Artérite à cellules géantes

Item 195 UE VIII


Pseudopolyarthrite rhizomélique
et artérite à cellules géantes

1 - Épidémiologie commune

  • Âge de survenue : après 50 ans mais avec un pic de fréquence entre 70 et 80 ans.
  • Sex-ratio : 2 femmes pour 1 homme.
  • La pseudopolyarthrite rhizomélique (PPR) est 3 à 10 fois plus fréquente que l’artérite à cellules géantes (ACG).
  • La prévalence est d’environ 6 pour 1 000 pour la PPR et de 1 pour 1 000 pour l’ACG.
  • L’incidence augmente avec l’âge avec une distribution géographique : un gradient de fréquence qui décroît du nord vers le sud de l’Europe.
  • Elles sont rares chez les Asiatiques ou les Africains.
  • Association des deux pathologies :
  • elles surviennent isolément dans la majorité des cas (85 %) ;
  • mais l’une ou l’autre peuvent apparaître simultanément ou successivement dans 15 % des cas.
  • Ainsi, pour la majorité des auteurs, la PPR et l’ACG sont des expressions cliniques dis- tinctes d’une même maladie, pouvant se succéder l’une à l’autre ou être intriquées, et ayant des pronostics évolutifs différents (fig. 16.1).

 

Fig. 16.1.  Pseudopolyarthrite rhizomélique (PPR) et artérite à cellules géantes (ACG, ou maladie de Horton) crânienne et extracrânienne.

 

 

2 - Facteurs immunopathogéniques communs

La physiopathologie de la PPR et de l’ACG n’est que partiellement comprise. Les principales hypothèses sont :

  • un rôle de l’environnement (caractère saisonnier des pics d’incidence, rôle de certains pathogènes comme le parvovirus B19 ou Mycoplasma pneumoniae) ;
  • une prédisposition génétique (certains allèles HLA-DR4 ou du gène du récepteur de l’IL-6) ;
  • un rôle de l’immunité innée et adaptative (cellules dendritiques, monocytes, lympho- cytes Th17, lymphocytes B, production d’IL-6 et d’IL-17).

La mise en évidence d’une production importante d’IL-6 dans ces deux maladies a con- duit à l’évaluation d’anticorps monoclonaux inhibiteurs du récepteur de l’IL-6 dans les deux maladies, avec une efficacité démontrée (cf. section VI.E.2).

3 - Manifestations biologiques communes

  • Syndrome inflammatoire biologique la plupart du temps très marqué avec une CRP
  • > 40 mg/l. Parfois ce syndrome inflammatoire est plus modéré.
  • Perturbations du bilan hépatocellulaire (20 à 30 % des cas), avec augmentation des
  • phosphatases alcalines, des γGT (cholestase anictérique) et, parfois, une cytolyse (augmentation de 2 à 5 fois la normale).
  • Il n’y a aucun autoanticorps spécifique de la PPR ou de l’ACG.

4 - Pseudopolyarthrite rhizomélique

4.1 - Définition

La PPR est un rhumatisme inflammatoire touchant le sujet âgé de plus de 50 ans, se ca- ractérisant cliniquement par des arthromyalgies (douleurs articulaires et des muscles) in- flammatoires (avec réveils nocturnes et dérouillage matinal prolongé) des ceintures (de rhiza, « racine » et mélos, « membre », qui désigne la localisation préférentielle à la ra- cine des membres) scapulaire et pelvienne. Elle se manifeste biologiquement par un syndrome inflammatoire.

Diagnostic de PPR

Le diagnostic de PPR repose sur des éléments clinico-biologiques évocateurs (douleurs inflammatoires des ceintures et CRP élevée) mais non spécifiques.

Il est en conséquence toujours nécessaire d’éliminer ses principaux diagnostics diffé- rentiels (cf. infra).

La constatation d’un tableau clinique compatible avec une PPR doit systématiquement faire rechercher cliniquement une ACG associée.

5 - Signes cliniques

La PPR associe chez un patient de plus de 50 ans, après un début parfois insidieux :

  • des arthromyalgies inflammatoires (fig. 16.2) :
    – bilatérales et le plus souvent symétriques, évoluant depuis au moins 1 mois ;
  • – touchant les épaules, parfois le rachis cervical, et touchant la racine des membres inférieurs (bassin, cuisses), parfois le rachis lombaire bas ;
    – douleurs à la palpation des masses musculaires et à la mobilisation articulaire (gléno-humérales, coxofémorales, rachis cervical et lombaire) ;
    – enraidissement matinal prolongé (> 45 minutes) et réveils nocturnes en se- conde partie de nuit ;
    – les arthralgies, arthrites ou ténosynovites périphériques sont beaucoup plus rares (20 %), atteignant notamment les mains et les poignets ;
  • une asthénie (90 % des cas), avec anorexie et amaigrissement ;
  • plus rarement, une fébricule.

