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Arthrose

Item 125 UE 5


1 - Pour comprendre

L'arthrose est la principale cause de maladie ostéo-articulaire touchant environ 10 % de la population. Elle affecte principalement le rachis, les genoux, les hanches et les mains. C'est une maladie de l'ensemble des tissus articulaires affectant en premier lieu le cartilage articulaire, mais aussi la membrane synoviale et l'os sous-chondral. Lorsqu'elle devient symptomatique, elle entraîne des douleurs et un handicap fonctionnel. Sa forte prévalence et son retentissement sont à l'origine d'un coût médico-économique considérable, estimé à plus d'un milliard d'euros par an en France. Du fait de la sédentarité qu'elle occasionne et de l'inflammation chronique de bas grade qui lui est associée, une surmortalité cardiovasculaire est observée chez les patients gonarthrosiques.

1.1 - Physiopathologie

Le cartilage articulaire est un tissu particulier puisqu'il est avasculaire, non innervé et qu'il comprend un seul type de cellules : les chondrocytes. Les chondrocytes sont donc responsables à la fois de la production et de la dégradation de la matrice extracellulaire du cartilage. Cette matrice est composée à plus de 80 % d'eau et d'un réseau de collagène et de protéoglycanes, fortement hydrophiles. Ce réseau hydraté est à l'origine des propriétés biomécaniques du cartilage articulaire dont le rôle principal est d'absorber les contraintes mécaniques entre deux surfaces osseuses.
La couche profonde du cartilage, appelée cartilage calcifié repose sur une plaque d'os sous-chondral. Les interactions entre l'os et le cartilage sont très importantes et permettent le passage de nutriments et de différents médiateurs. Enfin, la face interne de la capsule articulaire est tapissée de la membrane synoviale responsable de la production du liquide synovial et donc de la lubrification de l'articulation. Elle apporte également des nutriments pour le cartilage articulaire.
Au cours de l'arthrose, le cartilage fait l'objet d'un déséquilibre entre une synthèse défaillante et une destruction enzymatique accrue de la matrice extracellulaire. Suite à un stress mécanique (traumatisme articulaire, microtraumatismes répétés liés à l'excès pondéral) ou biologique, l'ensemble des tissus articulaires va produire des médiateurs pro-inflammatoires responsables d'une inflammation locale dite « de bas grade » car moins importante qu'au cours de la polyarthrite rhumatoïde. Cette inflammation va induire la production accrue d'enzymes protéolytiques telles que les métalloprotéases, capables de digérer la matrice extracellulaire du cartilage. De plus, les chondrocytes, normalement quiescents, vont rentrer dans un cycle de maturation et se différencier en chondrocytes dits hypertrophiques, responsables de la production d'une matrice plus fragile. Les chondrocytes vont également diminuer en nombre du fait d'une mort par apoptose.
L'arthrose n'est pas une maladie isolée du cartilage ; les autres tissus de l'articulation sont touchés : le stress mécanique ou biologique va induire des remaniements de l'os sous-chondral avec l'apparition d'excroissances osseuses, les ostéophytes, mais aussi des anomalies du remodelage osseux avec l'apparition de plaques de sclérose et à l'inverse de géodes, surtout lorsque l'os sous-chondral est mis à nu, une fois le cartilage détruit. Des microfissures (appelées « microcracks ») vont se produire à l'interface os-cartilage permettant le passage de médiateurs inflammatoires et enzymatiques d'un tissu à l'autre.
Enfin, la membrane synoviale, activée par les débris de cartilage articulaire présents dans la cavité articulaire, est le siège d'une inflammation qui est parfois responsable d'un épanchement liquidien, riche en médiateurs pro-inflammatoires et en enzymes protéolytiques, qui en retour sont susceptibles de favoriser plus encore la dégradation du cartilage.
La douleur est quant à elle un phénomène mal compris dans l'arthrose et complexe puisque le cartilage n'est pas innervé. La physiopathologie de la douleur arthrosique fait donc intervenir l'os sous-chondral, la capsule articulaire mise en tension lors des épisodes d'épanchement, la membrane synoviale et des mécanismes complexes de sensibilisation centrale de la douleur.

1.2 - Facteurs de risque de l'arthrose

L'arthrose primitive est initiée sous l'influence de plusieurs facteurs de risque, qui se combinent à une susceptibilité propre du cartilage à développer une arthrose chez certains individus.

  • Âge : rare avant quarante ans, la prévalence de l'arthrose augmente fortement après soixante ans.
  • Le surpoids et surtout l'obésité : l'excès pondéral favorise l'arthrose des articulations portantes (genou, rachis, et dans une moindre mesure hanche) ou non (arthrose digitale). Désormais on considère que le syndrome métabolique est, au-delà de la seule obésité, un facteur de risque d'arthrose (combinaison de l'hypertension artérielle, diabète ou insulinorésistance, dyslipidémie et obésité).
  • L'hérédité : il existe des familles où la prévalence de l'arthrose est bien supérieure à celle de la population générale, ce qui est probablement lié à certains facteurs génétiques de susceptibilité (polymorphismes génétiques). Cela se voit notamment dans l'arthrose digitale.
  • Statut hormonal : la prévalence de l'arthrose est plus importante chez les femmes que chez les hommes, avec une nette différence après la ménopause.
  • Facteurs biomécaniques : port de charges lourdes, microtraumatismes répétés, troubles de l'architecture des membres, congénitaux ou acquis augmentant les contraintes (genu varum ou genu valgum pour la gonarthrose), antécédent de lésions et/ou de chirurgie ménisco-ligamentaires (ligaments croisés et ménisques du genou).

On considère schématiquement qu'il existe trois grands phénotypes d'arthrose qui regroupent la majorité des patients :
1. arthrose liée au vieillissement ;
2. arthrose métabolique (associée à l'obésité et au syndrome métabolique) ;
3. arthrose post-traumatique.
Par ailleurs, à côté de l'arthrose primitive, on distingue les arthroses dites secondaires car directement dues à toute maladie articulaire au potentiel destructeur (principalement arthrites microcristallines, arthrites septiques, rhumatismes inflammatoires destructeurs tels que la poylarthrite rhumatoïde ou la spondyloarthrite) ou à une malformation de l'articulation elle-même (ex. : dysplasie de hanche).
Enfin, à côté de ces arthroses primitives ou secondaires, il existe beaucoup plus rarement les arthroses des maladies monogéniques dues à des malformations articulaires qui s'intègrent dans un syndrome dysmorphique généralisé avec des troubles de la croissance squelettique (chondrodysplasies).

2 - Coxarthrose

2.1 - Définition

La coxarthrose est l'arthrose de l'articulation coxofémorale.

2.2 - Épidémiologie

Entre quarante et soixante-quinze ans, la prévalence de la coxarthrose symptomatique en France est de l'ordre de 1 à 5 % de la population, avec une légère prédominance féminine.
La coxarthrose est favorisée dans plus de 50 % des cas par une anomalie, notamment par un vice architectural de la hanche qu'il faudra systématiquement rechercher avec des radiographies (coxarthrose secondaire sur dysplasie). Les autres formes sont considérées comme des coxarthroses primitives.

