signant le caractère actif de la synovite ;
  • une ténosynovite ;
  • des érosions osseuses infra-radiographiques.

 

Fig. 17.4.  Échographie-doppler de la face dorsale du poignet.
On voit sur cette image une synovite hypoéchogène (*), avec positivité du doppler traduisant l’existence d’une hypervascularisation de la membrane synoviale.
R : radius ; L : lunatum ; C : capitatum ; E : tendons du muscle extenseur des doigts.

 

3.4 - Critères de classification de la maladie

 Des critères de classification de la PR (fig. 17.5) ont été établis en 2010 de façon collégiale par des rhumatologues européens et américains à partir de cohortes de patients et de cas patients atteints d’arthrites débutantes. Ils peuvent aider le clinicien pour le diagnostic de PR débutante et rappellent la démarche diagnostique qui commence par la présence d’un gonflement articulaire clinique et l’absence de diagnostic différentiel. On notera qu’une durée d’évolution supérieure à 6 semaines rajoute un point supplémentaire mais n’est pas indispensable au diagnostic.

 

Fig. 17.5.  Critères de classification 2010 de la polyarthrite rhumatoïde (PR) selon les Collèges européen et américain de rhumatologie.
Source : Gaujoux-Viala C, Gossec L, Cantagrel A, et al. Recommandations de la Société française de rhumatologie pour la prise en charge de la polyarthrite rhumatoïde. Rev Rhum 2014;81:303–12.

 

3.5 - Paramètres d’évaluation de l’activité et niveaux d’activité (encadré 17.1)

Le recueil systématique des paramètres d’évaluation dans le suivi permet une quantification initiale et un suivi standardisé de l’évolution de l’activité de la maladie, reposant sur un score validé d’activité de la maladie dénommé DAS28 (Disease Activity Score).
Les articulations incluses dans ce score sont : 2 épaules, 2 coudes, 2 poignets, 10 métacarpophalangiennes, 10 interphalangiennes proximales des doigts et 2 genoux.

 

Encadré 17.1. Paramètres d’évaluation de l’activité de la PR pris en compte pour le calcul du DAS28

3.5.0.1 - Paramètres d’évaluation de l’activité de la PR pris en compte pour le calcul du DAS28
  • Décompte du nombre d’articulations douloureuses sur 28 articulations.
  • Décompte du nombre d’articulations gonflées sur 28 articulations.
  • Mesure de l’appréciation globale de la maladie par le patient (EVA).
  • Mesure de la vitesse de sédimentation globulaire et/ou de la protéine C-réactive.
3.5.0.2 - Niveaux d’activité de la PR définis à partir du résultat du calcul du DAS28
  • PR en rémission : DAS28 2,6.
  • PR en faible niveau d’activité : 2,6 ≤ DAS28 ≤ 3,2.
  • PR modérément active : 3,2 DAS28 ≤ 5,1.
  • PR très active : DAS28 > 5,1.

D’après : Daien C, Hua C, Gaujoux-Viala C, et al. Actualisation des Recommandations de la Société française de rhumatologie pour la prise en charge de la polyarthrite rhumatoïde. Rev Rhum 2019;86:8–24.

Attention, d’autres paramètres sont également à évaluer en dehors de ce score :

  • atteinte des pieds ;
  • durée de la raideur matinale ;
  • réveils nocturnes ;
  • EVA douleur.

 

3.6 - Facteurs pronostiques de sévérité de la maladie (encadré 17.2)

Au sein du faisceau d’arguments cliniques, biologiques et d’imagerie permettant au rhumatologue d’établir le diagnostic de PR, la présence et la précocité d’un ou plusieurs des éléments suivants constituent des facteurs pronostiques de sévérité structurale, fonctionnelle et/ou globale.

 

Encadré 17.2. Facteurs pronostiques de sévérité structurale, fonctionnelle et/ou globale d’une polyarthrite rhumatoïde

  • Maladie active définie par un score DAS28 > 3,2 de façon persistante.
  • Syndrome inflammatoire biologique marqué.
  • Positivité du FR et/ou des ACPA, surtout si > 3 N.
  • Présence d’érosions sur les radiographies standards.
  • Handicap fonctionnel défini par un score HAQ > 0,5.
  • Présence de manifestations extra-articulaires ou systémiques.
  • Présence de comorbidités cardiovasculaires, tumorales ou infectieuses.

HAQ : Health Assessment Questionnaire, questionnaire d’incapacité fonctionnelle spécifique de la PR, portant sur huit domaines d’activité de la vie quotidienne, coté de 0 à 3, un score de 0 correspondant à l’absence d’incapacité et un score de 3 correspondant à une incapacité maximale.

 

3.7 - Éléments du diagnostic différentiel (cf. tableau 17.1)

Les critères de classification de la PR soulignent la nécessité de s’assurer que les gonflements articulaires ne sont pas expliqués par une autre maladie.