 

Fig. 16.2.  Zones douloureuses au cours des arthromyalgies inflammatoires de la pseudopolyarthrite rhizomélique.

 

 

6 - Examens d’imagerie

Il n’y a pas d’examens d’imagerie révélant des signes pathognomoniques de la PPR.

6.0.1 - Radiographies

Des radiographies des articulations douloureuses doivent être réalisées, en particulier à la recherche d’un diagnostic différentiel (radiographies des épaules de face avec trois ro- tations et de profil, radiographie du bassin de face en charge).

Il n’y a pas de destruction articulaire dans la PPR.

6.0.2 - Échographie des ceintures scapulaire et pelvienne (mode B et doppler)

Elle peut révéler (fig. 16.3) :

  • des bursites sub-acromio-deltoïdiennes bilatérales ;
  • des bursites trochantériennes ;
  • des ténosynovites du long biceps ;
  • des épanchements et des synovites gléno-humérales ;
  • des épanchements et des synovites coxofémorales.

Dans la mesure où ces anomalies morphologiques sont isolément fréquentes chez le su- jet avançant en âge, c’est surtout le caractère bilatéral et inflammatoire (mode doppler) de ces anomalies qui oriente vers une PPR.

 

Fig. 16.3.  Échographie dans la pseudopolyarthrite rhizomélique. 
A. Coupe transversale du long biceps (*) montrant une ténosynovite (tirets). B. Bursite sub-acromio-deltoïdienne (tirets).

 

6.0.3 - Scanner avec tomographie par émission de positons (TEP-scan)

Cet examen avec un marquage au 18-fluorodésoxyglucose (18FDG) permet de visualiser les zones métaboliquement actives consommant du glucose.

Il existe dans la PPR des fixations très importantes et bilatérales (même sur les sites asymptomatiques cliniquement) (fig. 16.4) :

  • de la ceinture scapulaire ;
  • de la ceinture pelvienne ;
  • des bursites interépineuses cervicales, thoraciques, lombaires ou ischiatiques. Même si ces fixations sont évocatrices, elles ne sont pas pathognomoniques.

Du fait de son coût, de son caractère irradiant et en accord avec les recommandations pour la prise en charge de la pseudopolyarthrite rhizomélique de la Société française de rhumatologie, cet examen doit être réservé à une prescription ciblée en cas de doute diagnostique.

 

Fig. 16.4.  TEP-scan dans la PPR.
Hypermétabolismes articulaires et péri-articulaires intenses prédominant sur les ceintures et touchant notamment l’articulation acromioclaviculaire droite (A, flèche rose), péri-articulaires des deux épaules (B, flèches bleues), des enthèses sur les grands trochanters (C, têtes de flèches grises) et les tubérosités ischiatiques (D, têtes de flèches blanches) ainsi que des es- paces interépineux (E et F, flèches rouges et blanches). À noter : un hypermétabolisme des artères fémorales, évocateur d’artérite à cellules géantes associée (astérisque).

 

7 - Examens complémentaires indiqués dans un bilan de PPR

Selon les recommandations de la Société française de rhumatologie pour la prise en charge de la PPR, en cas de présentation clinique typique, les seuls examens d’imagerie nécessaires au diagnostic sont les radiographies standards des sites atteints. Les autres examens complémentaires (tableau 16.1) sont adaptés en fonction des patients et des signes cliniques.

 

Tableau 16.1.  Examens complémentaires (liste non exhaustive) à réaliser devant une suspicion de PPR.

  Examens systématiques En fonction du contexte Bilan préthérapeutique*
Biologie – Hémogramme
– CRP
– Ionogramme sanguin, calcémie
– Urée, créatininémie et DFG
– γGT, ASAT, ALAT
– Anticorps anti-peptides citrullinés (anti-CCP) + facteurs rhumatoïdes
– CPK, dosage « myosites »
– TSH
– Électrophorèse des protéines sériques
– Anticorps antinucléaires, ANCA
– Glycémie à jeun
– Exploration d’une anomalie lipidique
– Bandelette urinaire
Imagerie – Radiographie des épaules (face, rotations neutre, interne et externe et profil)
– Radiographie du bassin de face
– Radiographie thoracique
– Échographies des épaules et des hanches
– TEP-scanner
– Ostéodensitométrie
* Hors examens déjà réalisés.