2.3 - Quand faut-il évoquer le diagnostic ?

La douleur est le motif le plus fréquent de consultation. Elle est fréquemment associée à la raideur, entraînant rapidement une limitation des capacités fonctionnelles dans certaines activités de la vie quotidienne (marche, escaliers, changement de position, habillage, etc.) et une diminution nette de la qualité de vie. Parfois, c'est l'enraidissement de l'articulation qui amène le patient à consulter.

2.3.1 - Topographie

La douleur la plus spécifique est celle du pli de l'aine.
La douleur peut irradier à la face antérieure de la cuisse ou en antéro-interne, pouvant mimer une cruralgie. Les douleurs externes en regard du grand trochanter (association fréquente avec une tendino-bursite du moyen glutéal), postérieures dans la fesse sont aussi rapportées. Enfin, la douleur peut être dite « projetée » en regard du genou, ce qui peut être trompeur.

2.3.2 - Horaire

La douleur est d'horaire mécanique, augmentée à l'effort, calmée par le repos et ne réveillant pas le malade la nuit (sauf aux changements de position). La douleur peut s'accompagner d'une sensation de raideur matinale, avec un dérouillage court, de moins de quinze minutes.

2.3.3 - Retentissement fonctionnel

Il est essentiel d'évaluer la diminution des capacités fonctionnelles en lien avec l'atteinte de la coxofémorale. Parmi les activités de la vie quotidienne, la marche doit être évaluée de manière systématique (boiterie d'esquive, diminution du périmètre de marche, de la vitesse de marche). Ce sont les limitations des mouvements de rotation de hanche qui occasionnent les incapacités les plus importantes : difficulté à mettre des chaussettes, à enfiler un collant, à s'accroupir, à sortir de voiture ou retentissement sur la vie sexuelle.
Plusieurs indices algofonctionnels sous forme de questionnaires comme le HOOS (Hip disability and Osteoarthritis Outcome Score), le WOMAC (Western Ontario and Mc Master Universities index) ou l'indice de Lequesne permettent de suivre l'évolution du retentissement de la coxarthrose (tableau 9.1). Avec l'indice de Lequesne est même proposé un seuil (≥ 10-12) incitant à discuter l'indication potentielle de prothèse totale de hanche.

Tableau 9.1 : Indice fonctionnel des coxopathies de Lequesne (à titre indicatif).

ÉvaluationCotation
Douleur ou gêne
Douleur nocturneAucune
Seulement aux mouvements et dans certaines postures
Même immobile, sans bouger
0
1

2
Dérouillage matinalAucun ou inférieur à une minute
Pendant quelques minutes
Plus d'un quart d'heure
0
1
2
Douleur lors du stationnement debout ou du piétinement pendant une demi-heureAucune
Des douleurs
0
1
À la marcheAucune
Après quelque distance
Dès les premiers pas et allant croissant
0
1
2
Gêne lors de la station assise prolongéeAucune
Douleur
0
1

Marche maximale
Aucune limitation
Plus de 1 km mais limitée
Environ 1 km (environ 15 minutes)
500 à 900 mètres (environ 8 à 15 minutes)
300 à 500 mètres
100 à 300 mètres
Moins de 100 mètres
Avec une canne ou canne-béquilleN
Avec deux cannes ou cannes-béquilles
0
1
2
3
4
5
6
+ 1
2
Difficultés pour :
Enfiler une chaussette ou un collant par devant
Ramasser un objet à terre
Monter et descendre un étage
Sortir d'une voiture
Retentissement sur l'activité sexuelle
0 à 2
0 à 2
0 à 2
0 à 2
0 à 2
Le domaine chirurgical commence lorsque le score est supérieur ou égal à 10-12 points.

L'utilisation de 1 ou 2 cannes-béquilles majore le score obtenu.
La cotation : 0 : sans difficulté ; 0,5 : assez facilement ; 1 : avec difficulté ; 1,5 : avec beaucoup de difficulté ; 2 : impossible.
Source : Lequesne M, Mery C, Samson M, Gérard P. Indexes of severity for osteoarthritis of the hip and knee. Scand J Rheumatol 1987 ; 65 : 85-9.

2.3.4 - Examen de la hanche

Il doit se faire d'abord en position debout, puis à la marche et, enfin, en position couchée. L'examen clinique doit être bilatéral et comparatif.

  • En position debout : on recherche une attitude vicieuse, en flessum de hanche (impossibilité d'extension complète de hanche) ou en rotation externe.
  • À la marche : on recherche une boiterie : boiterie d'esquive liée à la douleur, boiterie de Trendelenburg par insuffisance du moyen glutéal avec bascule de l'épaule homolatérale, boiterie par déficit d'extension de la hanche, etc.
  • En position couchée :
    - il existe une douleur et/ou une limitation douloureuse lors de la mobilisation de la hanche. Au début, les mouvements sont peu limités et la limitation porte sur la rotation interne et l'extension ;
    - on recherche un déficit ou une amyotrophie des muscles de la loge antérieure de cuisse (psoas, quadriceps) ;
    - on examine les genoux à la recherche d'une gonarthrose associée.

Au total, au terme de l'examen, on doit pouvoir affirmer la responsabilité de la hanche dans le syndrome douloureux du creux inguinal, de la fesse ou de la cuisse.

2.4 - Comment faire le diagnostic ?

2.4.1 - Radiographie

Les radiographies vont aider à confirmer le diagnostic évoqué cliniquement.
L'examen radiographique (fig. 9.1 et 9.2) comprend un cliché de bassin debout de face avec les membres inférieurs en rotation interne à 20° et un faux profil de Lequesne de chaque hanche - indispensable, il évalue l'interligne articulaire en avant et en arrière ; l'interligne articulaire normal croît d'arrière en avant.

Fig. 9-1 : Coxométrie.
A. Hanche de face.
B. Faux profil de Lequesne.
Angle VCE : couverture externe de la tête (N > 25°).
Angle HTE : obliquité du toit du cotyle (N < 10°).
Angle CC'D : céphalo-cervico-diaphysaire (N < 135°).
Angle VCA : couverture antérieure de la tête (N > 25°).
V : verticale. H : horizontale. C : centre de la tête fémorale. D : axe de la diaphyse fémorale.
E : point externe du toit du cotyle. T : point interne du toit du cotyle. A : point antérieur du toit du cotyle.

COFER



Fig. 9-2 : Coxarthrose.

COFER



La radiographie permet de détecter des formes dites secondaires de la coxarthrose, liées à un vice architectural (dysplasie). La coxométrie évalue les angles de couverture du cotyle et l'obliquité du col fémoral sur le cliché de face. On définit quatre angles fondamentaux (cf. fig. 9.1) :

  • angle VCE, couverture externe du cotyle, normalement supérieur à 25° ;
  • angle HTE, obliquité du toit du cotyle, normalement inférieur à 10° ;
  • angle céphalo-cervico-diaphysaire, normalement inférieur à 135°.