L’interrogatoire et l’examen physique sont essentiels pour rechercher des manifestations extra-articulaires pouvant orienter vers ces diverses affections, pouvant être révélées par des arthrites périphériques.

Il convient notamment d’écarter les arthropathies infectieuses (item 156), les arthrites microcristallines (item 198), le rhumatisme psoriasique (item 117) et les autres formes péri-

phériques de spondyloarthrites (item 197), les connectivites dont la maladie de GougerotSjögren (item 192), le lupus systémique (item 194) et la sclérodermie systémique, ainsi que certaines vascularites (item 193), granulomatoses et maladies auto-inflammatoires à expression articulaire.

Un certain nombre d’examens complémentaires sont utiles dans le cadre du diagnostic différentiel :

  • un hémogramme, à la recherche d’une leuconeutropénie ou d’une lymphopénie orientant vers un lupus systémique ou une maladie de Gougerot-Sjögren, une thrombopénie orientant vers un lupus systémique ;
  • une recherche de protéinurie et d’hématurie (bandelette urinaire) et un dosage de créatininémie évoquant une néphropathie, orientant vers une connectivite ou une vascularite ;
  • un dosage des ASAT et des ALAT, dont l’élévation oriente vers une hépatite virale, une hépatite auto-immune, une hépatite associée à certaines connectivites, vascularites, granulomatoses ou maladies auto-inflammatoires ;
  • une recherche d’anticorps antinucléaires, dont la positivité conduit à la recherche d’anticorps anti-ADN ou d’anticorps anti-ENA, dont la présence oriente vers un lupus systémique ou une autre connectivite ; cependant, les anticorps antinucléaires sont présents dans 30 % des cas avec un titre faible ;
  • une ponction articulaire avec analyse cytologique, bactériologique et recherche de cristaux permettant d’éliminer une arthrite septique ou une arthrite microcristalline ;
  • une radiographie du thorax à la recherche d’anomalies pleuropulmonaires ou médiastinales pouvant orienter vers une sclérodermie systémique, une sarcoïdose ou une pathologie infectieuse, telle que la tuberculose.

4 - Manifestations de la polyarthrite rhumatoïde à la phase d’état

 La précocité du diagnostic et de l’initiation d’un traitement de fond synthétique conventionnel (csDMARD) puis, si nécessaire, d’un traitement de fond ciblé, visant à obtenir et à maintenir un état de rémission ou, à défaut, de faible niveau d’activité de la maladie, ont non seulement pour objectifs de prévenir les manifestations ostéoarticulaires de la phase d’état, mais aussi de diminuer l’incidence et la sévérité des manifestations extraarticulaires ou systémiques et de préserver l’espérance de vie des patients, habituellement menacée par les comorbidités cardiovasculaires, infectieuses ou tumorales.
Actuellement, les tableaux décrits ci-dessous ne devraient donc plus se voir chez un patient débutant une PR.

 

5 - Manifestations ostéoarticulaires

Les gonflements articulaires, initialement réversibles, traduisant la présence d’une synovite et/ou d’un épanchement liquidien intra-articulaire, peuvent évoluer, en l’absence de prise en charge thérapeutique efficace, vers des déformations ostéoarticulaires irréversibles, traduisant les lésions des structures capsuloligamentaires et ostéocartilagineuses. Ces déformations sont plus rares à l’heure actuelle grâce aux avancées thérapeutiques de ces dernières années.
L’ensemble des articulations périphériques peuvent être touchées, ainsi que le rachis cervical au niveau C1-C2, la PR respectant le rachis thoraco-lombaire et les sacroiliaques.
L’atteinte des mains est la plus fréquente et la plus précoce.
Parmi les déformations caractéristiques des doigts, on citera notamment :

  • la déviation ulnaire en « coup de vent » (fig. 17.6) ;
  • la déformation en « col de cygne » (flexion de l’articulation métacarpophalangiennes, hyperextension de l’interphalangienne proximale et flexion de l’interphalangienne distale), touchant préférentiellement l’index et le majeur ;
  • la déformation en « maillet » ou en « marteau » (flexion de l’interphalangienne distale) ;
  • la déformation du pouce en « Z » traduisant l’arthrite métacarpophalangiennes ou en pouce adductus traduisant l’arthrite trapézométacarpienne. Cependant cet aspect n’est pas spécifique de la PR.

 

Fig. 17.6.  Polyarthrite rhumatoïde établie avec atteinte des doigts.

 

Déformations élémentaires ; « coup de vent » ulnaire des doigts (secondaire à une déviation radiale du poignet et à un subluxation-dislocation des MCP).