 

8 - Diagnostics différentiels de la PPR

Le diagnostic de PPR repose sur un faisceau d’arguments positifs (arthromyalgies in- flammatoires des ceintures associées à une CRP élevée) et sur des arguments négatifs (absence d’arguments cliniques, biologiques et radiologiques en faveur d’une affection pouvant mimer une PPR) (tableau 16.2).

 

Tableau 16.2.  Principaux diagnostics différentiels de la pseudopolyarthrite rhizomé- lique et points d’appels cliniques et biologiques de ces diagnostics.

Catégorie Diagnostic différentiel Points d’appels cliniques Points d’appels paracliniques
Autres rhumatismes inflammatoires Rhumatisme à pyrophosphate de calcium et rhumatisme à hydroxyapatite – Atteinte périphérique associée au poignet ou au genou
– Début très brutal et intense, résolution progressive spontanée
– Liseré de chondrocalcinose ou calcifications articulaires en radiographie ou échographie
– Présence de microcristaux de pyrophosphate de calcium à la ponction articulaire
Polyarthrite rhumatoïde du sujet âgé – Nombreuses arthrites périphériques et symétriques – Anticorps anti-peptides cycliques citrullinés (anti-CCP)
– Érosions typiques sur les radiographies
Remitting Seronegative Symetrical Synovitis with Pitting Edema (RS3PE) – Œdème des extrémités prenant le godet  
Spondyloarthrites du sujet âgé (rare) – Atteinte rachidienne importante
– Atteinte des articulations sacro-iliaques
 
Autres pathologies inflammatoires avec signes d’accompagnement Myopathies inflammatoires – Déficit musculaire – Augmentation de la créatinine kinase
– Présence d’autoanticorps des myopathies inflammatoires
Connectivites (rares) – Lupus érythémateux systémique
– Syndrome de Sjögren
– Présence d’anticorps antinucléaires
Cancers solides et hémopathies
Iatrogène
– Altération de l’état général prononcée
– Fièvre
– Rhumatismes inflammatoires induits (inhibiteurs des points de contrôle cellulaires)
– Radiographie thoracique
– TEP-scanner (en cas de forte suspicion) anormaux
Autres pathologies sans syndrome inflammatoire Pathologies mécaniques – Tendinopathie de la coiffe des rotateurs
– Coxarthrose
– Gonarthrose
– CRP normale (le diagnostic de PPR ne doit pas être retenu en l’absence de syndrome inflammatoire)
Iatrogène – Myalgies (statines, bêtabloquants, antiparkinsoniens)
Maladie de Parkinson – Trouble de la marche
– Syndrome extrapyramidal
Dysthyroïdies – Goitre
– Exophtalmie…
Ostéomalacies – Douleurs et déformations osseuses…

 

 

Le rhumatisme à pyrophosphate de calcium (RPPC) et le rhumatisme à hydroxyapatite (cf. item 198 au chapitre 19) sont les diagnostics différentiels les plus fréquents de la PPR. Le diagnostic différentiel entre PPR et polyarthrite rhumatoïde (cf. item 196 au chapitre 17) du sujet âgé est difficile car la polyarthrite rhumatoïde du sujet âgé a fréquemment un début rhizomélique (20 à 30 %) et la PPR peut comporter des ténosynovites et des arthrites périphériques (20 % des cas). La polyarthrite œdémateuse (RS3PE, Remitting Seronegative Symetrical Synovitis with Pitting Edema) comporte un œdème des extrémités, important, blanc, prenant le godet et une polysynovite. La polyarthrite œdémateuse est résolutive généralement en 12 à 18 mois. Elle est très corticosensible.

 

9 - Artérite à cellules géantes

9.1 - Définition

 L’artérite à cellules géantes (ACG, anciennement dénommée maladie de Horton) est une vascularite systémique primitive correspondant à une panartérite (inflammation attei- gnant toute la paroi des artères), segmentaire et focale des artères de grand et moyen ca- libre. Elle peut atteindre tous les vaisseaux de ces calibres, mais préférentiellement et par ordre de fréquence les branches de la carotide externe (artères temporales, maxillaires, occipitales) ainsi que les artères ophtalmiques, vertébrales, subclaviculaires, axillaires et l’aorte thoracique. On décrit classiquement les formes crâniales qui sont les plus fréquentes et les formes extracrâniales.