Sur le faux profil de Lequesne, on définit : angle VCA, couverture antérieure de la tête fémorale, normalement supérieur à 25°.
Ces clichés permettent de rechercher un ou des signes cardinaux de l'arthrose (fig. 9.3) :

  • le pincement localisé de l'interligne articulaire apprécié de façon comparative. Sur la face, il est le plus souvent supéro-externe, plus rarement supérieur global ou supéro-interne. L'interligne sur le cliché de face peut être normal dans les formes débutantes ;
  • l'ostéophytose marginale : avant-toit, péricéphalique, périfovéale, céphalique postéro-inférieure, « en hamac » sous le col fémoral ;
  • l'ostéosclérose condensante de l'os sous-chondral dans les zones d'hyperpression, le pôle supérieur de la tête et/ou le toit du cotyle ;
  • des géodes sous formes de lacunes cerclées en regard du pincement maximal de l'interligne articulaire (zone d'hyperpression).

Fig. 9-3 : Coxarthrose polaire supérieure.
A. Pincement articulaire supéro-externe.
B. Ostéocondensation sous-chondrale.
C. Géodes sous-chondrales.
D. Ostéophytose.
1. cotyloïdienne ; 2. péricapitale ; 3. cervicale inférieure ; 4. sous-capitale ; 5. de l'arrière-fond du cotyle ; 6. périfovéale.

COFER



Dans les formes plus évoluées, on observe des déformations importantes de la tête fémorale, qui perd sa sphéricité.
On peut coter l'importance de l'atteinte radiologique par la classification de Kellgren et Lawrence (qui tient compte du pincement et des ostéophytes) ou par la seule mesure du pincement de l'interligne.
Fait important, il peut exister une dissociation anatomoclinique : l'importance de l'atteinte radiologique n'est pas toujours corrélée avec la douleur et/ou au retentissement fonctionnel.

2.4.2 - Biologie

Il n'y a pas de syndrome inflammatoire (VS et CRP normales).
L'examen du liquide synovial est inutile dans une coxarthrose typique cliniquement et radiographiquement. En cas de doute diagnostique, l'analyse du liquide articulaire confirme son caractère « mécanique » (< 1 000 éléments/mm3) et l'absence de microcristaux.
Il n'y a pas de test de routine permettant d'évaluer la dégradation du cartilage.

2.4.3 - Diagnostics différentiels

Le diagnostic de coxarthrose est, en règle générale, facile : clinique évocatrice et image typique de coxarthrose. Parfois, le diagnostic est plus difficile : il faut discuter principalement :

  • une cruralgie (mais tonalité volontiers neurogène de la douleur, diminution ou abolition d'un réflexe rotulien, hypoesthésie de la face antérieure de cuisse) ;
  • une ostéonécrose aseptique de la tête fémorale ;
  • une tendinopathie du moyen fessier (douleur externe, en regard du grand trochanter) ;
  • une fissure ostéoporotique du bassin (sacrum ou branche) ;
  • une algodystrosphie de hanche (surtout au 3e trimestre de grossesse).

Dans ces cas, on s'aidera d'examens complémentaires plus spécialisés, au rang desquels l'IRM tient une place de choix. L'arthroscanner peut parfois avoir une place pour préciser une atteinte cartilagineuse coxofémorale non détectée à la radiographie ou une ostéochondromatose secondaire à la coxarthrose.

2.5 - Pronostic

Il existe des grandes variations interindividuelles dans la cinétique d'évolution clinique et/ou radiographique : la progression moyenne du pincement articulaire à la hanche est de 0,2 à 0,3 - mm par an. Certaines formes de coxarthrose n'évoluent pas (moins de 10 %) ou peu (surtout les formes supéro-internes). À l'inverse, il existe des épisodes de chondrolyse semi-rapide, voire de chondrolyse rapide, correspondant à la coxarthrose destructrice rapide (CDR).

2.6 - Formes cliniques

2.6.1 - Coxarthrose destructrice rapide

La CDR se définit par un pincement de plus de 50 % de l'interligne, ou de 2 mm en l'espace d'un an. Elle est caractérisée par une douleur de début brutal, très intense, à recrudescence nocturne. Elle se rencontre préférentiellement chez la femme de soixante-cinq ans, volontiers obèse, parfois déclenchée par un traumatisme articulaire ou un surmenage physique. La coxarthrose rapidement destructrice évolue très rapidement vers un pincement global de l'interligne sans ostéophytose. Seule la répétition des clichés (à trois mois d'intervalle minimum) met en évidence la chondrolyse par l'étude du pincement articulaire. L'évolution peut se faire vers l'ostéolyse de la tête fémorale qui perd alors sa sphéricité. Le doute avec une coxite notamment infectieuse ou microcristalline impose la ponction articulaire pour analyser le liquide synovial.
Il existe des formes d'évolution très rapide, soit un pincement de l'interligne de plus de 2 mm en un an, soit semi-rapide de 1 mm en un an, qui surviennent sur des coxarthroses installées. Ces formes ont une présentation cliniquement identique à des coxarthroses rapidement destructrices de novo et le diagnostic se fait sur l'évolutivité rapide du pincement de l'interligne articulaire.

2.6.2 - Coxarthroses secondaires à une anomalie d'architecture

a. Vices architecturaux congénitaux
Dysplasie supéro-externe (fig. 9.4) ou dysplasie luxante
Cette dysplasie est la plus fréquente. Elle est souvent bilatérale et elle est dépistée systématiquement à la naissance. Elle résulte :

  • d'une anomalie de l'extrémité supérieure du fémur avec un col trop vertical (coxa valga) mise en évidence par le calcul de l'angle cervicodiaphysaire supérieur à 140°, mais aussi anormalement antéversé (coxa antetorsa) ;
  • d'une dysplasie du toit du cotyle (+++). La coxométrie montre une insuffisance de couverture du toit du cotyle qui ne contient plus la tête en dehors et en avant, avec des angles VCE et VCA inférieurs à 20°.


Fig. 9-4 : Coxarthrose secondaire à une dysplasie supéro-externe.

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Les deux anomalies sont souvent associées.
Il existe différents degrés de dysplasie luxante, de la dysplasie simple (avec respect du cintre cervico-obturateur), à la subluxation par rupture du cintre et enfin la luxation complète avec formation d'une néo-articulation au-dessus du cotyle normal.
Dysplasie interne, ou protrusion acétabulaire (fig. 9.5)
La protrusion acétabulaire est responsable de 5 % des causes de coxarthrose, plus souvent chez la femme et elle est volontiers bilatérale. Le début est souvent plus tardif et l'évolution plus lente que pour une coxarthrose supéro-externe. Cette malformation est mise en évidence par les calculs de la coxométrie : l'angle VCE est supérieur à 35°, l'angle HTE est de 0 à 5°, et, surtout, par la position de la ligne acétabulaire (arrière-fond cotyloïdien) qui déborde en dedans la ligne ilio-ischiatique.