Parmi les déformations caractéristiques de l’avant-pied, on citera notamment un avantpied triangulaire, combinant hallux valgus, « coup de vent » fibulaire des orteils et quintus varus (fig. 17.7).
Ces déformations ostéoarticulaires et ces lésions cutanées se compliquent fréquemment d’ulcérations cutanées, constituant des portes d’entrée infectieuses potentielles (fig. 17.7).

 

Fig. 17.7.  Polyarthrite rhumatoïde établie avec atteinte de l’avant-pied.

 

Avant-pied triangulaire combinant un hallux valgus, un « coup de vent » fibulaire des orteils et un quintus varus, avec une hyperextension de la première phalange, des signes d’hyperkératose et une ulcération de la face dorsale de l’articulation interphalangienne du deuxième orteil.

5.1 - Manifestations extra-articulaires ou systémiques et comorbidités

Les manifestations extra-articulaires de la PR traduisent le caractère systémique de la maladie. Elles sont inconstantes, constituant un facteur pronostique de sévérité de la maladie et pouvant parfois menacer le pronostic vital.

Le tableau 17.3 résume les principales atteintes extra-articulaires et comorbidités que l’on peut retrouver à la phase d’état.

 

Tableau 17.3.  Atteintes extra-articulaires et comorbidités de la polyarthrite rhumatoïde en phase d’état.

Domaine Atteintes principales
Manifestations extra-articulaires
Signes généraux Fébrile
Asthénie
Trouble du sommeil
Adénopathies superficielles
Syndrome sec
Nodules rhumatoïdes Sous-cutanés, pleuropulmonaires…
Atteintes pleuropulmonaires Pneumopathies interstitielles diffuses des nodules rhumatoïdes
Pleurésies rhumatoïdes
Bronchiolites
Pneumopathies organisées
Autres (rares à très rares) Cardiovasculaires : péricardites, myocardites
Cutané : vascularite rhumatoïde
Ophtalmologique : sclérite, épisclérite, scléromalacie perforante
Hématologique : syndrome de Felty, leucémie à grands lymphocytes granuleux
Comorbidités
Cardiovasculaires Infarctus du myocarde, accidents vasculaires cérébraux
Cancers Sur risque de lymphome (PR active et sévère) et de cancers pulmonaires (tabagisme)
Infections Liées à la maladie mais aussi iatrogène (corticothérapie et traitements de fond)
Osseuses Ostéoporose, liée à l’inflammation systémique mais aussi iatrogène (corticothérapie)

 

5.1.1 - Manifestations extra-articulaires

Signes généraux

  • Une fébricule et un amaigrissement sont possibles à l’occasion des poussées de la maladie.
  • L’asthénie est fréquente, d’origine multifactorielle, traduisant l’impact systémique des cytokines pro-inflammatoires.
  • Les troubles du sommeil occasionnés par les douleurs articulaires, l’existence d’une éventuelle anémie inflammatoire et le retentissement psychologique de la maladie.
  • Des adénopathies superficielles, mobiles, de petite taille, sont retrouvées chez 20 à 30 % des patients.
  • Syndrome sec oculo-buccal : un syndrome de Sjögren secondaire est retrouvé chez 10 à 30 % des patients atteints de PR, souvent révélé par des signes de xérophtalmie.

 

Nodules rhumatoïdes

Les nodules rhumatoïdes concernent 10 à 20 % des patients, apparaissant souvent après quelques années d’évolution de la maladie, le plus souvent chez des PR avec positivité du FR et/ou des ACPA.
Il s’agit de nodules sous-cutanés, fermes, indolores, le plus souvent mobiles, parfois fixes, siégeant souvent sur la face d’extension des membres : dans la région olécrânienne, parfois au sein d’une bursite rétro-olécrânienne, à la face postérieure de l’avantbras en regard de la crête ulnaire, à la face dorsale et plus rarement palmaire des doigts, en regard du tendon calcanéen ou aux pieds (fig. 17.8).
 Des localisations viscérales sont possibles, essentiellement pleuropulmonaires, exceptionnellement sur d’autres sites (œil, larynx, valve cardiaque…). Ces nodules évoluent habituellement indépendamment de l’activité de la PR, pouvant grossir, s’ulcérer ou régresser spontanément, parfois améliorés ou au contraire majorés par certains traitements de fond, tels que le méthotrexate. 
Histologiquement, les nodules rhumatoïdes sont des lésions hypodermiques profondes, constituées d’une nécrose fibrinoïde collagénique éosinophile, avec un infiltrat histiocytaire palissadique souvent associé à des cellules géantes, bordé d’une zone de fibrose accompagnée d’une hypervascularisation et d’un infiltrat cellulaire polymorphe.

 

Fig. 17.8.  Nodules rhumatoïdes en regard de la crête ulnaire illustrant une des manifestations extra-articulaires de la PR à la phase d’état.