  • C’est la plus fréquente des vascularites après l’âge de 50 ans.
  • L’ACG est une urgence diagnostique et thérapeutique du fait des risques d’occlusion des vaisseaux.
  • Elle est associée à la PPR.

9.2 - Signes cliniques de l’ACG

Diagnostic d’ACG

Le diagnostic d’ACG repose sur l’association de signes cliniques évocateurs (signes de vascularite ou signes de PPR), d’un syndrome inflammatoire biologique et d’une preuve de vascularite (en imagerie ou sur une biopsie d’artère temporale).

9.2.1 - Syndrome clinique de PPR

(Cf. supra.)

Il est présent chez 15 % des malades et parfois révélateur d’ACG.

9.2.2 - Altération de l’état général

L’altération de l’état général et la fièvre sont habituellement plus marquées que dans la PPR isolée.

9.2.3 - Symptômes vasculaires crâniens (fig. 16.5)

  • Des céphalées inhabituelles : temporales unilatérales d’apparition récente à prédomi- nance nocturne et matinale ; parfois, elles sont frontales ou plus diffuses.
  • Une hyperesthésie du cuir chevelu qui se manifeste par des douleurs lorsque le pa- tient se coiffe (signe du peigne). L’atteinte vasculaire peut aboutir à la nécrose du scalp (rare).
  • Une douleur sur le trajet des artères temporales qui sont souvent indurées, parfois saillantes et d’aspect inflammatoire, avec une diminution de la pulsatilité ou une aboli- tion du pouls.
  • Une claudication intermittente vasculaire de la langue et de la mâchoire (douleurs sur- venant lors de la mastication) pouvant parfois aboutir à des nécroses linguales (rares).

Urgence thérapeutique

Les signes d’urgence thérapeutique que sont les symptômes vasculaires oculaires sont à rechercher systématiquement :

  • baisse de l’acuité visuelle : le plus souvent indolore, brutale et unilatérale, parfois
  • transitoire (amaurose fugace) ; elle peut survenir chez environ 15 % des patients ;
  • flou visuel, diplopie, amaurose.

Le moindre signe ophtalmologique doit faire redouter une complication ophtalmique grave et définitive et faire discuter une corticothérapie en urgence.

 

Fig. 16.5.  Artères des territoires carotidiens internes (orange), carotidiens externes (rouge) et vertébraux (violet) classiquement atteintes dans l’artérite à cellules géantes et leurs manifestations cliniques associées.

 

9.2.4 - Manifestations sévères de l’ACG

Les manifestations les plus sévères de l’ACG sont essentiellement vasculaires et isché- miques. Elles sont le plus souvent brutales et irréversibles. Elles font toute la gravité de la ma- ladie et doivent être recherchées systématiquement lors du diagnostic et des consultations de suivi.

Manifestations oculaires
Une complication oculaire se révèle le plus souvent par une cécité monoculaire brutale pouvant être précédée de prodromes (flou visuel, scotome, diplopie) : 1 à 2 % des pa- tients ont une cécité bilatérale définitive et 2 à 5 % une cécité monoculaire.
L’amaurose est la conséquence :

  • d’une neuropathie optique ischémique antérieure (90 % des cas) ;
  • d’une occlusion de l’artère centrale de la rétine ;

En cas d’atteinte unilatérale, le risque d’atteinte controlatérale et de cécité totale définitive est important et justifie une prise en charge thérapeutique urgente.

Complications neurologiques

  • Accident vasculaire cérébral constitué et accident ischémique transitoire.
  • Ces complications concernent 5 % des patients.
  • Ces accidents peuvent être liés à l’atteinte inflammatoire des artères intracrâniennes ou être de mécanisme embolique à point de départ carotidien.

Autres complications

  • L’atteinte de l’aorte concernerait 20 à 25 % des patients et peut être responsable à court, moyen ou long terme d’un syndrome de l’arc aortique, de dissections aortiques
  • et d’anévrismes de l’aorte, justifiant la recherche d’une aortite au moment du diagnos- tic.
  • Manifestations neuropsychiatriques (3 % des cas) : désorientation temporo-spatiale et trouble de l’humeur.
  • Atteinte neurologique périphérique (rare et doit faire rechercher une vascularite des petits vaisseaux).
  • Diplopie par atteinte des nerfs oculomoteurs (2 % des cas).
  • Toux.
  • Claudication intermittente vasculaire.
  • Infarctus mésentérique.