Fig. 9-5 : Coxarthrose secondaire à une dysplasie interne.

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b. Vices architecturaux acquis
Coxa plana
Elle correspond à des séquelles d'ostéochondrite de l'enfance (également appelée maladie de Leggs, Perthes et Calvé) qui touche préférentiellement les garçons entre cinq et dix ans. Elle correspond à une fragmentation du noyau céphalique avec à l'âge adulte une déformation, dite en « béret basque », de la tête fémorale, parfois bilatérale.
Coxa retorsa
Il s'agit d'une séquelle d'une épiphysiolyse de l'adolescent, volontiers bilatérale, qui survient entre dix et seize ans, souvent chez les garçons obèses. Le glissement de la tête fémorale, en bas et en arrière, peut être évident, ou seulement minime, et la présence d'une ostéophytose du col fémoral supérieur doit attirer l'attention.

2.6.3 - Coxarthroses secondaires à une autre pathologie de hanche

  • Fractures du cotyle ou du toit cotyloïdien.
  • Ostéonécroses de la tête fémorale.
  • Coxites évoluées secondaires à toute maladie articulaire destructrice (principalement : spondylarthrite, polyarthrite rhumatoïde, arthrite microcristalline, arthrite septique).
  • Maladie de Paget.
  • Inégalité des membres inférieurs lorsqu'elle dépasse 3 cm.

2.7 - Traitement

2.7.1 - Traitement médical

Le traitement médical a toujours sa place, quel que soit le terrain, y compris dans les formes évoluées pour limiter le retentissement fonctionnel et associera dans tous les cas mesures non pharmacologiques et pharmacologiques. Le traitement médical prendra en compte le nombre d'articulations arthrosiques symptomatiques (s'agit-il d'une coxarthrose isolée incitant aux traitements locaux ou s'agit-il d'une coxarthrose dans le cadre d'une polyarthrose ?) ainsi que la présence de comorbidités qui peuvent limiter certaines prescriptions médicamenteuses (AINS notamment).
Le traitement médical comporte :

  • des mesures de ménagement de l'articulation douloureuse : éviter les marches dans les périodes les plus douloureuses ; favoriser, par contre, la marche au quotidien en dehors des poussées très douloureuses et la pratique du vélo et de la piscine ; éviter les stations debout prolongées et le port de charges lourdes ; utiliser une canne du côté opposé à la hanche malade ; corriger un excès de poids ; respecter un repos quotidien en position allongée, hanches en extension ;
  • la rééducation douce de la hanche, possiblement en balnéothérapie, dont le but est de préserver la mobilité articulaire, la trophicité musculaire et d'éviter la constitution d'un flessum ;
  • les antalgiques simples de palier I prescrits à la demande en fonction de la douleur et au long cours (paracétamol jusqu'à 3 g par jour). On peut proposer en cas de douleurs rebelles des antalgiques de palier II (codéine, tramadol) et exceptionnellement de palier III (morphine) ;
  • un anti-inflammatoire non stéroïdien per os en cure courte en l'absence de contre-indication au cours de poussées douloureuses ; on prescrira la posologie efficace la plus faible et le moins longtemps possible et on prendra en compte la présence de comorbidités qui peuvent limiter leur prescription (notamment : maladies cardiovasculaires, antécédent d'ulcère gastroduodénal, insuffisance rénale, maladie hépatique).

Les antiarthrosiques d'action lente et les injections d'acide hyaluronique ont été utilisés dans la coxarthrose, sans preuve réelle de leur efficacité symptomatique.
Les effets du traitement médicamenteux peuvent être mesurés à l'aide de critères bien validés pour le suivi clinique : périmètre de marche, douleur à la marche mesurée sur une EVA, indices algofonctionnels, indices de qualité de vie.

2.7.2 - Traitement chirurgical

Le traitement chirurgical a deux objectifs :

  • ne pas laisser passer l'heure d'une intervention de chirurgie préventive dans les coxopathies luxantes symptomatiques (dysplasie de hanche) du sujet jeune ;
  • à l'inverse, ne pas porter abusivement une indication de prothèse de hanche lors d'une coxarthrose évoluée primitive radiographique mais peu symptomatique.

a. Traitement chirurgical conservateur
Il s'agit d'une chirurgie préventive qui doit être systématiquement proposée et discutée en cas de dysplasie luxante douloureuse chez le sujet de moins de cinquante ans avec coxarthrose débutante. Elle vise à corriger précocement la malformation subluxante. Cette chirurgie précoce de correction est proposée à l'issue d'une discussion médicochirurgicale tenant compte du type de la malformation, de l'ancienneté de la douleur et de l'aspect radiographique concernant l'importance de l'arthrose. Il s'agit d'une chirurgie très délicate, qui doit être effectuée par un chirurgien entraîné à ces techniques et permet d'éviter ou retarder la pose de prothèse, ayant une durée de vie limitée, chez le sujet jeune. Ainsi, peut-on proposer :

  • une ostéotomie fémorale supérieure de varisation en cas de coxa valga ;
  • une butée cotyloïdienne ou une ostéotomie du bassin de type Chiari en cas d'insuffisance de couverture de la tête.

La chirurgie est suivie d'une rééducation et d'un arrêt de travail prolongés, qui doivent être pris en compte chez des sujets en général en pleine activité professionnelle.
Ce sont des interventions chirurgicales finalement peu fréquemment proposées.

b. Chirurgie de la prothèse totale de hanche (fig. 9.6)
En aucun cas, l'imagerie seule permet de porter l'indication de la mise en place d'une prothèse de genou car le degré de l'atteinte radiographique ne corrèle pas à la gêne fonctionnelle. Seul le retentissement clinique (douleur et handicap) justifie l'intervention. On pourra s'aider de l'indice de Lequesne.

Fig. 9-6 : Prothèse totale de hanche à droite et coxarthrose à gauche.

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L'indication de la mise en place d'une prothèse est simple chez les sujets de plus de soixante ans avec handicap important malgré le traitement médical. L'indication se discute, au cas par cas, pour le malade entre quarante et soixante ans avec un handicap majeur et pour une coxarthrose déjà très évoluée avec un vice architectural chez un sujet jeune.
La durée de vie d'une prothèse est de l'ordre de 20 ans actuellement et pose le problème, pour un sujet jeune, de la mise en place vraisemblable d'une seconde prothèse.
L'intervention est bien standardisée et consiste en la mise en place d'une pièce fémorale faite en alliage métallique et d'une cupule cotyloïdienne fixée dans la cavité cotyloïdienne par l'intermédiaire d'un ciment acrylique.
La prothèse totale de hanche peut présenter plusieurs types de complications :

  • les complications aiguës postopératoires : hématome, phlébite, arthrite septique précoce, retard de cicatrisation devant faire rechercher une infection ;
  • les complications tardives :
    - la luxation de prothèse (il faudra à titre préventif éduquer les patients pour éviter les mouvements de flexion, rotation interne et adduction excessifs),
    - le descellement prothétique précoce, qui, par définition survient durant la première année et devra faire rechercher une infection, ou tardif (descellement « mécanique » favorisé par l'usure du polyéthylène [complication la plus fréquente]),
    - la détérioration cotyloïdienne,
    - la fissure périprothétique,
    - l'ossification périprothétique.