 

5.1.2 - Manifestations pleuropulmonaires

 L’incidence des manifestations pleuropulmonaires de la PR est sous-estimée car elles sont souvent asymptomatiques, mal visualisées par le cliché thoracique systématiquement réalisé au début de la maladie, révélant des anomalies dans moins de 10 % des cas, bien visualisées par la réalisation d’un scanner thoracique haute résolution chez les patients symptomatiques (toux, dyspnée, anomalies auscultatoires) montrant des anomalies dans 20 à 50 % des cas.
Ces manifestations pleuropulmonaires comportent :

  • les nodules rhumatoïdes ;
  • les pleurésies rhumatoïdes ;
  • les bronchiolites ;
  • les pneumopathies organisées ;
  • et surtout les pneumopathies interstitielles diffuses.

Les pneumopathies interstitielles diffuses constituent la manifestation pleuropulmonaire la plus fréquente, notamment chez les hommes, tabagiques, avec une PR nodulaire et une forte positivité du FR et surtout des ACPA. Les pneumopathies interstitielles non spécifiques et les pneumopathies interstitielles communes en sont les deux principaux types (fig. 17.9). Elles restent longtemps asymptomatiques. Elles sont potentiellement sévères, associées à la surmortalité, à la diminution de l’espérance de vie de la PR. Il est donc nécessaire, lors du suivi d’un patient atteint de PR, de rechercher des symptômes évocateurs d’une atteinte pulmonaire, qui justifieraient la réalisation d’un scanner thoracique haute résolution.

 On citera pour mémoire le syndrome de Caplan-Colinet, caractérisé par l’association d’une PR et d’une pneumoconiose, en relation avec l’exposition à la poussière de silice.

 

Fig. 17.9.  Pneumopathie interstitielle diffuse illustrant une des manifestations extraarticulaires graves de la polyarthrite rhumatoïde à la phase d’état.
A. Pneumonie interstitielle commune. B. Pneumonie interstitielle non spécifique.

 

5.1.3 - Comorbidités

Complications cardiovasculaires

 La PR est surtout associée à une augmentation de la morbi-mortalité cardiovasculaire, avec un surrisque de maladie coronarienne ou d’accident vasculaire cérébral de l’ordre de 50 % comparativement à la population générale, comparable à celui observé au cours du diabète de type 2. Cette augmentation de la morbi-mortalité cardiovasculaire traduit d’une part la surreprésentation de certains facteurs de risque cardiovasculaire traditionnels (tabagisme et diabète de type 2 notamment), d’autre part les conséquences cardiovasculaires de l’inflammation chronique se traduisant par une athérosclérose accélérée, enfin l’impact cardiovasculaire péjoratif de la corticothérapie générale.
Elle impose d’évaluer et de contrôler au mieux les facteurs de risque cardiovasculaire traditionnels par un dépistage régulier. La PR est considérée comme un facteur de risque cardiovasculaire indépendant. La rémission ou de faibles niveaux d’activité de la maladie permettent de réduire le risque cardiovasculaire.

Cancers

La PR est associée à un surrisque de lymphomes, qui seraient deux fois plus fréquents que dans la population générale. Le risque de lymphome concerne particulièrement les PR les plus actives et les plus sévères. Il s’agit principalement de lymphomes malins non hodgkiniens, de localisation ganglionnaire ou extraganglionnaire, développés à partir de cellules B matures (lymphomes diffus à grandes cellules B).
Le risque de cancers bronchopulmonaires semble plus élevé dans la PR que dans la population générale, vraisemblablement en raison d’une plus grande prévalence du tabagisme.

Infections

La PR est associée à une augmentation du risque d’infections, en relation avec la maladie mais aussi avec l’utilisation des csDMARD, des glucocorticoïdes et des traitements ciblés. La plupart des infections sont des infections bénignes, concernant principalement les voies aériennes supérieures, les voies urinaires et le revêtement cutané. Le risque d’infections sévères est majoré chez les patients traités par traitements ciblés comparativement à ceux recevant uniquement des csDMARD. Ce surrisque infectieux impose une évaluation individuelle du risque infectieux avant toute décision thérapeutique, une mise à jour systématique des vaccinations conformément au calendrier vaccinal, ainsi que des mesures de prévention spécifiques telles qu’une antibioprophylaxie antituberculeuse chez les patients à risque de tuberculose avant l’initiation d’un biomédicament.

Ostéoporose

La PR est associée à un risque accru d’ostéoporose, liée à la fois à l’inflammation systémique et à l’utilisation de corticoïdes.

