Réaction inflammatoire : aspects biologiques et cliniques. Conduite à tenir
La réaction inflammatoire fait partie des mécanismes de défense de l’immunité naturelle.
Cette dernière repose sur les barrières naturelles et la mise en place d’une réaction inflammatoire précoce face à toute agression, quelle qu’en soit la cause (physique, chimique, infectieuse, tumorale, etc.).
Cette réponse est immédiate, déclenchée par la libération de médiateurs issus de l’activation cellulaire, localisée et limitée dans le temps grâce à des mécanismes régulateurs et inhibiteurs, dominée par des modifications des parois vasculaires (endothélium, plaquettes, leucocytes).
Le but de cette réaction est de préparer l’organisme à combattre le stress, ainsi que de mettre en place les mécanismes de défense aigus et à plus long terme. Ces différents mécanismes peuvent être à l’origine de multiples pathologies du fait d’un défaut des systèmes effecteurs ou régulateurs.
On peut arbitrairement définir trois phases au cours de la réaction inflammatoire : une phase d’initiation, une phase d’amplification et une phase de réparation.
Plus précisément, on décrit (fig. 12.1) :
Fig. 12.1.
Réaction inflammatoire avec visualisation des différentes phases de la réaction inflammatoire : initiation, amplification et réparation.

De nombreux médiateurs sont disponibles dans les granules des leucocytes et plaquettes et peuvent être rapidement libérés par les tissus endommagés. Il s’agit de médiateurs préformés (tels qu’histamine, sérotonine, enzymes) ou de médiateurs néoformés produits par les différentes cellules dans le site inflammatoire (tels que cytokines, chimiokines, prostaglandines). Ils comprennent :
La réaction inflammatoire est un signal d’appel précieux qui constitue un élément majeur d’orientation diagnostique. Elle peut être :
La pierre angulaire est la triade rougeur, chaleur et douleur. Ces signes seront visibles si les organes où se développe la réaction inflammatoire sont superficiels (articulation, peau…) :
D’autres signes sont également liés au syndrome inflammatoire et aux cytokines pro-inflammatoires :
En cas de réaction inflammatoire généralisée, on peut observer des signes de choc qui peuvent précéder une défaillance multiviscérale.
Si l’inflammation est prolongée, elle entraîne des anomalies de l’hématopoïèse visibles sur l’hémogramme :
La CRP (C-Reactive Protein) s’élève très rapidement (6 à 12 heures), a une demi-vie courte (24 heures) ; ses valeurs peuvent varier énormément (fig. 12.2).
Le fibrinogène, l’orosomucoïde et l’haptoglobine sont des protéines dont les taux sériques augmentent en cas d’inflammation avec des variations plus modérées, un délai de réponse (12 à 14 heures) et une demi-vie (2 à 6 jours) plus longs (fig. 12.2).
Fig. 12.2.
Variations au cours du temps des protéines de l’inflammation.
D’après : Gabay C, Kushner I. Acute-phase proteins and other systemic responses to inflammation. N Engl J Med 1999;340(6):448–54.

L’inflammation se traduit par une augmentation de la vitesse de sédimentation (VS) des globules rouges. Il s’agit d’une conséquence de l’augmentation des protéines de l’inflammation, notamment du fibrinogène, qui induisent des modifications de l’agrégation des hématies (hématies en rouleaux qui sédimentent plus vite).
C’est un marqueur de cinétique lente (demi-vie : 4 à 6 jours).
La VS est mesurée par la hauteur de plasma libérée après sédimentation des globules rouges en millimètres, à la première heure. Elle dépend du nombre, de la taille, de la charge des globules rouges, des protéines plasmatiques (protéines de l’inflammation, gammaglobulines), de l’âge et du sexe.
On considère que les valeurs normales de la VS sont :
La VS est de moins en moins réalisée en pratique courante par certains centres en raison de sa cinétique et de sa mauvaise spécificité. Elle garde un intérêt dans les rhumatismes inflammatoires chroniques (DAS28).
L’électrophorèse sérique permet d’étudier le profil des protéines sériques qui varie au cours de l’inflammation. Les protéines sont séparées en cinq fractions en fonction de leur poids moléculaire, du plus faible au plus élevé : albumine, α1-globuline, α2-globuline, β-globuline et γ-globulines (fig. 12.3). Ainsi, ces fractions comprennent différentes protéines :
Fig. 12.3.
Électrophorèse des protides sériques normale.