3 - Gonarthrose

3.1 - Définition

La gonarthrose est l'arthrose la plus fréquente des membres inférieurs, avec une nette prédominance féminine après la ménopause. Entre quarante et soixante-quinze ans, l'arthrose du genou touche 2 à 10 % des hommes et 3 à 15 % des femmes en France.
Elle concerne différents compartiments :

  • l'arthrose fémoropatellaire entre la rotule (ou patella) et le fémur (35 % des cas) ;
  • l'arthrose entre le fémur et le tibia, dite « fémorotibiale » avec l'atteinte fémorotibiale interne plus fréquente que celle du compartiment fémorotibial externe (45 à 50 % des cas).

Ces différentes localisations volontiers intriquées (15 à 20 % des cas) réalisent des atteintes uni-, bi- ou tricompartimentales.
Il faudra s'attacher à préciser chez un patient gonarthrosique les compartiments touchés.

3.2 - Arthrose fémorotibiale

3.2.1 - Épidémiologie

La gonarthrose fémorotibiale est fréquente, particulièrement chez la femme (deux tiers des malades) après la ménopause. La moyenne d'âge est de soixante-cinq ans. Elle est favorisée par les troubles de la statique des membres inférieurs avec notamment un genu varum (entraînant une surcharge de pression dans le compartiment fémorotibial interne) ou un genu valgum (entraînant une surcharge de pression dans le compartiment fémorotibial externe).

3.2.2 - Quand faut-il évoquer le diagnostic ?

La douleur est le principal motif de consultation mais la raideur du genou qui apparaît secondairement participe aussi à la limitation des capacités fonctionnelles.

a. Topographie
C'est une douleur souvent décrite de façon diffuse et globale dans le genou. Elle est plus volontiers localisée au compartiment interne en cas d'atteinte fémorotibiale interne.

b. Horaire
Cette douleur est de rythme mécanique, survenant à la marche, à la montée et parfois à la descente des escaliers, lors de la remise en charge depuis une position assise, soulagée par le repos, ne réveillant pas le malade sauf lors des changements de position. Il existe cependant des poussées dites inflammatoires locales (appelées souvent de manière impropre « congestives »), où la douleur s'intensifie avec une recrudescence nocturne des douleurs et la présence d'un épanchement articulaire parfois abondant.

c. Retentissement fonctionnel
Il faut apprécier systématiquement le retentissement fonctionnel, comme pour la hanche car il peut être très différent selon l'activité du patient (professionnelle ou sportive). Plusieurs indices algofonctionnels sous forme de questionnaires comme le KOOS (Knee disability and Osteoarthritis Outcome Score), le WOMAC (Western Ontario and Mc Master Universities index) ou l'indice de Lequesne permettent de suivre l'évolution du retentissement fonctionnel. Avec l'indice de Lequesne est même proposé un seuil (≥ 10-12) incitant à discuter l'indication potentielle de prothèse totale de genou.

d. Examen clinique
L'examen du genou se fait debout puis à la marche, puis couché. L'examen est bilatéral et comparatif. L'examen debout s'intéresse aux déviations axiales des membres inférieurs pour mettre en évidence une déformation à type de genu varum (« déviation en dedans de la jambe ») ou de genu valgum (« déviation en dehors de la jambe »), voire de genu recurvatum (genou en hyperextension).
L'examen à la marche permet surtout de rechercher une majoration d'un trouble statique, l'existence d'une boiterie voire la mise en évidence d'un dérobement ou d'un lâchage (flexion spontanée du membre inférieur en position debout, témoignant d'une faiblesse quadricipitale).
En décubitus dorsal, on étudie :

  • les différentes mobilités du genou. La flexion du genou (distance talon-fesse) est longtemps conservée dans la gonarthrose. L'existence de craquements est audible et palpable à la flexion traduisant une atteinte du cartilage articulaire ;
  • on recherche un épanchement intra-articulaire par la recherche d'un choc rotulien ou d'un signe du flot. La survenue de douleurs intenses avec un horaire en partie inflammatoire associées à un épanchement évoque une poussée inflammatoire locale (« congestives ») ;
  • on recherche une tuméfaction dans le creux poplité, à la face interne, témoin d'une bourse synoviale nommée kyste poplité, qui est le signe d'un épanchement important. Le kyste poplité peut se rompre dans le mollet lors de certains mouvements en compression, entraînant une douleur brutale et un tableau de pseudo-phlébite ;
  • on évalue le retentissement musculaire en recherchant une amyotrophie du quadriceps (mesure bilatérale et comparative du périmètre de cuisse) ;
  • dans les arthroses évoluées, on peut mettre en évidence des déformations plus importantes du genou, avec un aspect globuleux et surtout un flessum ;
  • on teste les stabilités antéropostérieures (conservées) et latérales (laxité interne ou externe) ; ces dernières sont un élément fondamental dans les indications ultérieures de la chirurgie ;
  • on examinera les hanches systématiquement afin d'éliminer une douleur de coxarthrose projetée au genou et de rechercher une atteinte coxofémorale associée.

3.2.3 - Comment faire le diagnostic ?

a. Incidence radiographique
Les radiographies vont aider à confirmer le diagnostic évoqué cliniquement.
Il faudra systématiquement demander les incidences radiographiques suivantes de manière bilatérale et comparative :

  • une incidence de face en appui bipodal, rotation nulle, genoux en extension ;
  • un profil des genoux ;
  • un défilé fémoropatellaire à 30° de flexion ;
  • enfin, un examen dit « en schuss » (de face, en charge, à 30° ou 60° de flexion, cliché en postéro-antérieur), qui doit être systématique : il permet de voir le compartiment postérieur - celui qui est le plus précocement atteint - et de révéler un pincement de l'interligne articulaire qui ne serait pas vu sur le cliché en extension.

b. Signes cardinaux de l'arthrose à rechercher (fig. 9.7 et 9.8)

  • Le pincement de l'interligne localisé à un des deux compartiments fémorotibiaux (une atteinte des deux compartiments fémorotibiaux est possible dans la gonarthrose primitive, mais se voit aussi dans les arthroses secondaires).
  • L'ostéophytose dite marginale externe, mais également interne, appréciée sur le cliché de face.
  • L'ostéophytose des épines tibiales visualisée sur le cliché « en schuss ».
  • L'ostéophytose située en avant et en arrière du tibia, sur la face postérieure du condyle et au-dessus de la trochlée, analysée sur le profil.
  • La présence d'une ostéosclérose sous-chondrale avec des géodes dans le même compartiment.