 

5.2 - Mortalité

 La diminution de l’espérance de vie des patients atteints de PR serait en moyenne de 5 à 10 ans par rapport à la population générale, particulièrement chez les patients ayant les formes les plus actives et les plus sévères de la maladie. Cette surmortalité s’explique en premier lieu par l’augmentation du risque cardiovasculaire, puis des infections et des cancers. Enfin, la présence d’une pneumopathie interstitielle grève également le pronostic vital.
Les stratégies thérapeutiques actuelles, visant la rémission, faisant appel à des combinaisons de csDMARD (notamment le méthotrexate) et de traitements ciblés (notamment les anti-TNF) pourraient permettre une diminution de la surmortalité, notamment cardiovasculaire, chez les patients répondeurs comme cela a été suggéré dans certains registres de patients atteints de PR.

6 - Prise en charge thérapeutique

 Le rhumatologue coordonne la prise en charge thérapeutique des patients atteints de PR et en assure le suivi conjointement avec le médecin généraliste, qui joue un rôle central dans la coordination du parcours personnalisé de soins et dans la prise en charge des comorbidités.
Une prise en charge globale et multidisciplinaire doit être proposée au patient atteint de PR par le rhumatologue, intégrant traitements médicamenteux et thérapeutiques non médicamenteuses, adaptées individuellement à chaque patient, avec :

  • un ou des traitement(s) de fond ;
  • un ou des traitement(s) symptomatique(s) ;
  • l’éducation thérapeutique du patient ;
  • un dépistage des comorbidités (cardiologiques, infectieuses, pulmonaires, ostéoporose, cancers), qui pourra se faire avec les spécialistes concernés ;
  • si nécessaire :
    – des soins physiques et de la réadaptation fonctionnelle (médecin rééducateur, kinésithérapeute, pédicure-podologue) ;
    – un aménagement de l’environnement personnel (ergothérapeute) ;
    – un aménagement du poste de travail (médecin du travail) ;
    – une prise en charge psychologique (psychiatre, psychologue) ;
    – une prise en charge diététique (diététicienne).
    – une prise en charge chirurgicale (chirurgien orthopédiste, neurochirurgien).

6.1 - Annonce du diagnostic et information du patient

Le rhumatologue doit prendre le temps nécessaire pour délivrer l’information au patient à un rythme et sous une forme adaptée à sa capacité à recevoir et à assimiler cette information.
L’information sur la prise en charge thérapeutique doit être aussi complète que possible et insister sur le rapport bénéfice-risque du traitement médicamenteux et sur l’importance de l’observance du traitement prescrit.

Elle comporte notamment :

  • l’information sur la maladie ;
  • les différentes modalités évolutives possibles ;
  • les progrès réalisés avec les stratégies thérapeutiques actuelles ;
  • l’efficacité et la tolérance des traitements ;
  • l’importance de l’observance du traitement prescrit ;
  • la nécessité de réaliser régulièrement les examens cliniques, biologiques et d’imagerie nécessaires au suivi ;
  • la possibilité d’entrer en contact avec les associations de patients ;
  • les formalités de demande d’exonération du ticket modérateur au titre d’affection de longue durée (fait partie de la liste des ALD30).

L’adhésion thérapeutique du patient est recherchée après lui avoir expliqué le rapport bénéfice-risque du traitement de fond et/ou de la corticothérapie et/ou du traitement symptomatique.
Les autres acteurs médicaux, paramédicaux, sociaux peuvent être présentés si le contexte clinique et socioprofessionnel le justifie.
Il est recommandé d’informer le médecin généraliste, les autres médecins spécialistes et les autres professionnels de santé concernés, afin d’organiser le suivi conjoint du patient. L’information doit porter sur le diagnostic et les modalités de prise en charge médicale et globale du patient.

 

6.2 - Objectifs de la prise en charge thérapeutique et du suivi

Objectifs de la prise en charge thérapeutique

  • Atteindre l’objectif de rémission (DAS28 2,6) ou, en cas de PR sévère, ancienne ou en présence de nombreuses comorbidités, de faible niveau d’activité (DAS28 ≤ 3,2) de la maladie.
  • Prévenir les lésions structurales.
  • Prévenir le handicap fonctionnel.
  • Prendre en charge les manifestations extra-articulaires ou systémiques.
  • Prévenir les comorbidités.
  • Préserver la qualité de vie du patient.
  • Préserver les capacités socioprofessionnelles du patient.
  • Préserver l’espérance de vie du patient.

Par ailleurs, ces objectifs doivent être maintenus en l’absence de corticothérapie. 

Un suivi serré et un traitement jusqu’à la cible (« tight control » & « treat to target »)

Le suivi du patient doit être fréquent (1 à 3 mois) tant que la maladie est active. S’il n’y a pas d’amélioration dans les 3 mois suivant le début du traitement de fond ou si l’objectif thérapeutique n’a pas été atteint à 6 mois, il faut réaliser un ajustement thérapeutique (initiation d’un traitement de fond de deuxième ligne en monothérapie ou combiné au méthotrexate, initiation ou ajustement d’une corticothérapie générale à faible dose, réalisation d’infiltrations intra-articulaires de glucocorticoïdes, ajustement du traitement symptomatique par AINS et/ou antalgiques).