Les fractions α1 et α2 augmentent lors de l’inflammation mais elles peuvent rester normales même en cas d’inflammation persistante et élevée. L’albumine ainsi que la transferrine sont des protéines qui diminuent au cours d’un syndrome inflammatoire.
L’hypergammaglobulinémie polyclonale (fig. 12.4) témoigne d’un processus infectieux chronique, d’une maladie auto-immune ou d’une hépatopathie chronique. Si elle est monoclonale, elle correspond à un pic d’immunoglobuline et doit faire rechercher une gammapathie monoclonale de signification indéterminée (MGUS) ou un myélome (fig. 12.5).
Fig. 12.4.
Électrophorèse des protides sériques révélant une hypergammaglobulinémie polyclonale.

L’étude du complément se fait en routine dans le sérum et repose sur deux types de tests : les dosages immunochimiques, qui permettent de quantifier les différents composants du complément (C3, C4, B, C1-inhibiteur), et les tests fonctionnels reposant sur l’étude de la réaction d’hémolyse, qui permettent de mesurer l’activité hémolytique globale : complément hémolytique 50 (CH50). Le C3 et le C4 sont fréquemment élevés lors de la réponse inflammatoire. Le CH50 est diminué lors de la consommation de complément par activation de la voie classique (lupus, endocardite, glomérulonéphrite…) ou en cas de déficit génétique (C2, C1-inhibiteur).
Fig. 12.5.
Électrophorèse des protides sériques révélant un pic monoclonal dans les gammaglobulines.

Au cours des pathologies rhumatologiques, la présence d’un syndrome inflammatoire biologique sera un argument en faveur d’une étiologie non mécanique (rhumatisme inflammatoire chronique, maladie de système ou auto-immunes, pathologie microcristalline, pathologie infectieuse ou tumorale). Cependant, l’absence de syndrome inflammatoire ne permet pas d’exclure un rhumatisme inflammatoire, une pathologie tumorale, voire une infection torpide ou décapitée.
Aucun des paramètres inflammatoires n’étant totalement spécifique de l’inflammation, il peut être utile dans une démarche diagnostique d’en mesurer deux, voire trois. Par exemple, l’haptoglobine est diminuée en cas d’hémolyse ; on retrouve une hypocomplémentémie dans certaines pathologies (lupus, cryoglobulinémie, endocardite, glomérulonéphrite).
En pratique clinique, les paramètres biologiques de l’inflammation sont utiles au diagnostic et au suivi évolutif de certaines affections inflammatoires (activité de la maladie, efficacité des traitements). En pratique courante, on réalise en première intention l’hémogramme et la CRP ± la VS (selon les centres). En deuxième intention, on demande l’EPP.
En cas d’infection aiguë, un paramètre de cinétique rapide permettra de suivre au mieux l’évolution. Devant une pathologie inflammatoire chronique, certains préfèrent utiliser un paramètre traduisant l’état inflammatoire des jours précédents (VS).
On entend par syndrome inflammatoire « dissocié » un tableau où deux paramètres de l’inflammation ont été mesurés avec des résultats discordants, l’une des mesures étant normale, l’autre anormale :
Outre la dissociation de la VS par rapport à la CRP, on retiendra :
Enfin, on se rappellera que les cinétiques des marqueurs biologiques de l’inflammation sont différentes, ce qui peut expliquer certaines discordances en tout début ou à la fin d’une réaction inflammatoire.
Dénutritionet cachexie : l’inflammation chronique associée, par exemple, aux cancers ou aux rhumatismes inflammatoires chroniques s’accompagne d’une perte de poids en rapport avec l’anorexie, la fatigue, une balance protéique négative responsable d’une perte de masse musculaire. Elles s’associent à une augmentation de la morbi-mortalité et du handicap (infections et immunosuppression, risque cutané, chutes, fractures).
Ostéoporose : l’inflammation chronique peut provoquer une perte osseuse en rapport avec une augmentation de la résorption.
Risque cardiovasculaire et troubles métaboliques : l’inflammation chronique est responsable d’une athérosclérose accélérée, d’une insulinorésistance et d’un risque de thrombose accru, ce qui augmente le risque d’événements et la mortalité cardiovasculaires (infarctus du myocarde ou AVC, risque thromboembolique).
Amylose secondaire AA : elle peut compliquer un syndrome inflammatoire chronique, en particulier au cours de la polyarthrite rhumatoïde, de la maladie de Still, des maladies auto-inflammatoires. Elle est due à des dépôts extracellulaires anormaux composés de protéine AA qui dérive du clivage de la protéine SAA sécrétée en cas de syndrome inflammatoire. Elle est le plus souvent révélée par une atteinte rénale (protéinurie) ou cardiaque, plus rarement digestive. Le diagnostic est histologique (biopsie de graisse abdominale ou des glandes salivaires accessoires, biopsie d’organes).
Légende :
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