Fig. 9-7 : Gonarthrose fémorotibiale interne : évolution radiographique avec apparition d'une déformation en varus.

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Fig. 9-8 : Gonarthrose fémorotibiale interne.

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On étudie également des déviations axiales qui seront cotées si besoin par une goniométrie.
Un tel bilan permet d'apprécier le caractère uni-, bi-, voire tricompartimental de l'arthrose.

c. Biologie
Il n'y a pas de syndrome inflammatoire (VS et CRP normales).
Il n'y a pas de test de routine permettant d'évaluer la dégradation du cartilage.

d. Diagnostics différentiels
Le diagnostic associant douleur mécanique du genou et anomalies radiographiques compatibles est habituellement facile. Il faudra tout de même se méfier d'une atteinte coxofémorale projetée, d'une atteinte méniscale isolée surtout en cas de début brutal chez un sujet jeune qui décrit des épisodes de blocage, d'une arthropathie microcristalline évoluant à bas bruit (intérêt de la ponction d'un épanchement), d'une ostéonécrose d'un condyle fémoral ou d'une fissure d'un plateau tibial. L'IRM, n'a généralement pas d'intérêt dans le diagnostic et le suivi d'une gonarthrose. Elle n'est pas systématique en pratique courante et n'est réalisée qu'en cas de doute pour éliminer les diagnostics différentiels cités ci-dessus.

3.2.4 - Pronostic

L'évolution de l'arthrose se fait par poussées et est très variable à l'échelon individuel. Il existe des périodes douloureuses alternant avec des périodes d'accalmie. Même à un stade radiographique évolué, la gêne fonctionnelle peut ne pas être majeure (discordance radioclinique) mais l'inverse est aussi possible. La plupart des sujets conservent un périmètre de marche suffisant pour des activités de la vie quotidienne. Les activités sollicitant particulièrement les genoux sont en revanche rapidement exclues par les patients (se mettre accroupi, course, saut, etc.).
La présence d'un épanchement synovial à répétition ou chronique est un facteur de mauvais pronostic d'évolution de la gonarthrose.

3.2.5 - Formes cliniques

a. Gonarthrose destructrice rapide
Au même titre que pour la coxarthrose, il s'agit d'une forme particulière avec une aggravation rapide du pincement articulaire, de plus de 50 % en 1 an. Elle touche particulièrement les patients présentant des épanchements chroniques ou récidivants du genou. Il faut alors rechercher l'existence d'une chondrocalcinose articulaire associée.

b. Secondaires à une autre pathologie (gonarthroses secondaires)
Certaines gonarthroses sont secondaires à une arthrite chronique (polyarthrite rhumatoïde, spondyloarthrite, arthrite septique, arthropathie métabolique), une ostéonécrose, une maladie de Paget. Le contexte clinique et la radiographie standard (montrant typiquement une atteinte tricompartimentale) suffisent en général à évoquer ce diagnostic de gonarthrose secondaire.

3.2.6 - Traitement

a. Traitement médical
Dans tous les cas, le traitement médical qui doit associer mesures non pharmacologiques et pharmacologiques est de mise car l'aggravation est très progressive, sur plusieurs années, avec des périodes d'accalmie clinique possibles.
Le traitement médical (pharmacologique et non pharmacologique) prendra en compte le nombre d'articulations arthrosiques symptomatiques (s'agit-il d'une gonarthrose isolée incitant aux traitements locaux ou s'agit-il d'une gonarthrose dans le cadre d'une polyarthrose ?) ainsi que la présence de comorbidités qui peuvent limiter certaines prescriptions médicamenteuses (AINS notamment).
Le traitement médical comporte plusieurs volets :

  • des mesures pour éviter une sursollicitation du genou : éviter les marches et les stations debout prolongées et utiliser éventuellement une canne en période douloureuse ; en dehors des poussées, il faut favoriser la marche quotidienne et l'activité physique régulière ; corriger un excès de poids (prise en charge nutritionnelle voire chirurgie bariatrique dans les obésités compliquées et/ou morbides) est un élément essentiel de la prise en charge ;
  • la rééducation est une étape importante : elle consiste en une rééducation et un renforcement du quadriceps pour stabiliser le genou et à la lutte contre le flessum. Cette rééducation a montré un effet antalgique significatif ; elle doit comprendre un apprentissage d'auto-exercices ;
  • les antalgiques simples de palier I prescrits à la demande en fonction de la douleur et au long cours (paracétamol jusqu'à 3 g par jour). On peut proposer en cas de douleurs rebelles des antalgiques de palier II (codéine, tramadol) et exceptionnellement de palier III (morphine) ;
  • les anti-inflammatoires non stéroïdiens en topiques locaux peuvent être efficaces, avec un profil de tolérance satisfaisant ;
  • les anti-inflammatoires non stéroïdiens par voie orale sont proposés dans les poussées douloureuses de la maladie, notamment en cas de poussée inflammatoire locale congestive. On prescrira la posologie efficace la plus faible et le moins longtemps possible et on prendra en compte la présence de comorbidités qui peuvent limiter leur prescription (notamment : maladies cardiovasculaires, antécédent d'ulcère gastroduodénal, insuffisance rénale, maladie hépatique) ;
  • les infiltrations intra-articulaires de corticoïdes sont utilisées surtout en cas d'épanchement intra-articulaire ;
  • les infiltrations intra-articulaires d'acide hyaluronique ont montré un effet antalgique rémanent. Ces gestes sont indiqués lors des gonalgies mécaniques sans épanchement abondant, au maximum 1 fois par an ; du fait d'un bénéfice clinique faible, leur déremboursement par l'assurance maladie a été récemment décidé ;
  • le port d'une orthèse (genouillère), en particulier de décharge (articulées pour limiter les pressions sur les compartiments atteints) peut avoir un effet antalgique ;
  • la crénothérapie (cure thermale) peut être proposée notamment en cas de gonarthrose dans un contexte de polyarthrose ou en cas de comorbidités limitant les prescriptions médicamenteuses et a souvent un effet à la fois antalgique et psychologique.

Les antiarthrosiques d'action lente (glucosamine, chondroïtine,) ont longtemps été utilisés au long cours dans la gonarthrose à visée antalgique mais ont été déremboursés insaponifiables d'avocat et de soja du fait d'un bénéfice clinique jugé trop modeste.

b. Traitement chirurgical
Deux objectifs :

  • ne pas laisser passer l'heure d'une intervention chirurgicale préventive chez un sujet « jeune » avec une déviation axiale ;
  • ne pas poser abusivement une prothèse en cas d'arthrose peu symptomatique.