6.3 - Traitements de fond de première ligne

Il est recommandé d’instaurer le plus précocement possible un traitement de fond chez un patient ayant une polyarthrite persistante dont le diagnostic de PR a été confirmé par un rhumatologue (fig. 17.10). Le traitement de fond vise à prévenir l’évolution de la maladie, les lésions structurales et le handicap. Il a néanmoins un délai d’action de plusieurs semaines. Ainsi, son efficacité sera évaluée 2 à 3 mois après son initiation.
En première intention, en l’absence de contre-indication et en tenant compte des mises en garde spéciales et précautions d’emploi, il est recommandé d’initier un traitement de fond par méthotrexate, qui est le csDMARD de référence dans la PR (encadré 17.3).

 

Fig. 17.10.  Algorithme de prise en charge de la PR selon les recommandations de 2018 de la Société française de rhumatologie.
Source : Daien C, Hua C, Gaujoux-Viala C, et al. Update of French Society for Rheumatology Recommendations for Managing Rheumatoid Arthritis. Joint Bone Spine 2019;86(2):135–50.

 

Encadré 17.3. Modalités d’instauration et de surveillance du méthotrexate dans la polyarthrite rhumatoïde

Place du méthotrexate dans la stratégie thérapeutique de la PR

 Traitement de fond synthétique conventionnel (csDMARD) de première ligne chez les patients ayant une PR active.

Principales contre-indications du méthotrexate

  • Hypersensibilité au principe actif ou à l’un des excipients.
  • Troubles sévères de la fonction hépatique.
  • Alcoolisme.
  • Troubles sévères de la fonction rénale (clairance de la créatinine inférieure à 20 ml/min).
  • Dyscrasies sanguines préexistantes telles qu’hypoplasie médullaire, leucopénie, thrombopénie ou anémie sévère.
  • Infections graves, aiguës ou chroniques telles que tuberculose, infection par le VIH ou autres syndromes d’immunodéficience.
  • Grossesse, allaitement.

Examens et mesures de sécurité recommandés avant l’instauration ou la réintroduction du méthotrexate

  • NFS-plaquettes, enzymes hépatiques, bilirubine, albuminémie et évaluation de la fonction rénale.
  • Radiographie thoracique.
  • Examens pour exclure une hépatite (notamment sérologies VHB et VHC) si cela est cliniquement justifié.

Posologie et mode d’administration

  • Habituellement initié par voie orale, à une posologie de 10 à 15 mg par semaine.
  • Administré en une prise, un jour par semaine, à préciser sur l’ordonnance.
  • Augmentation de dose de 5 mg par semaine toutes les 2 à 4 semaines, jusqu’à une dose optimale de l’ordre de 0,3 mg/kg par semaine, comprise entre 15 et 25 mg par semaine, atteinte en 4 à 8 semaines.
  • Voie sous-cutanée habituellement proposée en cas d’insuffisance de réponse ou de symptômes d’intolérance digestive à la voie orale.
  • Supplémentation en folates d’au moins 5 mg par semaine, administrée par voie orale 24 à 48 heures après le méthotrexate.

Examens et mesures de sécurité recommandés pendant le traitement (surveillance mensuelle durant les 3 premiers mois, puis toutes 4 à 12 semaines)

  • NFS-plaquettes, enzymes hépatiques et évaluation de la fonction rénale.
  • Évaluation de l’appareil respiratoire avec interruption du traitement en cas de fièvre, toux, dyspnée, hypoxie et/ou infiltrat à la radiographie thoracique, impliquant la réalisation d’investigations complémentaires (TDM thoracique, LBA…) pour exclure une pneumopathie immuno-allergique interstitielle aiguë, parfois grave.
  • Nécessité d’un moyen de contraception efficace pendant le traitement chez les femmes en âge de procréer.
  • Risque de toxicité accru en cas d’administration concomitante de nombreux médicaments (sulfamides, triméthoprime-sulfaméthoxazole, salicylés, hypoglycémiants, diurétiques, sulfamides, diphénylhydantoïnes, tétracyclines, chloramphénicol, anti-inflammatoires, probénécide, acides organiques faibles, pyrazolés, chloramphénicol et pyriméthamine…).