10 - Examens complémentaires

10.0.5 - Échographie-doppler des axes vasculaires

C’est l’examen de première intention en cas de suspicion d’ACG. L’échographie des axes vasculaires, notamment des artères temporales, peut révéler des signes caractéris- tiques d’artérite. Il est recommandé d’étudier également les gros vaisseaux du cou et les troncs supra-aortiques (artères carotides et axillaires).

Le signe pathognomonique est le signe du halo (halo hypoéchogène circonférentiel de la paroi du vaisseau). Une incompressibilité de l’artère, une occlusion ou une sté- nose peuvent aussi être observées. L’échographie (fig. 16.6) doit impérativement être réalisée par un opérateur entraîné sachant faire la différence entre un signe du halo et des lésions athéromateuses, fréquentes à cet âge. Cet examen peut donc per- mettre de confirmer le diagnostic ou de diriger la biopsie de l’artère afin d’améliorer la sensibilité diagnostique de cet examen.

La présence d’un signe du halo bilatéral a une spécificité de 100 % et permet devant un tableau clinico-biologique compatible de retenir le diagnostic d’ACG sans réaliser de biopsie d’artère temporale.

Signe du halo

Il consiste en un halo hypoéchogène circonférentiel au niveau de la paroi du vaisseau qui correspond à son inflammation, une hypoéchogénicité de l’intima du vaisseau touché par l’inflammation et, de manière moins spécifique, une sténose pouvant aller jusqu’à l’occlusion complète.

 

Fig. 16.6.  Échographie mode B et doppler des artères temporales.
A. Signe du halo en mode B. B. Signe du halo en mode doppler. C. Signe de la compression : en compression, la paroi de l’artère (hypoéchogène) reste visible, sans le flux doppler.

 

 

10.0.6 - Tomographie par émission de positons couplée au scanner

Cet examen au 18FDG, comme dans la PPR, permet de visualiser les atteintes des vais- seaux extracrâniens (fig. 16.7) et d’obtenir une cartographie de l’ensemble des vaisseaux atteints, montrant des zones inflammatoires de fixation intense du traceur radioactif utili- sé. C’est actuellement un des examens de référence dans le diagnostic de l’artérite à cel- lules géantes extracrâniale. Les évolutions techniques rapides de la TEP permettent maintenant d’étudier également les vaisseaux crâniens sur les appareils les plus modernes.

Les coupes scanographiques associées permettent de visualiser plus précisément l’atteinte de l’aorte. Son utilisation pourrait permettre d’évaluer l’activité de la maladie et constituerait un outil intéressant pour le suivi. Il n’est cependant pas réalisé de manière systématique.

Le diagnostic histologique est, du fait des progrès de l’imagerie, de moins en moins nécessaire au diagnostic.

 

Fig. 16.7. TEP-scanner dans l’artérite à cellules géantes.
Hyperfixations très évocatrices d’une artérite au niveau des artères axillaires (flèches blanches), de l’aorte abdominale (flèches rouges) et des artères fémorales (flèches jaunes).

 

 

10.0.7 - Angio-IRM et angioscanner de l’aorte et de ses branches

Ces deux examens sont utiles au diagnostic des atteintes extracrâniennes de l’ACG et font partie des examens cités dans le protocole national de soin de la HAS actualisé en 2024. L’angioscanner est également utile au suivi de l’atteinte aortique et à la recherche de compli- cations.

10.0.8 - Indications et résultats de la biopsie d’artère temporale

 La biopsie de l’artère temporale (BAT) est un des examens de référence pour confir- mer une ACG. Mais le diagnostic peut également être réalisé grâce à l’imagerie dans les centres experts (imagerie de l’artère temporale ou de l’aorte et de ses branches), se substituant à la BAT.
La BAT ne doit pas être réalisée devant un tableau de PPR isolée typique sans signes cliniques évocateurs d’atteinte vasculaire inflammatoire.
La BAT ne doit pas retarder le traitement. Les anomalies histologiques persistent au moins 15 jours après le début de la corticothérapie.
Le caractère focal de l’artérite justifie un prélèvement de 1 cm de long ou plus. L’examen anatomopathologique met en évidence une panartérite gigantocellulaire segmentaire et focale.
Pour être considérée comme preuve histologique d’une ACG, la biopsie doit nécessaire- ment montrer un infiltrat inflammatoire mononucléé de la média et/ou de l’intima. La pré- sence surajoutée d’une destruction de la limitante élastique interne et/ou de cellules géantes est pathognomonique mais inconstante.
La négativité de la biopsie de l’artère temporale n’exclut pas le diagnostic d’ACG. Le ca- ractère focal de la maladie explique la fréquence des faux négatifs (sensibilité de la biop- sie de l’artère temporale : entre 50 et 91 %).