En aucun cas, l'imagerie seule permet de porter l'indication de la mise en place d'une prothèse de genou car le degré de l'atteinte radiographique ne corrèle pas à la gêne fonctionnelle. Seul le retentissement clinique (douleur et handicap) justifie l'intervention. On pourra s'aider de l'indice de Lequesne.
Traitement dit conservateur par ostéotomie de réaxation (fig. 9.9)
L'ostéotomie de valgisation en cas de gonarthrose sur genu varum ou l'ostéotomie de varisation en cas de gonarthrose sur genu valgum permettent de retarder en moyenne de douze ans la mise en place d'une prothèse totale au genou ; cependant, il s'agit d'interventions lourdes qui ne sont envisageables qu'avant soixante-cinq ans sur un genou stable sans laxité avec une gonarthrose peu évoluée.

Fig. 9-9 : Principe de l'ostéotomie de valgisation « tibiale ».

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Prothèses du genou
Ce sont principalement des prothèses totales non contraintes dites à glissement avec plus ou moins conservation du système ligamentaire. Il existe des prothèses unicompartimentales lorsqu'un seul compartiment est touché, sans trouble de l'axe.
L'indication est fonction de la topographie et de l'étendue des lésions. Si l'arthrose est globale, la prothèse totale du genou est le seul traitement chirurgical recevable en cas d'arthrose mal tolérée. Si l'arthrose est unicompartimentale, on privilégie la prothèse unicompartimentale chez un sujet âgé, sans défaut d'axe majeur, sans hyperlaxité. Enfin, si l'atteinte est unicompartimentale mais extrêmement sévère avec des destructions étendues, seul le recours à la prothèse totale est envisageable.

3.3 - Arthrose fémoropatellaire

3.3.1 - Épidémiologie

L'atteinte est le plus souvent observée chez une femme au-delà de quarante ans, elle est souvent bilatérale et symétrique, elle intéresse en règle générale le compartiment externe de l'articulation fémoropatellaire. Les principaux facteurs de risque sont la dysplasie fémoropatellaire (subluxation externe de la rotule), la chondromalacie rotulienne (amincissement localisé du cartilage rotulien avec ulcération et fissure visible en IRM ou par arthroscopie) et les luxations de rotule.

3.3.2 - Quand faut-il évoquer le diagnostic ?

La douleur siège typiquement à la face antérieure du genou. Elle est volontiers déclenchée par les activités plaquant la rotule sur les trochlées fémorales : la descente plutôt que la montée des escaliers, la station assise prolongée, l'agenouillement. À l'inverse, les douleurs sont modestes en terrain plat. Elle peut s'accompagner de signes d'accrochage douloureux, notamment à la marche, et d'épisodes d'épanchement. À l'examen, bilatéral et comparatif, on recherche des signes de souffrance dans le compartiment fémoropatellaire.
La douleur est réveillée :

  • à l'extension contrariée de la jambe ;
  • à la pression de la rotule sur le genou fléchi ;
  • à la palpation de la rotule ;
  • à la « manœuvre du rabot » (douleur déclenchée au frottement de la rotule contre la trochlée) ;
  • à la manœuvre de Zohlen : douleur lorsque l'examinateur s'oppose à l'ascension de la rotule lors de la contraction du quadriceps.

Fréquemment, la douleur du genou est plus diffuse et traduit l'atteinte associée d'un compartiment fémorotibial.

3.3.3 - Comment faire le diagnostic ?

Le diagnostic clinique est confirmé par la radiographique, qui comprend :

  • incidences axiales à 30° ou 60° ;
  • incidences de face et de profil des genoux en charge ainsi qu'un cliché en de face en schuss à la recherche d'une gonarthrose fémorotibiale associée.

Les incidences axiales mettent en évidence une diminution ou une disparition de l'interligne externe, associée à une ostéophytose rotulienne trochléenne externe (fig. 9.10).

Fig. 9-10 : Arthrose fémoropatellaire avec amincissement de l'interligne externe.

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La rotule est souvent translatée en dehors par usure du cartilage. Cette atteinte externe peut être favorisée par une dysplasie trochléopatellaire (fig. 9.11) (angle trochléen normalement inférieur à 140° sur les incidences fémoropatellaires à 60° de flexion). Il est beaucoup plus rare que l'arthrose fémoropatellaire affecte le compartiment interne.

Fig. 9-11 : Dysplasie trochléopatellaire.

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3.3.4 - Pronostic

L'évolution de l'arthrose fémoropatellaire est variable. Les douleurs sont d'abord intermittentes, puis deviennent gênantes, notamment lors de la pratique de la marche et des activités sportives. Cette arthrose s'associe souvent à une amyotrophie du quadriceps et à un épanchement articulaire, avec parfois un kyste poplité.

3.3.5 - Traitement

Le traitement est surtout médical, associant kinésithérapie et traitements antalgiques.

  • Le point majeur du traitement consiste en une rééducation isométrique du muscle vaste interne de façon à réaxer la rotule (kinésithérapie qui doit comprendre un apprentissage d'auto-exercices).
  • Le genou doit être ménagé durant les phases symptomatiques en limitant la pratique de sports très sollicitants tels que le ski ou la bicyclette.
  • On peut pratiquer des infiltrations de corticoïdes lors des poussées inflammatoires locales congestives. L'efficacité des injections d'acide hyaluronique (viscosupplémentation) est non démontrée dans cette indication.

Ce n'est qu'en cas de retentissement clinique important malgré un traitement rééducatif et antalgique bien conduit qu'on envisage une intervention chirurgicale.
Différentes techniques chirurgicales sont proposées (transposition de la tubérosité tibiale, patellectomie, arthroplastie totale de la rotule).

4 - Arthrose digitale

4.1 - Définition

L'arthrose digitale - base du pouce, articulation interphalangienne distale et, moins souvent, articulation interphalangienne proximale - est la localisation la plus fréquente de l'arthrose en général, elle est plus volontiers associée à l'arthrose des genoux, et elle s'intègre parfois dans une polyarthrose.

4.2 - Épidémiologie

Après cinquante-cinq ans, deux femmes sur trois et un homme sur deux présentent des signes d'arthrose à la radiographie des mains. Parmi cette population, 20 % en souffrent, sous la forme de douleurs mécaniques pouvant toucher tous les doigts. L'atteinte des articulations interphalangiennes distales est la forme la plus fréquente, suivi de l'arthrose de la base du pouce (arthrose trapézométacarpienne ou rhizarthrose) favorisée par des microtraumatismes répétés ou par un vice de la statique du premier métacarpien.

4.3 - Quand faut-il évoquer le diagnostic ?

L'arthrose digitale se traduit par le développement, à bas bruit, de tuméfactions nodulaires des articulations interphalangiennes distales, parfois douloureuses, entraînant des déformations importantes : les nodules d'Heberden. L'atteinte des articulations interphalangiennes proximales, est moins fréquente, caractérisée par les nodosités de Bouchard (fig. 9.12).

Fig. 9-12 : Arthrose digitale - Atteintes caractéristiques des articulations interphalangiennes distales et proximales.
Collection C. Marcelli - Caen.