 

 Le méthotrexate a démontré son efficacité sur le contrôle de l’activité de la maladie et sa capacité à réduire la progression des lésions structurales dans la PR. Il a été utilisé comme traitement de référence et combiné aux bDMARD ou aux JAKi dans le cadre du développement de ces agents thérapeutiques dans la PR. Il a démontré un impact positif sur la réduction de la surmortalité globale et cardiovasculaire des patients atteints de PR. Sa tolérance est relativement bonne. Son coût est modéré.
D’autres traitements de fond, ayant fait la preuve de leur efficacité sur le contrôle de l’activité de la maladie et la réduction de la progression des lésions structurales dans la PR, peuvent être proposés en alternative au méthotrexate, en cas de contre-indication, de précaution d’emploi ou d’intolérance précoce au méthotrexate (cf. fig. 17.10) :

  • le léflunomide à la posologie de 20 mg par jour ;
  • la sulfasalazine à la posologie initiale de 1 g par jour, en augmentant par paliers hebdomadaires jusqu’à 2 à 3 g par jour.

6.4 - Traitements de fond de deuxième ligne et lignes ultérieures

 Chez les patients insuffisamment répondeurs ou intolérants au méthotrexate (cf. fig. 17.10) :

  • en l’absence de facteurs de mauvais pronostic (atteinte ou progression structurale, activité clinique et/ou biologique élevée, taux élevés de FR et ACPA), une combinaison de csDMARD (méthotrexate, sulfasalazine, hydroxychloroquine) ou bien une rotation pour un autre csDMARD (léflunomide, sulfasalazine) peut être proposée. En cas d’inefficacité, d’intolérance ou de contre-indication, un bDMARD doit être envisagé ;
  • en présence de facteurs de mauvais pronostic (atteinte ou progression structurale, activité clinique et/ou biologique élevée, taux élevé des FR et ACPA), l’addition d’un traitement de fond ciblé biologique (bDMARD) ou synthétique (JAKi) peut être proposée.

Les bDMARD ayant l’autorisation de mise sur le marché (AMM) dès la deuxième ligne ou en lignes ultérieures sont les anti-TNF  adalimumab, certolizumab pégol, étanercept, golimumab, infliximab ) les anti-IL-6R  sarilumab et tocilizumab )  et le CTLA4-Ig (abatacept), alors que l’anti-CD20  rituximab)  a une AMM dès la deuxième ligne. Les JAKi ayant l’AMM dès la deuxième ligne ou en lignes ultérieures sont des inhibiteurs sélectifs et réversibles de JAK1/JAK2 (  baricitinib)  ou JAK1/JAK3 (  tofacitinib ) ou JAK1  upadacitinib, filgotinib).
 Les bDMARD et les JAKi doivent préférentiellement être associés au méthotrexate et leur utilisation en monothérapie doit être réservée aux situations d’intolérance au méthotrexate ou lorsque la poursuite du traitement par méthotrexate est inadaptée (tableau 17.2).

6.5 - Traitements symptomatiques

 Les traitements symptomatiques visent à soulager rapidement les symptômes en attendant que le traitement de fond soit efficace.

Anti-inflammatoires non stéroïdiens

Les AINS sont des traitements symptomatiques utiles par leurs effets anti-inflammatoire et antalgique : diminution des douleurs et des gonflements articulaires, pas d’impact significatif sur CRP (et VS), pas d’impact sur la progression des lésions radiographiques. La prescription d’un AINS chez un patient atteint de PR ne doit pas déroger aux règles de bon usage des AINS (cf. item 330 au chapitre 29).

Glucocorticoïdes par voie générale ou locale

Dans l’attente de l’efficacité du traitement de fond, une corticothérapie à faible dose peut être proposée, sur une période de moins de 6 mois. Cette corticothérapie est habituellement prescrite par voie orale, en monoprise matinale, faisant appel à de la prednisone, de la prednisolone ou de la méthylprednisolone. La posologie initiale se situe habituellement autour de 10 mg par jour d’équivalent prednisone, avec une diminution aussi rapide que possible, jusqu’à l’obtention de la dose minimale efficace se situant autour de 5 mg par jour d’équivalent prednisone, en vue d’un sevrage dans les 3 à 6 mois, dès que la PR est contrôlée par le traitement de fond.
La décision d’initier une corticothérapie générale nécessite l’évaluation individuelle de la balance bénéfice-risque chez chaque patient et la prévention des effets indésirables en particulier cardiovasculaires (dépistage et prise en charge des facteurs de risque cardiovasculaire traditionnels) et osseux (évaluation du risque fracturaire et traitement antiostéoporotique).
Les infiltrations intra-articulaires de corticoïdes constituent une alternative à l’initiation d’une corticothérapie par voie orale, tout en améliorant localement les symptômes de l’inflammation articulaire, avec moins d’effets secondaires à long terme au vu d’une plus faible dose cumulée.  Les produits retard sont préférés, notamment l’hexacétonide de triamcinolone.