11 - Diagnostic différentiel de l’ACG

Dans les formes typiques d’ACG, il y a peu de diagnostics différentiels.

11.0.9 - Autres vascularites

Elles sont plus rares à cet âge : maladie de Takayasu, qui atteint le sujet jeune, granulo- matose avec polyangéite, péri-artérite noueuse, maladie de Behçet.

11.0.10 - Autres

  • Infections : syphilis (étiologie classique d’aortite), tuberculose, salmonellose, endocardite.
  • Autres : athérosclérose, maladie d’Erdheim-Chester, cancers, maladie associée aux IgG4.

12 - Traitement de la pseudopolyarthrite rhizomélique et de l’artérite à cellules géantes

12.1 - Principes du traitement

12.1.1 - Corticothérapie systémique

  • Traitement fondé sur une corticothérapie prolongée à faible dose dans la PPR et forte dose dans l’ACG.
  • Dans l’ACG, l’instauration de la corticothérapie est une urgence thérapeutique, no- tamment lorsqu’il existe des signes ophtalmologiques ou de complications isché- miques.
  • Dans la PPR sans signe d’ACG associée, l’instauration de la corticothérapie n’est pas une urgence au sens strict et la prise en charge doit comporter l’élimination des principaux diagnostics différentiels en fonction du contexte clinique.
  • L’efficacité de la corticothérapie est souvent spectaculaire, avec une régression des symptômes dans les 24 à 72 heures et une normalisation de la CRP en quelques jours. Dans la PPR, cette efficacité est souvent considérée comme un test diagnos- tique. Cependant, la dose de corticoïdes nécessaire peut varier d’un patient à l’autre et nécessiter une adaptation.
  • La diminution de la corticothérapie est progressive. Le rythme de décroissance de la corticothérapie peut être adapté au patient et à son niveau de risque de complications de la corticothérapie (ostéoporose, cataracte, diabète…).
  • La durée du traitement doit dans l’idéal être de 12 mois (parfois 18 mois), car la corti- cothérapie prolongée est pourvoyeuse d’importantes comorbidités chez ces patients.
  • L’éducation thérapeutique du patient est indispensable. Ce dernier doit être associé à la prise en charge, comprendre les enjeux de son traitement, les complications pos- sibles, les mesures associées. Le patient doit savoir qu’en cas de réapparition de symptômes en cours de décroissance, il doit contacter son médecin référent, augmen- ter la corticothérapie au palier précédent, réaliser un dosage de la CRP.

12.1.2 - Mesures associées (à adapter à la dose de corticoïdes)

Règles hygiéno-diététiques

  • Régime pauvre en sel, pauvre en sucre et riche en protides.
  • Activité physique régulière (30 minutes de marche quotidienne).
  • Assurer une concentration sérique de vitamine D normale (≥ 75 nmol/l ou 30 ng/ml).
  • La supplémentation systématique en calcium n’est pas efficace pour prévenir l’ostéoporose cortico-induite ; une supplémentation par calcium doit être prescrite seu- lement si une enquête alimentaire révèle des apports alimentaires inférieurs à ceux recommandés (1 à 1,2 g par jour).

Autres

  • Mise à jour des vaccinations usuelles (sans retarder la mise en route du traitement) et vaccination antigrippale et antipneumococcique.
  • Traitement anti-ostéoporotique (prévention de l’ostéoporose cortico-induite, cf. item 128 au chapitre 7).
  • Apport en potassium (selon la dose de corticoïdes prescrite et les données biolo- giques).
  • L’association à un antiagrégant plaquettaire peut être proposée notamment dans les complications ischémiques de l’ACG.
  • Risque infectieux à évaluer.
  • Surveillance des complications de la corticothérapie (cf. item 330 au chapitre 29) : la pression artérielle, les œdèmes, le poids et la taille, le glaucome et la cataracte, la fonction rénale, la glycémie et les dyslipidémies.

13 - Traitement d’attaque de la corticothérapie

13.0.3 - Dans la PPR

  • Instaurée par voie orale à la dose moyenne de 15 mg par jour (0,2 à 0,3 mg/kg par jour) variant de 12,5 à 25 mg par jour d’équivalent prednisone en fonction des symp- tômes, du poids et des comorbidités.
  • Poursuivie à cette dose jusqu’à disparition des symptômes et du syndrome inflammatoire biologique.