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La rhizarthrose se traduit par des douleurs de la racine du pouce et la partie externe du poignet. Localement la mobilisation de la trapézométacarpienne est douloureuse ; l'articulation est hypertrophiée, parfois le siège d'un petit épanchement. Dans les formes évoluées, on constate un pouce adductus associé à une amyotrophie de la loge thénar (fig. 9.13).

Fig. 9-13 : Rhizarthrose - Déformation du pouce avec pouce adductus.
Collection C. Marcelli - Caen.

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Quand les déformations sont typiques, le diagnostic est purement clinique, sans avoir besoin des radiographies. Les radiographies des mains montrent les signes habituels de l'arthrose aux articulations digitales avec un pincement de l'interligne, une ostéophytose latérale, parfois très exubérante et responsable des nodosités. Il peut exister des géodes sous-chondrales. Sur ces petites articulations, le pincement de l'interligne est souvent global.

4.4 - Pronostic

L'arthrose digitale est parfois invalidante par les douleurs et/ou la gêne fonctionnelle et/ou la gêne esthétique. Certains indices algofonctionnels permettent de quantifier son retentissement comme l'indice de Dreiser ou le score AUSCAN (Australian/Canadian Hand Osteoarthritis Index). L'évolution montre une régression et une diminution des douleurs dans le temps au prix de l'installation de nodules, parfois déformants, possiblement handicapants sur le plan fonctionnel dans les gestes de la vie quotidienne.

4.5 - Forme clinique particulière : arthrose digitale érosive

L'arthrose érosive des doigts se traduit par des poussées inflammatoires locales congestives des articulations des doigts caractérisées par des douleurs intenses, inflammatoires avec des réveils nocturnes, évoluant sur plusieurs semaines. Dans les formes les plus inflammatoires, ces atteintes peuvent ressembler à un rhumatisme inflammatoire, en particulier au rhumatisme psoriasique compte tenu des localisations sur les articulations interphalangiennes distales. Ces formes entraînent radiologiquement d'importantes érosions avec des géodes et un pincement total de l'interligne articulaire avec un aspect en « aile de mouette » (fig. 9.14).

Fig. 9-14 : Arthrose digitale érosive touchant les articulations interphalangiennes distales avec aspect en « aile de mouette ».

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4.6 - Traitement

Il n'y a pas de traitement véritablement consensuel de l'arthrose digitale. La maladie évolue par poussées douloureuses responsables d'une gêne très importante. À terme, une gêne fonctionnelle parfois considérable peut s'installer en raison d'une déformation vicieuse.

4.6.1 - Traitement médical

Il fait appel à :

  • des antalgiques (paracétamol : jusqu'à 3 g par jour). On peut aussi proposer parfois des antalgiques de palier II (codéine, tramadol) et de palier III (morphine) qui sont rarement utilisés dans l'arthrose digitale isolée mais plutôt lorsqu'il existe une polyarthrose ;
  • des anti-inflammatoires non stéroïdiens per os lors des poussées douloureuses inflammatoires de la maladie ;
  • des anti-inflammatoires en topiques locaux en fonction des douleurs ;
  • des orthèses pour essayer d'éviter les déformations notamment des articulations interphalangiennes distales et de la rhizarthrose ; le port d'une orthèse la nuit au moment des poussées est proposé pour limiter la déformation du pouce et à visée antalgique ;
  • au cours des poussées très douloureuses et résistantes aux traitements habituels, on peut pratiquer des infiltrations cortisoniques ;
  • des auto-exercices visant à maintenir les amplitudes articulaires sont souvent proposés.

Les injections d'acides hyaluroniques et les antiarthrosiques d'action lente n'ont pas leur place dans le traitement de l'arthrose digitale.

4.6.2 - Chirurgie de l'arthrose des doigts

Elle doit être réservée à des cas exceptionnels compte tenu du caractère extensif et diffus de la maladie. Il peut s'agit d'intervention de réaxation, de blocage de l'articulation (arthrodèse) ou de remplacement prothétique.

4.6.3 - Chirurgie de la rhizarthrose

L'histoire naturelle de la rhizarthrose qui évolue vers une gêne fonctionnelle souvent bien tolérée incite peu à recourir à la chirurgie. Néanmoins, l'indication chirurgicale peut se poser en fonction du retentissement de l'arthrose et de l'âge du patient. Les interventions proposées sont la trapézectomie ou la prothèse trapézométacarpienne, l'arthrodèse étant plutôt réservée à des cas particuliers d'arthrose post-traumatique.

5 - Autres localisations arthrosiques

Les localisations arthrosiques, en dehors de la main, du genou et de la hanche sont rares. Elles doivent systématiquement faire rechercher une cause associée (traumatique, microcristalline, etc.).

5.1 - Arthrose de l'épaule, ou omarthrose

L'omarthrose touche essentiellement la scapulohumérale.
Il faut distinguer l'omarthrose excentrée, secondaire à une rupture de coiffe (fig. 9.15), de l'omarthrose centrée (primitive, rare et doit faire rechercher une cause secondaire dont une pathologie articulaire destructrice comme la polyarthrite rhumatoïde ou la chondrocalcinose).

Fig. 9-15 : Omarthrose excentrée secondaire à la rupture de la coiffe des rotateurs.

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L'omarthrose se traduit par une douleur de type mécanique, longtemps bien tolérée, évoluant vers un enraidissement. Les radiographies montrent un pincement de l'interligne souvent global avec une condensation de l'os sous-chondral et une ostéophytose parfois très importante surtout dans la partie inférieure de la glène, avec des ostéophytes en « battant de cloche ». En cas d'omarthrose excentrée, on retrouve, en plus des signes d'arthrose glénohumérale, des signes de rupture de coiffe (ascension de la tête humérale avec une diminution de l'espace sous-acromial voire une néoarticulation acromiohumérale). Le traitement médical est symptomatique. Cependant, en cas d'omarthrose excentrée, douloureuse et résistante au traitement médical, peut se discuter la mise en place d'une prothèse inversée.
Quand l'omarthrose est bien centrée (c'est-à-dire la tête bien en face de la glène), la prothèse totale de l'épaule est une bonne indication avec une excellente efficacité antalgique. Toutefois, elle nécessite que soit vérifiée l'absence de rupture de la coiffe.

5.2 - Arthrose de la cheville

L'arthrose de la cheville est presque toujours secondaire : post-traumatique, nécrose de l'astragale, chondrocalcinose ou maladie de surcharge comme l'hémochromatose.
Elle se traduit par des douleurs mécaniques de la cheville en orthostatisme et à la marche. Il existe souvent un déficit de l'extension.
Le traitement consiste essentiellement en des mesures orthopédiques. Il faut réserver l'arthrodèse à des cas extrêmement invalidants en raison de la raideur séquellaire de l'intervention. Les prothèses totales de cheville sont possibles, mais uniquement posées dans des services spécialisés.