 

6.6 - Soins physiques, réadaptation fonctionnelle et traitement chirurgical

6.6.1 - Soins physiques et réadaptation fonctionnelle

 La réadaptation fonctionnelle fait partie intégrante du traitement de la PR, en complément du traitement médicamenteux. Les indications de la réadaptation fonctionnelle concernent plus la PR établie que dans les formes débutantes de la maladie qui ont été transformées par les avancées thérapeutiques médicamenteuses.
Elle a pour objectifs de limiter ou de prévenir les déformations, d’entretenir et d’améliorer la trophicité musculaire, la mobilité articulaire et de lutter contre l’enraidissement. Elle comporte l’éducation du malade et la rééducation proprement dite. Dans certaines formes sévères, elle sera complétée par la réalisation d’appareillages (orthèses de repos et de correction pour les mains, les genoux, les chevilles, orthèses plantaires).

Traitement chirurgical

La chirurgie faisait partie intégrante du traitement de la PR, en complément du traitement médicamenteux. Ses indications sont moins fréquentes à l’heure actuelle qu’elles ne l’étaient avant les avancées thérapeutiques médicamenteuses. Elles sont discutées avec le patient, idéalement dans le cadre de consultations médico-chirurgicales réunissant le rhumatologue et le chirurgien orthopédiste. Il s’agit d’une chirurgie fonctionnelle visant à rétablir une fonction défaillante et à apporter l’indolence.
Les synovectomies et les ténosynovectomies (poignets), les arthrodèses (poignets, arrière-pieds) et les arthroplasties prothétiques (épaules, coudes, hanches, genoux) sont les interventions chirurgicales les plus utilisées.

6.7 - Gestion de la rémission persistante

 En cas de rémission persistante, sur une période d’au moins 6 mois, on peut envisager un allégement thérapeutique progressif.
Nous rappelons que la corticothérapie orale devra être progressivement diminuée et arrêtée au maximum dans les 6 mois suivant son initiation et ceci, donc, avant toute décroissance des traitements de fond.
Toute décision de décroissance du traitement de fond doit être prise dans le cadre d’une décision médicale partagée avec le patient. Une stratégie de décroissance du traitement ciblé (réduction de dose ou espacement des injections) ou du traitement de fond conventionnel (csDMARD) est préférable à une tentative d’arrêt brutal, qui expose à un risque de reprise évolutive de la PR, pouvant s’accompagner d’une progression des lésions structurales.

7 - Paramètres du suivi

  Au cours de la première année de la PR et jusqu’à l’atteinte de l’objectif de rémission ou de faible niveau d’activité de la maladie, on peut recommander une évaluation tous les 1 à 3 mois. Au-delà de la première année de la PR et lorsque l’objectif est atteint de façon persistante, on peut recommander une évaluation tous les 3 à 6 mois. 

Le suivi clinique des patients doit comporter l’évaluation systématique :

  • de l’activité de la maladie en recueillant les paramètres cliniques et biologiques permettant le calcul du DAS28, afin de s’assurer de l’efficacité de la stratégie thérapeutique en cours ;
  • des paramètres de tolérance des traitements de fond, des glucocorticoïdes et des AINS, en adéquation avec les résumés des caractéristiques des produits, en prenant en compte le terrain et les comorbidités du patient ;
  • de l’état général du patient ;
  • d’éventuelles manifestations extra-articulaires ou systémiques ; avec notamment la recherche systématique de symptômes pulmonaires qui devraient faire rechercher une pneumopathie interstitielle ;
  • d’éventuelles comorbidités, notamment cardiovasculaires, tumorales ou infectieuses.

Le suivi biologique du patient contribue à l’évaluation de l’activité de la maladie, au dépistage ou au suivi de certains événements indésirables induits par les traitements de la PR, au dépistage ou au suivi de certaines manifestations extra-articulaires et de certaines comorbidités. Il comporte notamment des contrôles réguliers :

  • de la CRP (voire de la VS) (activité de la maladie, certains événements indésirables, certaines manifestations extra-articulaires et comorbidités) ;
  • de l’hémogramme (tolérance des DMARD et des AINS, manifestations extraarticulaires et comorbidités) ;
  • des paramètres hépatiques (tolérance des DMARD et des AINS, comorbidités) ;
  • de la fonction rénale (tolérance des AINS) ;
  • de la glycémie à jeun (tolérance des glucocorticoïdes) ;
  • de l’exploration des anomalies lipidiques (tolérance de certains bDMARD, des JAKi et des glucocorticoïdes, comorbidités cardiovasculaires).

Le suivi radiographique du patient comporte des radiographies des mains, des pieds et des autres articulations inflammatoires, tous les 6 mois au cours de la première année, puis tous les ans au cours des trois premières années, la périodicité des contrôles étant ensuite adaptée en fonction de l’atteinte de l’objectif thérapeutique de rémission ou de faible niveau d’activité de la maladie et des dommages structuraux préexistants.




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Dans le respect de la Réforme du deuxième cycle des études médicales (R2C), les connaissances rassemblées sur ce site sont hiérarchisées en rang A, rang B et rang C à l'aide de balises et d'un code couleur :
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