13.0.4 - Dans l’ACG, c’est une urgence thérapeutique

Le traitement d’attaque est la prednisone à 0,7–1 mg/kg par jour (40 à 80 mg par jour environ, sans dépasser 80 mg) à débuter assez rapidement pour éviter les complications ischémiques.
En cas d’ACG compliquée de signes oculaires ou ischémiques : des bolus de méthyl- prednisolone peuvent être proposés mais sans preuve d’une meilleure efficacité. Cer- taines équipes proposent d’associer un traitement antiagrégant préventif.
La décroissance progressive n’est proposée qu’après 2 à 4 semaines et disparition des signes cliniques et régression du syndrome inflammatoire biologique.
L’absence de corticosensibilité doit faire remettre en cause le diagnostic.

14 - Décroissance et sevrage en corticoïdes

  • Lorsque le syndrome inflammatoire a disparu, la décroissance est progressive dans le but de sevrer le patient sans que ne survienne de poussée de la maladie.
  • La décroissance se fait par paliers, sur plusieurs mois.  Il n’y a pas de schémas précis mais les objectifs suivants peuvent servir de repère : 15 mg par jour à 3 mois, 10 mg par jour à 6 mois, sevrage à 12 mois dans l’ACG ; 10 mg par jour à 1 ou 2 mois dans la PPR puis diminution mensuelle d’1 mg par jour.
  •  À chaque consultation, on évalue l’absence de réapparition des symptômes de PPR ou d’ACG, de réascension du syndrome inflammatoire, d’apparition de complica- tions vasculaires de l’ACG.
  • Le patient est informé des modalités de la décroissance et de la nécessité à chaque palier de contrôler le syndrome inflammatoire biologique et de contacter le médecin expert en cas d’apparition de symptômes évocateurs d’une rechute. En effet, au cours du suivi, il ne sera pas vu en consultation à chaque palier de décroissance.

15 - Rechute

  • La rechute (réapparition des signes cliniques et biologiques) peut survenir lors de la décroissance de la corticothérapie et du sevrage ou plus à distance. La fréquence de ces rechutes est estimée entre 20 et 50 % des cas. Elle peut être déclenchée par :
    – une décroissance trop rapide ;
    – une mauvaise observance ;
    – une poussée de la maladie.
  • La rechute peut se manifester sur le même mode ou sur un mode différent (PPR re- chutant sous forme d’ACG, exposant aux risques de cette vascularite), nécessitant de reprendre la corticothérapie à plus forte dose.
  • En cas de rechute en cours de décroissance, sur le même mode, il faut reprendre la corticothérapie habituellement au palier antérieur ou envisager un traitement associé.
  • La rechute à des doses élevées ou associées à certaines atypies comme la persis- tance de l’altération de l’état général doit faire discuter la recherche d’une néoplasie ou d’un autre diagnostic différentiel.

16 - Alternatives à la corticothérapie

16.0.5 - Inhibiteurs du récepteur de l’IL-6

Le tocilizumab (anticorps monoclonal anti-IL-6R) est efficace dans le traitement de l’ACG et de la PPR. Il a obtenu une autorisation de mise sur le marché en 2017 dans l’ACG. Le sarilumab est efficace dans la PPR mais n’a pas d’autorisation de mise sur le marché en France.
La prescription des inhibiteurs du récepteur de l’IL-6 est réservée actuellement aux spé- cialistes du domaine, dans un but d’épargne cortisonique chez des patients ayant des comorbidités (ostéoporose fracturaire sévère, diabète décompensé, troubles psychiatriques).

16.0.6 - Méthotrexate

Le méthotrexate permet une épargne en corticoïdes dans la PPR et l’ACG mais les preuves disponibles sont moins solides que pour les inhibiteurs du récepteur de l’IL-6.

17 - Évolution

  •  Évolution favorable en 12 à 24 mois dans la grande majorité des cas.
  • Corticodépendance (sevrage impossible) dans 20 % des cas.
  • Morbidité liée à la corticothérapie, nécessitant une prévention précoce.
  • Pas de surmortalité démontrée.
  • Risque de cécité totale de 1 à 2 % des cas dans l’ACG.
  • Rechutes possibles parfois tardives (jusqu’à 10 ans après).

 

Maladie de Takayasu

18 - Définition

 La maladie de Takayasu est une vascularite des gros vaisseaux touchant principale- ment les femmes (70 %) jeunes (20 à 35 ans) et atteignant préférentiellement l’aorte et ses gros troncs, ainsi que l’artère pulmonaire. Elle peut atteindre tous les gros vaisseaux mais dans 60 à 90 % des cas, il s’agit de l’aorte ascendante ou descendante, des artères subclaviculaires et des branches de la carotide. Elle était communément appelée la « maladie des femmes sans pouls ».

 

19 - Signes cliniques

La maladie évolue habituellement selon deux phases.

20 - Phase pré-occlusive

Elle peut associer :

  • des signes généraux peu spécifiques : fièvre, altération de l’état général, amaigrisse- ment ;
  • des manifestations rhumatologiques (myalgies, arthralgies, mono- ou polyarthrites, syndrome de PPR) ;
  • des sérites (épanchements pleuraux ou péricardiques) ;
  • des signes cutanés (érythème noueux, rash) ;
  • des signes oculaires (douleurs, troubles de la vue) ;
  • des carotidodynies (douleurs le long des carotides) pouvant faire suspecter le diagnostic.

Cette phase dure de quelques semaines à quelques mois. Elle peut récidiver ou dispa- raître avec un temps de latence de plusieurs années avant la survenue de la phase oc- clusive.

21 - Phase occlusive

Les signes cliniques sont liés à la sténose, l’occlusion ou l’anévrisme des artères et va- rient selon le territoire vasculaire atteint. Des formes longtemps indolentes ou avec des signes peu spécifiques peuvent aboutir à des retards de diagnostic.

Les signes les plus fréquents sont l’apparition d’une HTA, d’une asymétrie tensionnelle, la disparition d’un pouls (notamment huméral), la claudication d’un membre supérieur chez un sujet de moins de 40 ans (syndrome de l’arc aortique) :

  • troncs aortiques et supra-aortiques : syndrome de l’arc aortique très évocateur (clau- dication intermittente des membres supérieurs, inégalité tensionnelle humérale, souffle sus-claviculaire, diminution ou abolition d’un ou de plusieurs pouls
  • ± céphalées, diplopie, vertiges, trouble de la vue). À rechercher systématiquement ;
  • artères viscérales abdominales : HTA de type rénovasculaire ou par coarctation de l’aorte, diarrhée, douleurs abdominales, anévrisme de l’aorte abdominale ;
  • artères coronaires : coronarite ostiale, insuffisance cardiaque, insuffisances valvu- laires en particulier aortique (10 à 25 % des cas) par dilatation de l’anneau ;
  • artère pulmonaire et ses branches : toux, hémoptysie, HTA pulmonaire ;
  • manifestations ischémiques du système nerveux central : amaurose, scotome, cécité. Ces symptômes peuvent être transitoires, à éclipses, survenant lors d’efforts ou de postures.

Les accidents vasculaires cérébraux et les infarctus du myocarde sont rares.

22 - Explorations complémentaires

22.1 - Examens biologiques

Il n’y a aucun marqueur sérologique spécifique. Le syndrome inflammatoire (VS ou CRP) est non spécifique mais évocateur d’une artérite. Il peut être absent même en cas de ma- ladie active.

22.2 - Examens d’imagerie

La confirmation diagnostique se fait grâce à l’imagerie ou à l’anatomie pathologique.

Actuellement ce sont l’échographie-doppler artérielle (par des opérateurs très entraînés), l’IRM et le TEP-scan qui sont au premier plan pour la confirmation diagnostique.
L’angioscanner est moins fréquemment utilisé.

  • Le TEP-scan a plusieurs intérêts. C’est un examen non invasif mais irradiant qui per- met comme dans l’AGC, une cartographie des vaisseaux atteints qui fixent intensé- ment le traceur, reflet de l’activité de la maladie. C’est un examen de référence dans la maladie de Takayasu. Il peut être proposé pour le suivi évolutif.
  • L’échographie-doppler artérielle et l’angio-IRM sont non irradiantes et montrent des sténoses, des occlusions ou des dilatations artérielles.
  • L’artériographie, plus invasive, n’est plus utilisée pour le diagnostic.

23 - Examen anatomopathologique

La biopsie artérielle montre des lésions inflammatoires multifocales et segmentaires touchant les trois tuniques. Elle peut être aspécifique ou montrer des lésions cicatri- cielles. Du fait des progrès de l’imagerie, le diagnostic histologique est de moins en moins nécessaire au diagnostic.




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